Sous-location et besoins propres –
« Un propriétaire a le droit de savoir qui habite son logement »
Directeur d’une agence immobilière qui gère des biens de propriétaires privés, Fabien Anex défend un double oui pragmatique aux votes du 24 novembre. Interview.
Publié aujourd’hui à 7h32
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- Les partisans du oui à la révision du droit du bail parlent de changements « techniques ».
- Si le premier texte passe, un propriétaire pourra refuser une sous-location dépassant deux ans.
- L’autre révision veut remplacer « urgent » par « important et objectif » dans les conditions permettant la résiliation pour son propre bien.
- Ces nouvelles lois devraient clarifier le cadre juridique et faciliter les procédures juridiques.
Les opposants affirment que cette double révision du droit du bail est une stratégie cachée pour augmenter les loyers. Sur une échelle de 1 à 10, dans quelle mesure est-ce vrai ?
Je ne dirais même pas 1.
Franchement ? Aucune société de gestion immobilière n’en bénéficiera ?
Les opposants décrivent cette élection comme une attaque du vilain lobby immobilier. Mais en réalité, ces deux révisions sont avant tout techniques. Il s’agit de clarifier le contexte de la sous-location et la possibilité pour un propriétaire de récupérer son bien. Ces nouvelles dispositions s’appliqueront à des cas précis. Ne vous attendez pas à des bouleversements.
Mais nous fragilisons la position des locataires. Non?
Ce n’est pas mon sentiment. Il existe aujourd’hui un décalage entre ce que dit la loi et la manière dont la jurisprudence l’applique. Préciser les droits et les devoirs de chacun ne signifie pas affaiblir l’un ou renforcer l’autre.
Le premier objectif veut durcir les règles de sous-location pour lutter contre les abus. De quels abus parle-t-on ?
La sous-location est autorisée par la loi et le restera à l’avenir. Cette disposition du droit du bail permet à un locataire temporairement absent – pour faire un Erasmus ou parce qu’il est envoyé à l’étranger pour travailler – de retrouver son logement à son retour. En pratique, on constate que ce provisoire peut durer. Parce que le locataire a trouvé un nouvel emploi ou parce qu’il s’est mis en couple. Mais lorsque le propriétaire souhaite résilier le bail, il se heurte à la jurisprudence, qui précise qu’il suffit au locataire de démontrer qu’il n’exclut pas de revenir pour que sa sous-location soit autorisée. Avec la révision de la loi, une sous-location pourra être refusée si elle dure plus de deux ans. Ce qui correspond à la notion de « temporaire ».
Mais quel est le problème avec la prolongation d’une sous-location ?
Si tout se passe bien, rien. Mais prenons l’exemple d’un propriétaire qui habite dans un petit immeuble, et l’un des locataires, étudiant, sous-loue son studio. Tous les six mois, ce propriétaire voit arriver un nouveau sous-locataire. Certains sont plus bruyants que d’autres, et il doit régulièrement venir dire d’arrêter de faire du bruit après 22 heures. Actuellement, ce propriétaire aura du mal à résilier le bail en raison de la doctrine juridique. Cependant, chacun peut comprendre qu’un propriétaire souhaite savoir – et choisir – qui habite dans son logement.
Sommes-nous en mesure d’évaluer l’ampleur du problème ?
Il faut être honnête, c’est marginal. Mais certains cas peuvent prendre des proportions considérables.
C’est à dire ?
Je prends un cas très concret que j’ai repris de mon prédécesseur en 2003, et qui perdure encore aujourd’hui. Il s’agit d’une personne qui habite à Châtel-Saint-Denis, elle y a ses papiers et sa famille. Elle conserve cependant un appartement à Lausanne qu’elle sous-loue d’année en année depuis plus de vingt ans. Lorsque le propriétaire a voulu résilier son bail, la commission de conciliation lui a donné tort. Il suffisait à la locataire de dire qu’elle n’excluait pas de retourner à Lausanne pour que l’affaire soit tranchée en sa faveur.
Cette révision aidera-t-elle à lutter contre Airbnb ?
Je ne crois pas à cet argument. Aujourd’hui, il est déjà possible pour un propriétaire de résilier un bail s’il constate que son locataire utilise illégalement son bien pour le mettre sur Airbnb. La nouvelle réglementation ne changera pas grand-chose.
L’autre objet concerne la possibilité pour un propriétaire de récupérer son bien. Actuellement, ce besoin doit être « urgent ». Dans la nouvelle loi, cet adjectif est remplacé par « important et objectif ». Est-ce que deux mots changeront quelque chose ?
Moi-même, je ne comprends pas pourquoi on demande au peuple de s’exprimer, alors que cela ne changera rien pour la plupart des gens.
Mais alors, pourquoi avoir ouvert ce site ?
Il s’agit là encore d’une question technique et jurisprudentielle. Prenez un appartement situé dans une PPE, non loin du campus universitaire lausannois. Son propriétaire aimerait y mettre son fils, qui est au gymnase et aimerait ensuite étudier. Cette dernière ne débuterait que dans deux ans, ce qui pose déjà problème pour répondre à l’exigence « d’urgence » formulée dans la loi. Même si sa demande de résiliation du bail est acceptée, que se passera-t-il ? Le locataire aura droit à des prolongations, qui peuvent aller jusqu’à trois ou quatre ans. Pendant ce temps, le fils trouvera une autre option pour commencer ses études à Lausanne. Et imaginons que lorsque le propriétaire récupère enfin les clés, que son fils fasse un an d’échange à Fribourg, le locataire puisse critiquer un motif fallacieux pour la résiliation de son bail. Cette démonstration montre bien que le caractère « urgent » contenu dans la loi ne veut plus rien dire.
Il arrive souvent de ne pas pouvoir récupérer son logement ?
C’est très rare. Dans ma carrière, j’ai eu à gérer trois dossiers. Mais pour ceux qui s’inquiètent, cela peut vite tourner au cauchemar. Et ce ne sont pas les grandes autorités ou les fonds de pension qui sont concernés – l’utilisation de leur propre propriété leur est presque impossible – mais les petits propriétaires, qui découvrent qu’ils ne pourront pas utiliser pendant des années un bien qui leur appartient.
Il y a un point que je ne comprends pas. Si le locataire ne veut pas partir, la machine judiciaire va se mettre en marche, quel que soit le terme utilisé dans la loi. Non?
Aujourd’hui, l’urgence inscrite dans le texte de loi perd tout son sens dans la pratique. En parlant d’un besoin objectif et important, on sera plus en phase avec la réalité. Cela simplifiera la pratique, mais aussi les procédures juridiques. Les règles seront claires pour tout le monde. Mais au final, les processus resteront les mêmes et, en cas de conflit, le juge devra toujours peser les intérêts de chacune des parties.
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Florent Quiquerez est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2015. Spécialisé en politique, il couvre principalement l’actualité fédérale. Auparavant, il a travaillé comme correspondant parlementaire des Radios Régionales Romandes.Plus d’informations
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