« Sur terre comme au ciel », du doute et des premières fois

« Sur terre comme au ciel », du doute et des premières fois
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Bourrées dans leurs robes sombres et leurs capines, Sarah et Clara se promènent dans les bois. N’eût été la rumeur d’automobiles circulant sur une route lointaine, on aurait pu croire que les deux sœurs étaient sorties tout droit du 19ème siècle.e siècle. En effet, les adolescentes vivent au sein d’une communauté chrétienne fondamentaliste coupée du monde. Ce mouvement sectaire, avec ses diktats motivés par la peur, est tout ce qu’ils connaissent. Mais un jour, Sarah disparaît. Terrifiée, Clara refuse de l’oublier, comme ses parents le lui ordonnent. Menant une enquête, elle s’enfuit en ville, croyant que son aînée s’est réfugiée chez Louise, une tante impie. Récit initiatique mêlé au féminin, Sur terre comme au ciel marque le retour de la cinéaste Nathalie Saint-Pierre.

Pour mémoire, on doit à ce dernier le très, très beau et poignant Catimini, un film collectif de 2013 qui suit des petites filles et des adolescentes dans différentes familles d’accueil. Mais contrairement à ce précédent long métrage, Sur terre comme au ciel n’a pas été initié par le réalisateur, qui a co-écrit le scénario avec l’actrice et autrice Marika Lhoumeau (Devenir Margot), basé sur une idée originale de ce dernier.

« Ce film n’existerait pas sans Marika », affirme d’emblée Nathalie Saint-Pierre, interviewée en prévision de la sortie le 12 avril.

« Marika a eu cette idée alors qu’elle étudiait à l’INIS [Institut national de l’image et du son], parce que quelque chose de similaire s’est produit dans sa famille. Elle a donc commencé à développer ce projet, l’a proposé à un producteur, puis, en décembre 2015, elle m’a contacté, avec l’accord de ce producteur, pour que je produise et réalise le film. »

Les deux femmes entament alors un travail de réécriture afin d’améliorer ce qui était initialement un court métrage. « Comme Marika est fondamentalement une actrice, elle a une bonne oreille et ses dialogues étaient excellents. Mais je pense qu’à un moment donné, c’est comme si elle se rendait compte que la résonance avec le sujet, c’est-à-dire le poids d’une éducation religieuse, était moins forte qu’elle ne le croyait. La communauté était là, mais on ne savait pas clairement si elle était religieuse ou nouvel Age… Et bref, au bout d’un an, Marika, je crois, a vu que j’étais passionnée, et elle m’a confié le projet. Mais la plupart des étapes étaient là : je n’aurais jamais pu faire ce film sans elle. Et je n’aurais pas pu le faire non plus sans Lou Thompson, qui est extraordinaire dans le rôle de Clara. »

Par la suite, Nathalie Saint-Pierre procède à une autre réécriture, clarifie le carcan religieux et imagine, entre autres, cette sœur qui se serait évanouie dans la nature.

La naissance du doute

Cependant, la quête de Clara pour retrouver Sarah devient peu à peu une quête d’elle-même, la jeune fille voyant ses valeurs et ses convictions ébranlées à chaque minute qu’elle passe dans la métropole. À tel point que, peu à peu, d’abord à contrecœur, puis, la curiosité aidant, Clara en vient à douter de tout ce qu’on lui a martelé depuis sa petite enfance.

Cette notion de doute résonne étroitement chez Nathalie Saint-Pierre, qui confie :

« Je me souviens de ce professeur, du genre un peu blasé, qui nous disait un jour, pendant un cours : « Alors, la création du monde… R. Dieu a créé le monde en six jours. B. Le Big Bang… » Et pour la troisième hypothèse, elle a lancé : « C. Nous ne savons pas”. C’était si rare, du moins à mon époque, d’entendre un adulte admettre dans un cours qu’il ne savait pas quelque chose. Je me souviens que c’était comme une explosion dans mon esprit. J’étais un enfant timide et bègue, mais après cela, j’ai affronté le prêtre au confessionnal – la confession était obligatoire dans mon école. Il était furieux et m’a répondu de manière absurde, donc pas du tout convaincante. »

Pour résumer le cinéaste à propos de cette anecdote dont le souvenir s’est invité dans la conception du film : « Ce qui m’intéressait, ce qui me parlait le plus, c’était de montrer cette adolescente comme si elle sortait d’un autre siècle. , qui vit une succession de premières fois ; montrer l’évolution de son regard et la naissance du doute. »

Un espace à vous

A ce propos, il est intéressant d’observer l’évolution du personnage de Clara qui, dans un premier temps, juge sa tante du haut de ses convictions inculquées et tenues pour des vérités immuables. Ainsi, à chaque question de sa tante Louise qui vient troubler ses certitudes, l’adolescente répond en régurgitant quelques dogmes appris par cœur.

Mais justement, à mesure que Clara observe et en apprend davantage sur ce monde dont elle ne connaissait encore rien il n’y a pas si longtemps, son attitude change. Dès lors, la relation avec sa tante se transforme, et c’est désormais Clara qui se pose des questions, désormais consciente qu’elle n’a pas toutes les réponses, ou enfin, que celles qu’elle a ne sont pas forcément toutes valables.

« Louise a plusieurs défauts, mais elle ne prétend pas détenir la vérité », constate Nathalie Saint-Pierre.

« Quant à Clara, elle est ignorante, mais elle est intelligente. Dès qu’elle commence à avoir un peu confiance en elle, elle est capable d’argumenter. Elle n’échange pas simplement un discours contre un autre, pas du tout. Pour la première fois, avec cette tante, Clara dispose d’un espace pour exercer sa liberté de pensée. »

Et sa liberté du tout.

Le film Sur terre comme au ciel sort en salles le 12 avril.

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