Près de la moitié des fruits et légumes frais sont présentés dans des emballages plastiques à l’épicerie, une proportion qui pourrait être réduite sans trop d’efforts, estime un rapport fédéral. Mais les résultats pourraient être retardés.
La moitié des fruits et légumes sont emballés dans du plastique, vraiment ?
C’est la conclusion d’un rapport préparé par la firme Value Chain Management International (VCMI) pour Environnement et Changement climatique Canada. Le document obtenu par La presse grâce au Loi sur l’accès à l’information rapporte qu’environ 48 % des fruits et légumes frais vendus dans les épiceries sont emballés dans des emballages en plastique. Le rapport daté du 18 avril analyse 40 fruits et légumes vendus à l’épicerie, qui représentent 95 % des ventes dans cette catégorie alimentaire.
Quels fruits et légumes sont emballés avec du plastique ?
Sans surprise, les raisins (100 %), les baies (99 %), la laitue (80 %) et les champignons (94 %) font partie des produits les plus souvent emballés dans du plastique, note le rapport. Mais on retrouve également des oranges (58%), des avocats (65%), du céleri (47%) et de l’ail (58%) dans cette liste.
Pourquoi emballons-nous ces produits avec du plastique ?
La réponse varie selon le type de fruit ou de légume en question, rapporte-t-on. L’emballage peut être utilisé pour protéger un produit lors de son transport jusqu’au point de vente ou pour éviter une contamination par différents pathogènes. Les aliments comme les raisins, par exemple, sont plus susceptibles d’être endommagés pendant le transport que le chou ou les citrons. Selon Sylvain Charlebois, professeur à l’Université Dalhousie à Halifax, et spécialiste des questions agroalimentaires, certains producteurs ont aussi tendance à emballer leurs produits pour mieux les protéger, afin de ne pas perdre de revenus.
Pourquoi s’intéresser à cette problématique maintenant ?
Le rapport du VCMI n’aborde pas la question, mais la pollution plastique est devenue un problème majeur dans le monde. Les gouvernements cherchent différentes manières de réduire cette pollution, d’autant plus que les emballages utilisés pour certains produits comme les fruits et légumes sont à usage unique. « La science est claire : la pollution plastique est omniprésente ; cela nuit aux espèces sauvages et endommage leurs habitats », déclare Environnement et Changement climatique Canada dans un courriel envoyé à La presse. Pour Sylvain Charlebois, il était temps que cette question soit abordée plus sérieusement par les autorités. « Les sacs en plastique [utilisés par les consommateurs]c’était presque secondaire. Le vrai problème, c’est l’emballage», souligne-t-il.
Quelles sont les solutions proposées ?
Le rapport propose deux scénarios pour réduire l’utilisation des emballages plastiques. La première, « plus conservatrice », réduirait la proportion de fruits et légumes emballés avec du plastique de 48 % à 36 % d’ici trois à cinq ans. La seconde réduirait cette proportion de 48 % à 25 % d’ici 5 à 10 ans. Dans les deux cas, ces changements ne nuiraient ni à la sécurité ni à la qualité des produits concernés, estime le cabinet VCMI.
Comment pourrions-nous atteindre ces objectifs ?
Le rapport classe différents fruits et légumes selon leur « robustesse » et leur « degré de périssabilité » en quatre catégories (voir tableau). Les ananas, les citrons, les melons, les betteraves et le céleri se retrouvent ainsi dans la catégorie 1, tandis que les baies appartiennent à la catégorie 4. Les produits figurant dans les catégories 1 et 2 sont ceux qui ont le plus de chance de pouvoir se passer des emballages plastiques, note VCMI.
Est-ce une solution réaliste ?
«Tout est réaliste dans ce rapport», affirme Sylvain Charlebois. Ce sont des objectifs tout à fait raisonnables. […] Nous parlons d’ananas et de melons, qui sont emballés lorsque cela n’est pas nécessaire. Même chose avec les légumes : oignons, céleri, tous les produits durs. Le chou, par exemple, n’a pas besoin d’être emballé. » Selon l’expert, il existe également une certaine culture à changer par rapport aux emballages plastiques. « La réglementation pourrait jouer un rôle important car les règles seraient les mêmes pour tout le monde. Si tout le monde doit gérer les mêmes réglementations, respecter les mêmes normes, ce sera plus facile pour les producteurs. »
Ce règlement arrive-t-il bientôt ?
Depuis que la Cour fédérale a invalidé un décret d’Ottawa indiquant que les articles en plastique pouvaient être toxiques, Environnement Canada avance avec prudence sur cette question. La décision du tribunal fait suite à une contestation judiciaire intentée par des entreprises de plastique, soutenues par l’Alberta et la Saskatchewan. « Le Ministère continue de travailler aux côtés des provinces et des territoires, des partenaires et des intervenants dans les domaines prioritaires pour prévenir les déchets plastiques et la pollution et favoriser une économie circulaire », a déclaré Environnement Canada dans un courriel envoyé à La presse.
Avec la collaboration de William Leclerc, La presse