Sur terre comme au ciel

C’est l’histoire d’une jeune fille, Clara, issue d’une communauté religieuse très unie, qui part un beau jour pour Montréal, à la recherche de sa sœur bien-aimée en fuite. Du jour au lendemain et un peu malgré elle, ses repères, ses certitudes, bref sa vie, s’effondrent. Où est finalement le bon chemin ? Est-ce que ça existe au moins ?


Publié à 1h18

Mis à jour à 7h00

C’est ce préambule quelque peu alambiqué qui est à l’origine de Sur terre comme au cielavec Lou Thompson (Le Pacte), pour son premier rôle sur grand écran (dans un long métrage, et quel rôle !), un film lyrique au scénario en apparence assez insolite, mais finalement pas tellement. En effet, une fois la proposition acceptée, il sera beaucoup question de découvertes, mais surtout d’émancipation, de doute et de libre pensée. Le tout en déambulant dans les rues animées de la métropole, en gros plans sur ses gratte-ciel, ses peintures murales colorées et ses vélos fleuris.

Certes, ce n’est pas tous les jours qu’on parle de communautés chrétiennes contemporaines au cinéma québécois. Les sectes ne font pas vraiment partie du paysage médiatique, sauf quand scandale il y a. Et il n’y a rien de cela ici, faut-il le signaler. Point d’histoire d’abus ou de magouille à l’horizon.

« Ce n’est pas la question religieuse qui m’intéresse tant que ça », explique en entrevue Nathalie Saint-Pierre (Ma voisine danse le ska, Catimini), scénariste, réalisatrice et productrice du film, qui vient de remporter plusieurs prix au Festival du film canadien de Dieppe, dont le Grand Prix du jury et le Prix d’interprétation. Ce dernier a été remis aux deux comédiennes Lou Thompson (Clara) et Édith Cochrane (sa tante Louise), qui incarnent deux personnages assez antagonistes, merci, dialogues crus et savoureux en vue.

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PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La réalisatrice Nathalie Saint-Pierre

Je voulais montrer un personnage [Clara] qui découvre Montréal pour la première fois […] à une époque où nous avons tous notre vérité, dans un monde de certitudes.

Nathalie Saint-Pierre, réalisatrice

A noter qu’il n’est pas nécessaire d’être dans un mouvement religieux pour être « endoctriné », glisse-t-elle. « Nous sommes tous dans des chambres d’écho, et dans toutes sortes de domaines, il y a des gens qui ont des réponses… »

Un fait réel

Il faut cependant savoir que l’idée originale (de Marika Lhoumeau, co-scénariste) est en réalité issue d’un événement réel, aussi inédit que cela puisse paraître. «C’est une histoire qui s’est passée dans sa famille», confirme Nathalie Saint-Pierre. Il y a 25 ans, quelqu’un est parti vivre dans une communauté chrétienne protestante. » Des années plus tard, son enfant, jusqu’ici inconnu du bataillon, arrive à Montréal. « Elle avait quitté la communauté. »

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PHOTO FOURNIE PAR PRODUCTION

Clara (Lou Thompson) se rend à Montréal à la recherche de sa sœur évadée.

Nous n’en saurons pas plus. « Je ne voulais pas cibler une communauté », répète le réalisateur. Si elle a choisi une congrégation chrétienne, quelque part dans les environs de Maniwaki, c’est pour des raisons pratiques. « Très vite, on comprend les codes », argumente-t-elle. Pensez : hiérarchie, règles morales et chemin sacro-saint. Nathalie Saint-Pierre a aussi inventé un mot, « les perdus », pour parler de tous ceux qui ont dévié, ou quitté le fameux chemin du film (ou qui n’y sont jamais entrés). Des Moldus, si vous voulez. Mais sachez que seules les 15 premières minutes de l’histoire se déroulent dans ce lieu mystérieux. L’essentiel est ailleurs.

Mon objectif n’était pas de dénoncer une communauté religieuse, […] Je voulais montrer l’émancipation.

Nathalie Saint-Pierre, réalisatrice

Lou Thompson convaincant

En parlant d’émancipation, Lou Thompson, comiquement convaincant en jeune nonne aux sourcils froncés parachutée dans la ville aux mille clochers (mais avec portes verrouillées), n’est pas peu fière d’avoir décroché ce premier “beau” grand rôle “riche et intéressant”. ! » « Je le voulais vraiment ! » » Après avoir été partout, Dieu n’est nulle part ici, constate-t-elle, à son grand désarroi. « Elle découvre pour la première fois tout ce que je sais déjà. C’était comme une replongeance dans la découverte », raconte-t-elle, qu’il s’agisse de la ville bien sûr, mais aussi de la musique, de la danse, de l’amitié ou de la trahison. Pour peaufiner son rôle, l’actrice n’a lu que quelques passages de la Bible, et c’est tout. « Je l’ai comprise, dit-elle, c’est aussi simple que ça ! »

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PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Edith Cochrane salue ce rôle « majeur ».

Quant à Edith Cochrane, qui incarne ici Tante Louise, aux antipodes de sa nièce, extravertie et sans filtre (il faut l’entendre parler de « Jesus freaks » !), elle ne cache pas avoir fait diverses recherches sur l’alcoolisme, pour le par souci de réalisme. Son personnage, qui sirote sa vodka au flacon en conduisant chaque matin, plus complexe qu’il n’y paraît, l’a visiblement sortie de sa zone. « Un personnage de cette envergure, drôle et émouvant, c’est ce que j’attendais ! Que quelqu’un me voie dans autre chose ! », se félicite-t-elle.

« J’aime dire que les événements ne sont pas autobiographiques, poursuit Nathalie Saint-Pierre, mais les émotions et les inquiétudes le sont. » Entre autres : la recherche de son fameux chemin, droit ou pas (« c’était compliqué pour moi ! » raconte celui qui a d’abord étudié l’administration), l’alcoolisme (« mon père en est mort ») et l’importance du doute. « Méfiez-vous de ceux qui savent ! », glisse la réalisatrice, paraphrasant l’un de ses personnages, avec une réplique parmi tant d’autres qui invite ici à la réflexion.

En salles le 12 avril

 
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