« Si les gigafactories produisent moins de batteries, le modèle économique des usines de recyclage ne fonctionne plus »

« Si les gigafactories produisent moins de batteries, le modèle économique des usines de recyclage ne fonctionne plus »
« Si les gigafactories produisent moins de batteries, le modèle économique des usines de recyclage ne fonctionne plus »

La baisse des ventes de véhicules électriques observée en 2024 est forcément un mauvais signal pour le secteur industriel de production de batteries électriques.

Par effet boule de neige, les usines de recyclage de batteries sont également impactées, avec de nombreuses incertitudes sur les volumes à recycler dans les années à venir. Mais d’autres facteurs fragilisent le modèle de recyclage des batteries électriques mis en œuvre au niveau français et européen.

Alexandre Chagnes est enseignant-chercheur à l’Université de Lorraine et directeur scientifique de RESSOURCES du LabEx21un laboratoire d’excellence dont la mission est d’améliorer la compréhension et la gestion des métaux stratégiques.

Il explique, pour Techniques de l’Ingénieur, les différents facteurs qui s’additionnent et impactent la filière industrielle des batteries, et par ricochet celle du recyclage de ces dernières.

Techniques d’ingénierie : Les ventes de véhicules électriques ont été inférieures aux prévisions en 2024. Quelles en sont les raisons ?

Alexandre Chagnes: Il est vrai que les prévisions de ventes de véhicules électriques s’avèrent supérieures à celles réellement réalisées. Différents pays européens, dont la , ont mis en place des actions, comme le bonus écologique, pour soutenir les ventes de véhicules électriques. Certains pays comme l’Allemagne ont décidé de mettre fin à ces subventions, d’autres pays comme la France les réduiront à partir de 2025. Ces aides ont permis d’augmenter les ventes de véhicules électriques, et il est difficile aujourd’hui de prédire quelles seront les conséquences exactes de la fin. ou une réduction de ces mécanismes de soutien.

La réalité aujourd’hui est que les véhicules électriques restent très chers, même si le développement des gigafactories devrait permettre, d’ici 2030, d’avoir sur le marché des véhicules électriques au même prix que les véhicules thermiques.

Le marché des batteries souffre également. Est-ce uniquement dû à la baisse des ventes de véhicules électriques ?

Pas seulement ça, non. La période de turbulences qui touche actuellement l’écosystème industriel des batteries n’est pas uniquement liée à la baisse des ventes de véhicules électriques. Il y a le problème de la montée en puissance de la production de batteries, et il y a aussi le choc provoqué par les annonces de pertes financières – près de 13 milliards d’euros – de Northvolt, qui ont eu un impact sur tout l’écosystème des batteries, y compris celui du recyclage. Cette annonce a provoqué une onde de choc sur toutes les autres gigafactories, et sur les investisseurs, car le problème que l’entreprise a rencontré dans sa montée en puissance pourrait affecter d’autres gigafactories.

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Ce n’est pas quelque chose qui était prévu, car le modèle chinois a montré que cette accélération est possible. Mais les Chinois ont amorcé cette accélération il y a plus de 15 ans et ont aujourd’hui surmonté ces difficultés.

Le choix européen de produire principalement des batteries NMC joue-t-il également un rôle ?

Oui. Les acteurs européens du secteur électrique ont estimé avoir fait le bon choix en se concentrant sur les batteries NMC (nickel-manganèse-cobalt), tandis que les acteurs asiatiques ont développé à la fois des batteries NMCS et des batteries LFP (lithium-fer-phosphate). ). Aujourd’hui, certaines gigafactories reculent un peu. Pour baisser les coûts de production des batteries électriques, afin de stimuler les ventes et augmenter les cadences de production, le choix technologique de se tourner vers la production de batteries LFP, moins chères que les batteries NMC, même si ces dernières sont moins performantes, est envisagé.

Quel est l’impact sur les usines de recyclage de batteries ?

C’est très important. Dans la décennie à venir, les usines de recyclage recycleront principalement non pas les batteries usagées, mais les résidus industriels des gigafactories, qui représentent une quantité très importante de matière à recycler. Ainsi, si les gigafactories produisent moins, ou s’il y a moins de gigafactories que prévu, le modèle économique des usines de recyclage ne fonctionne plus.

Aussi, les incertitudes autour des choix technologiques entre les batteries NMC ou LFP ont un impact direct sur les recycleurs. Les procédés de recyclage mis en œuvre sont spécifiques à chaque type de matériau constituant les batteries. Une usine de recyclage qui recycle les batteries NMC ne pourra pas recycler les batteries LFP avec le même processus. Il faut également garder à l’esprit que le recyclage des LFP de manière économiquement viable est beaucoup plus compliqué que pour les NMC puisque les matériaux constituant les batteries LFP sont bien moins chers. Il est donc plus compliqué d’en tirer de la valeur. A ma connaissance, il n’existe actuellement aucun projet français de recyclage à grande échelle des batteries LFP. Il existe des projets de production de batteries LFP, donc le sujet du recyclage reviendra forcément sur la table lorsque ceux-ci seront formalisés, mais cela prendra du temps.

Comments collected by Pierre Thouverez

 
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