1. Comme dans la chanson d’Aznavour, «Je vous parle d’une époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître…», une époque où l’obtention d’un passeport relevait d’un parcours du combattant et, dans certains cas, d’un miracle.
J’ai obtenu mon premier passeport en 1968 après neuf mois d’attente, de démarches et d’interventions. J’étais déjà fonctionnaire de l’Etat, professeur, j’avais donc un salaire et une situation professionnelle plutôt respectée. J’ai pourtant souffert avant d’acquérir ce petit carnet vert. Lorsque je l’ouvre, je découvre des erreurs dans le nom et la date de naissance. Je décide de ne pas le retourner pour corriger ces aberrations. Je le ferme et le mets dans ma poche. Et quand je suis rentré chez moi, pour ne pas me le faire voler, je l’ai caché dans un endroit où personne ne pouvait le trouver.
Notre ami Gad Elmaleh en a fait un croquis. Il a précisé que tous les Marocains savent précisément où se trouve leur passeport, que certains le cachent chez leurs parents pour être sûrs de le retrouver.
Objet précieux, rare, car à l’époque, il ouvrait beaucoup de portes. Vous pouvez voyager dans de nombreux pays sans visa. En France, le visa a été introduit en 1986 par Jacques Chirac, alors Premier ministre, après les attentats de Paris et après que des terroristes ont dévalisé le consulat du Maroc à Beyrouth et emporté des passeports vierges. Une ère de suspicion et de difficultés de toutes sortes commence pour le voyageur marocain.
Aujourd’hui, les choses ont beaucoup changé. L’administration marocaine peut vous délivrer un passeport assez rapidement une fois le dossier complet. Pas de tracas, pas de rendez-vous reportés. Il ne reste plus que le visa. Cela dépend des pays et des relations que le Maroc entretient avec eux.
Actuellement, grâce à la réconciliation franco-marocaine, les rendez-vous pour les visas pour l’espace Schengen sont devenus plus flexibles et moins restrictifs. C’est ce qu’on me dit, même si l’Europe impose de nouvelles règles pour l’obtention de ce visa.
Nous nous réjouissons que le passeport marocain soit aujourd’hui l’un des plus respectés en Afrique et dans le monde arabe. Je savais qu’on pouvait aller en Turquie sans visa. Je viens d’apprendre que le Brésil fait partie de ces pays qui nous accueillent sans ce foutu visa. Tant mieux.
Il n’en demeure pas moins que le passeport est un document précieux et qu’il doit être respecté et surtout ne pas se perdre. Nous y sommes tous attachés car nous savons que sans cela, nous serons pauvres et limités dans nos ambitions. C’est le signe de l’ouverture d’une société. J’ai appris que plus de la moitié des citoyens américains n’ont pas de passeport. Pas besoin. Ils ne quittent jamais leur État et apparemment ils ne s’en plaignent pas. Le reste du monde ne les concerne pas.
2. Des rumeurs circulent actuellement sur la possible annulation du sacrifice des moutons lors du prochain Eid Al-Adha, en raison de la sécheresse.
Ce serait une excellente décision. Et cela pour plusieurs raisons. Le plus important est économique. Que des familles s’endettent ou vendent des marchandises pour acheter un mouton dont le prix, à cause de la spéculation, devient chaque année de plus en plus exorbitant.
“Pour diverses raisons, une année sans moutons serait une bonne chose pour tout le monde, sauf pour les commerçants spéculatifs.”
Cela n’empêchera pas ces familles d’acheter de la viande chez le boucher à un prix raisonnable et de faire la fête. Ce sera aussi l’occasion pour certaines familles aisées de distribuer la zakat sous forme d’aide aux nécessiteux.
L’autre raison est environnementale. La pollution de tous ces animaux abattus en ville et à la campagne, aux peaux qui pourrissent parfois au soleil, est assurée.
Finalement, une raison logique : feu Hassan II a eu la sagesse d’interdire, à deux reprises, le sacrifice de moutons pour des raisons liées à la sécheresse, dont les conséquences avaient été graves et avaient, entre autres, accru l’exode rural vers les villes. Cette arrivée massive de paysans dans les villes a posé des problèmes imprévus d’adaptation et de cohabitation.
Personnellement, je ne peux qu’encourager le gouvernement à prendre cette sage décision, qui devra cependant être expliquée au peuple marocain.
Sur le plan religieux, il est de coutume de se souvenir du sacrifice d’Abraham, qui allait immoler son fils. Dieu lui a substitué un agneau. Lors du pèlerinage à La Mecque, en raison de la chaleur, les pèlerins s’abstiennent d’abattre un mouton en public et le remplacent par la zakat. Mais l’aspect religieux de cette fête a depuis longtemps disparu, laissant place à la possibilité de manger de la viande de mouton lors d’un rituel qui dure une bonne semaine. Ce que l’on sait désormais, c’est que cette viande est particulièrement grasse, et fait monter le taux de mauvais cholestérol, le LDL (lipoprotéine de basse densité). Ce qui peut provoquer des accidents vasculaires cérébraux (AVC).
Pour toutes ces raisons, une année sans mouton serait une bonne chose pour tout le monde, sauf pour les commerçants spéculatifs.
3. Les éditions Gallimard viennent de publier des textes inédits d’Albert Camus, sous le titre : « Actuelles IV, Face à la tragédie de l’histoire ».
En le lisant, j’ai remarqué une phrase que je partage avec vous : «Il ne s’agit pas ici de faire appel au pathétique éculé de l’éternel féminin, mais de reconnaître que l’activité intellectuelle n’est pas la réalité humaine la plus significative et que la femme est là pour rappeler à l’homme, qui professe volontiers que la source de son être et de sa véritable la destination est ailleurs : en fraternité, en tendresse et en témoignage pour l’honneur de l’esprit».
Cette citation clôt pour moi le débat houleux autour de la Moudawana et du statut des femmes, égales en droits humains.