Les Américains ont notamment reporté Donald Trump à la Maison Blanche en réaction à la forte inflation de ces dernières années. Mais s’il tient ses promesses électorales, sa politique ne fera qu’aggraver le problème.
“Le risque majeur est que Trump tienne ses promesses de campagne”, a déclaré mercredi Jason Furman, économiste à l’université de Harvard, dans une tribune au quotidien. Le monde. Augmentation des droits de douane, guerre contre les immigrants, augmentation des déficits publics, atteinte à l’indépendance de la Réserve fédérale américaine sont autant de dangers non seulement pour les autres pays, mais aussi pour l’économie américaine. Entre autres choses en ce qui concerne le coût de la vie, ont relevé, comme lui, plusieurs experts.
« [Re]bonjour l’inflation, nous n’en avons jamais assez », s’est exclamé Derek Holt, économiste en chef à la Banque Scotia, dans une analyse de l’impact des élections américaines de mardi.
L’ancien et désormais futur président républicain a, entre autres, promis d’imposer des droits de douane d’au moins 60 % sur toutes les importations de produits chinois et de 10 à 20 % sur les importations en provenance de tous les autres pays, y compris le Canada. La version basse de ces tarifs représenterait à elle seule une facture supplémentaire de 1 700 dollars par famille américaine moyenne et par an, estime le Peterson Institute for International Economics (PIIE).
Comme il est peu probable que ces tarifs suscitent des représailles de la part des pays touchés, et que les chaînes d’approvisionnement ont déjà du mal à s’adapter aux conflits régionaux, aux catastrophes naturelles et aux tensions géopolitiques, il faut s’attendre à une hausse de l’inflation de près de 1 %, estime une étude de Morgan Stanley citée. mercredi par le Le journal Wall Street.
En plus d’être un cauchemar humain, la chasse et l’expulsion massive des quelque 8,3 millions d’immigrés illégaux actuellement sur le marché du travail américain enlèveraient les mains et les cerveaux dont l’économie américaine a cruellement besoin et rendraient la main d’œuvre restante plus coûteuse.
Quelques mesures économiques de Trump
Donald Trump entend également renouveler les baisses d’impôts accordées aux entreprises et aux ménages en 2017, en plus d’en ajouter de nouvelles pour les entreprises et de ne plus taxer les pourboires, les prestations d’aide sociale et les heures supplémentaires. Ce renouvellement, ainsi que d’autres petites mesures, devraient coûter à Washington un peu moins de 10 000 milliards sur les 10 prochaines années, qui iront en grande partie à la dette puisque les nouveaux tarifs commerciaux ne rapporteront que 2 700 milliards, selon le Comité pour un Responsable du budget fédéral.
Quant à la promesse de Donald Trump de procéder à des coupes budgétaires « draconiennes », elle restera probablement lettre morte, car elle l’obligerait à sabrer dans des programmes fédéraux que les Américains sont bien trop attachés à lui laisser faire, a observé Derek Holt, et que les Républicains aussi. ont l’intention d’augmenter les dépenses militaires.
Il ne faut pas non plus s’attendre à ce que Trump supprime les subventions très généreuses aux technologies et à la transition verte de la loi sur la réduction de l’inflation (IRA), a prévenu mercredi l’analyste Angelo Katsoras de la Banque nationale, car environ les trois quarts des fonds alloués sont allés aux républicains. quartiers. Nous préférerons sans doute seulement les réduire ou les réorienter vers d’autres secteurs économiques.
Cette prodigalité budgétaire et fiscale aurait pour double effet de stimuler la demande et d’augmenter la dette publique, deux facteurs inflationnistes. Tout cela obligera la Réserve fédérale américaine à réduire ses taux d’intérêt moins rapidement et moins significativement qu’elle ne l’aurait fait autrement, a expliqué Douglas Porter, économiste en chef à la Banque de Montréal.
Le Canada dans tout ça
L’économie canadienne pourrait d’abord bénéficier de la réélection de Donald Trump, ont poursuivi les économistes Jimmy Jean, Francis Généreux et Randall Bartlett, du Mouvement Desjardins. Comme en 2016, son arrivée au pouvoir pourrait débuter par une période d’optimisme des consommateurs américains, portés par les promesses de baisses d’impôts et de réduction des incertitudes.
La déréglementation du secteur de l’énergie pourrait également « ressusciter » le projet d’oléoduc Keystone XL, a souligné Douglas Porter. Mais les tarifs commerciaux et le retrait des investisseurs américains de leur monnaie ne tarderont pas à alourdir l’économie canadienne et le huard. Le Canada risque également d’être rapidement contraint de réduire l’impôt sur les sociétés, d’augmenter ses dépenses militaires et de faire face à une augmentation du nombre d’immigrants poussés vers ses frontières.
Nous nous sommes posés les mêmes questions et avons élaboré les mêmes scénarios économiques pour le meilleur et pour le pire dans les autres pays mercredi, au lendemain de l’élection présidentielle américaine. En Chine, où elle devrait être au centre de l’attention et des foudres du prochain président républicain, des observateurs estiment que Pékin pourrait bien être contraint de déployer prochainement le plan massif de relance économique devant lequel il était encore réticent.
Mais au total, ce sont les Américains eux-mêmes qui supporteraient le poids des politiques promises par Donald Trump, ont conclu les chercheurs du PIIE qui ont comparé l’impact d’une version forte (droits de douane avec représailles, expulsion de 8,3 millions d’immigrés, réduction de l’indépendance de la Fed). ) et celle d’une version édulcorée (tarifs sans représailles, 1,3 million d’immigrés expulsés, indépendance réduite de la Fed). Certaines années, la croissance économique pourrait être jusqu’à 10 % inférieure et l’inflation 7 % plus élevée qu’elles ne l’auraient été autrement.
Brouillard tout droit
Les règles et contre-pouvoirs politiques étant ce qu’ils sont aux Etats-Unis, il faudra du temps à Donald Trump pour déployer toutes ses promesses électorales, même s’il contrôle tous les leviers du pouvoir à Washington, a prévenu Angelo Katsoras. Il n’est pas impossible qu’entre-temps, elle soit contrainte d’en abaisser certains, ou qu’on découvre, par exemple, que ses tarifs commerciaux étaient principalement destinés à servir de moyen de pression pour obtenir des concessions des autres.
Mais il est aussi possible que Donald Trump ait recours à des politiques encore plus sévères et imprévisibles, a rappelé Ben May du cabinet Oxford Economics.
« L’Amérique a fait son choix et le monde va désormais devoir vivre avec ses conséquences », conclut Derek Holt.
Avec Clémence Pavic
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