Les changements climatiques n’épargneront pas l’industrie du ski au Québec, conclut une vaste étude qui vient d’être dévoilée. La bonne nouvelle ? Nous continuerons à skier. Le mauvais ? La hausse des températures et la chute du manteau neigeux vont obliger les stations à dépenser des millions… à l’heure où la fréquentation stagne et où les prix des billets explosent.
Publié à 1h12
Mis à jour à 5h00
Jusqu’à 19 jours supplémentaires sans neige
L’industrie du ski sera confrontée à des vents contraires dans les décennies à venir. L’étude publiée par Ouranos l’Association des stations de ski du Québec (ASSQ) cible quatre indicateurs prioritaires, qui nuisent tous à ce sport.
- Les températures hivernales moyennes augmenteront de 1,7°C sur la période 2021-2050 par rapport aux années 1991-2020 dans les régions de ski du Québec. Ouranos prévoit qu’elles augmenteront ensuite de 2,3°C à 3,1°C sur la période 2041-2070.
- Les jours de gel-dégel seront également plus fréquents en hiver (+7 d’ici 2041-2070), compliquant encore davantage l’entretien des pentes.
- Il pleuvra davantage en hiver, avec des augmentations respectives de 33 mm et 43 mm d’ici 2021-2050 et 2041-2070. « Les précipitations totales au cours de la saison hivernale sont généralement en augmentation. Cette augmentation est principalement due à une augmentation des précipitations sous forme liquide. En général, peu de changements sont prévus pour les précipitations sous forme solide », prévient Ouranos dans son Diagnostic de vulnérabilité du système de ski alpin face au changement climatique.
- Les experts prévoient qu’il y aura quatre jours supplémentaires sans couverture de neige naturelle chaque année d’ici 2021-2050, puis six à huit jours supplémentaires d’ici 2041-2070. La neige deviendra encore plus rare dans les régions du sud. Les experts prédisent chaque année jusqu’à 19 jours sans neige de plus en Montérégie, 14 jours de plus en Chaudière-Appalaches et 13 jours de plus en Estrie d’ici 2041-2070.
Le ski est là pour rester
Malgré tous ces défis climatiques, la filière du ski pourra poursuivre ses activités, notamment grâce à une hausse des investissements.
«C’est le message que j’ai envoyé. Il va continuer d’y avoir un hiver au Québec, c’est une bonne nouvelle, on sentait qu’il y avait des sceptiques quand on parle aux partenaires gouvernementaux, aux investisseurs», indique Yves Juneau, président-directeur général de l’ASSQ, qui voit le verre à moitié plein.
La saison sera un peu plus courte. Mais Ouranos prédit que les stations parviendront à limiter la baisse dès leurs jours d’ouverture. Dans le pire scénario climatique, le nombre de jours d’exploitation passerait de 104 à 97 dans les Laurentides, par exemple. Dans le meilleur des cas, les stations de ski des régions les plus importantes – Laurentides, Estrie et Capitale-Nationale – parviendraient même à être ouvertes 100 jours par année.
Une clientèle stagnante
Les stations québécoises ont atteint leur pic de fréquentation au milieu des années 2000, avec 7,2 millions de journées de ski. La situation s’est depuis stabilisée autour de 6 millions de journées de ski.
Quel sera l’impact du changement climatique ? Dans le meilleur des cas, la fréquentation pourrait « rester stable d’ici la fin du siècle, mais pourrait aussi diminuer de plus de 25 % sur la même période », prévient Ouranos.
Petit réconfort : le Québec pourrait bénéficier d’un « afflux accru de skieurs en provenance des régions voisines comme la Nouvelle-Angleterre et l’Ontario, où les effets du réchauffement climatique sont plus prononcés ».
Des billets plus chers
L’étude note que la baisse du nombre de visiteurs a été compensée par une augmentation du prix des billets. En 20 ans, de 2001 à 2021, les abonnements journée week-end ont augmenté de 119 % et les abonnements saisonniers de 51 %. L’indice des prix à la consommation a augmenté de 41% sur la même période.
« C’est un défi, mais la clientèle s’est adaptée», estime Michel Archambault, professeur émérite au Département d’études urbaines et touristiques de l’UQAM. « J’étudie à l’ASSQ depuis 30 ans. Au départ, 25 % des clients s’abonnaient et 75 % des personnes achetaient des billets. Aujourd’hui, 75 % achètent un abonnement, qui coûte moins cher par jour. »
M. Archambault souligne également que les prix des billets sont encore plus élevés dans le Nord-Est américain. « Un billet de fin de semaine coûte en moyenne 179 $ là-bas, comparativement à 57 $ au Québec. C’est plus de trois fois. En Ontario, c’est une fois et demie, voire deux fois plus cher. Quand on se compare, on se console. »
Des coûts en hausse
Ouranos prédit que les stations devront embaucher davantage d’employés pour maintenir le même niveau de service.
« La pression sur les coûts de fonctionnement était déjà présente, elle va continuer à l’être. Mais l’automatisation, par exemple de l’enneigement, est peut-être une voie à suivre. Mais cela demandera des investissements», note Yves Juneau.
Le président-directeur général de l’ASSQ ne s’en cache pas : il souhaiterait que Québec mette en place un programme d’aide aux stations de ski pour s’adapter aux changements climatiques.
« Il y a beaucoup de soutien dans de nombreuses industries et nous pensons que l’industrie du ski a besoin d’être soutenue », dit-il. Nous ne pouvons pas envoyer la montagne au Mexique. L’argent investi dans la montagne restera avec nous. »
Mais alors que les prix des billets augmentent plus rapidement que l’IPC, comment les subventions au ski seront-elles perçues par le public ? Yves Juneau rejette l’étiquette de « sport pour riches ». « Oui, il y a une clientèle aisée dans le ski, celle des clubs de compétition par exemple, mais ce n’est pas la seule. »
Il soutient que l’inscription d’un jeune au hockey peut coûter beaucoup plus cher. « Le ski est l’un des seuls sports où maman, papa et les enfants peuvent bouger ensemble. Dans d’autres sports, les parents sont souvent assis, dit-il. Si on veut faire bouger les gens en hiver, c’est vraiment un excellent sport. »
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