la loi anti-gaspillage alimentaire, un modèle à suivre ?

À Templeuve-en-Pévèle, près de Lille, Thomas Pocher est directeur d’un hypermarché Leclerc. Avec ses équipes, il prend soin chaque matin de faire le tour des rayons pour retirer les produits qui approchent de leur date de péremption. Objectif : les vendre à prix réduit ou les donner à des associations caritatives.

Interdit de jeter !

En effet, la loi de 2016 est claire : il est interdit aux épiceries de plus de 400 m2 de jeter et de détruire les aliments encore bons à la consommation. Les détaillants sont tenus de les vendre ou de passer des accords avec des associations d’aide alimentaire.

Nous vendons ici beaucoup de produits, explique M. Pocher : entre 35 000 et 40 000 tonnes par an. Donc par semaine, c’est beaucoup et on est très efficace, on n’a que 1% d’invendus. Mais 1%, c’est une tonne par jour ! Ce dont nous n’avions pas conscience auparavant, c’est que nous détruisions ces produits sans réfléchir.

Nous avons tout jeté ! note Christine Deleurence, la responsable anti-gaspillage chez Leclerc. Tout partait dans les bennes. Chaque matin, elle décide quels produits elle mettra en rayon anti-gazplacé juste à l’entrée du magasin. Les clients l’adorent.

Chez E.Leclerc Templeuve, les clients sont friands de la zone « anti-gaspi », où plusieurs produits sont à rabais. Une initiative qui contribue à réduire le gaspillage alimentaire.

Photo : - / L’épicerie

Des restes de pâtisseries par exemple. Je vais les mettre à -30%, ils sont encore bons jusqu’au 20 [novembre] et les clients peuvent les congeler. Ils sautent dessus dès qu’il s’ouvre.

La zone « anti-gaspi » n’est plus un coin un peu sombre et négligé du magasin. Cela fait partie du »il faut avoir” que nous avons sur le marché aujourd’hui et il est important de le proposer.

Une citation de Thomas Pocher, director, E.Leclerc Templeuve

Une loi audacieuse

La loi aura neuf ans en février. C’est la toute première loi française, mais aussi mondiale, pour lutter contre le gaspillage alimentaire.souligne Laurence Gouthière, responsable des études sur la lutte contre le gaspillage alimentaire à l’agence gouvernementale pour la transition écologique.

Et comme il s’agissait de la toute première loi, elle a mis le sujet sous les projecteurs. Cela a également déclenché toute une série d’actions dites anti-gaspillage. Et le plus connu est clairement le cadeau. L’autre élément, ce sont les étagères anti-gaspi. Je ne pense pas qu’il existe un supermarché en qui ne propose pas cela.

Au Canada, plus de 1,3 million de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année dans les épiceries et pourraient être distribuées aux personnes dans le besoin.

En France, c’est moitié moins. Et, dans la foulée de la loi Garot, le pays s’est fixé comme objectif de réduire de moitié ses déchets d’ici 2030.

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Laurence Gouthière, chargée d’études sur la lutte contre le gaspillage alimentaire à l’agence gouvernementale pour la transition écologique

Photo : - / L’épicerie

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50 %, c’est très ambitieux, reconnaît Laurence Gouthière. C’est vraiment simple de réduire ses déchets de 20 %, illustre-t-elle. Parlez-en simplement, attirez simplement l’attention sur le sujet parce que c’est beaucoup de bon sens et du gaspillage. Mais c’est à ce niveau de 20 à 50 % que c’est difficile.

Selon Thomas Pocher, nous sommes tous un peu impliqués et nous devons sortir du déni – fabricants, commerçants et consommateurs – du fait que, oui, nous générons un peu de déchets et que oui, nous pouvons améliorer leur impact.

Chez Leclerc de Templeuve-en-Pévèle, 90 % des invendus sont désormais récupérés. Et 30 à 40 % de ces invendus sont automatiquement reversés à des associations.

Incitations fiscales

La loi prévoit un soutien aux commerçants qui font des dons à des organismes. Pour Thomas Pocher, cela signifie aussi bénéficier d’un crédit d’impôt en contrepartie. Une économie de 30 à 40 %, intéressante pour l’entreprise.

C’est une bonne pratique pour tout le monde. Les besoins en aide alimentaire ont augmenté de près de 200 % au cours des 15 dernières années.

Une citation de Thomas Pocher, director, E.Leclerc Templeuve

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Thomas Pocher, director of a Leclerc hypermarket in Templeuve-en-Pévèle, near Lille, France

Photo : - / L’épicerie

Les limites de la loi

La loi ne concerne que les établissements de plus de 400 m2. Les petites entreprises peuvent continuer à jeter sans être dérangées. Et les amendes sont faibles : un peu plus de 5 000 $ par établissement. Une poignée de petite monnaie pour les grandes chaînes. De plus, il est difficile d’arrêter les contrevenants.

Cela dit, pour le directeur de l’hypermarché, la loi a fait son effet. Toutes les grandes enseignes se sont lancées dans la promotion des zones anti-gaspillage et des dons aux associations.

La France a même créé en 2023 un label qui indique aux clients que leur épicier fait les meilleurs efforts pour lutter contre le gaspillage. Une question de transparence.

Pour Thomas Pocher, la loi oblige les commerçants à ouvrir les yeux et à prendre des initiatives qui touchent l’ensemble de la chaîne alimentaire.

J’espère qu’au Canada il y a aussi des acteurs, restaurateurs, commerçants ou autres, qui s’approprient les choses en disant : mais évidemment, c’est ce qu’on a toujours ressenti et c’est ce qu’on doit faire au quotidien.

Bannière d'épicerie.
 
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