Céquipe curieuse. Dans la pénombre d’un matin de décembre, la Garonne se dessine au bout d’un chemin pavé. En face, l’île d’Arcins affiche sa végétation abondante. Décor parfaitement bucolique, juste perturbé par le murmure du périphérique, là-haut sur le pont François-Mitterrand. On oublierait presque, derrière nous, le portail « Fleuve », entrée monumentale du centre commercial Rives d’Arcins à Bègles, dont la galerie aux verrières mène à un magasin Zara non moins imposant. Entre les berges accessibles aux promeneurs ou aux péniches et les 87 000 m² d’espaces commerciaux du site, il n’y a qu’un pas et d’ailleurs le sort de l’un est lié à l’autre.
Le « Parc des Berges », comme on l’appelle depuis 2013, n’est sans doute pas le plus fréquenté de Bègles, car il est pris en sandwich entre l’usine d’incinération des déchets et la zone commerciale. Elle constitue néanmoins l’aboutissement d’un retour revendiqué au fleuve. Aux commandes, Noël Mamère, tout jeune maire écologiste élu en 1989 et premier soutien du projet de centre commercial au tournant des années 1990. Mais que faisait l’élu vert dans un tel projet d’aménagement commercial, sans avoir la conscience de quelques hectares de prairies humides ?
« Le Samaritain des déchets »
«C’était un cloaque», décrit Nordine Kaci, patron incontournable de Pénalty, un bar-brasserie à Bègles. « Les camions vidaient tout, les déchets des commerces, des magasins. Et nous, les jeunes, entre 10 et 15 ans, allions chercher, récupérer tout ce qui était vendable. Nous avons pagayé sur une capote DS, nous y avons passé des journées extraordinaires. Le Samaritain des déchets. Comme à Labarde », de l’autre côté de Bordeaux, en aval, où les déchets urbains étaient enfouis jusqu’en 1984.
Assumant « la contradiction », dira-t-il des années plus tard, Noël Mamère accueillit favorablement l’arrivée de ce centre commercial dans le bidonville du Béglais, tout en réclamant des compensations, notamment l’aménagement de deux kilomètres de berges entre les estais de Franc et Tartifume. « Il fallait trouver les moyens de financer cette fenêtre verte sur la Garonne, c’est-à-dire remettre Bègles à l’eau », argumentait-il dans « Sud Ouest » en novembre 1990. « Nous pourrions continuer à développer cette zone industrielle qui ne porte ce nom même s’il regroupe des entreprises très prospères. Ou changez le zonage et introduisez des activités commerciales. C’est le choix que j’ai fait. »
guerre ouverte
Le « choix » de l’opération « Bègles-Garonne » ne se fait pas sans difficulté : guerre confuse et ouverte entre les grandes enseignes de la grande distribution, entre Auchan, annoncé en premier, et Carrefour, qui va l’emporter, polémique entre écologistes après la découverte du clinker. enterrés sur place, et tensions chabanistes au sein de la Communauté Urbaine de Bordeaux, propriétaire du terrain acheté pour 25 millions d’euros (six millions d’euros compte tenu de l’inflation) par une entreprise d’économie mixte, en 1994, regroupant la mairie. de Bègles et de l’investisseur. Les travaux commencent immédiatement.
Aujourd’hui, on ne présente plus les Rives d’Arcins, un centre commercial ouvert en septembre 1995, s’étendant sur 13 500 m2 en 2010, exploité par Klépierre, propriété d’une foncière américaine numéro 1 mondial du secteur. Cent cinquante enseignes et 1 200 salariés, dont hypermarchés et magasins de plein air, 4 200 places de parking, le tout pour « six millions de visiteurs par an » revendiqués. L’artificialisation des fonciers est ce qu’elle est, imposante, comme les centres commerciaux. Et pourtant, les Rives d’Arcins se sont toujours targués d’écologie, ou plutôt de développement durable : stationnement des silos, espaces verts et financement de la réhabilitation des berges.
Nouvelle génération
Une réhabilitation qui, en effet, était liée à l’arrivée d’un port de plaisance en 2000, à l’ouverture de restaurants, dont le Pavillon Garonne, installé depuis vingt-cinq ans, avec vue imprenable sur le fleuve, à la reconversion des hangars Blériot, du nom de l’aviateur, en école de commerce ou en restauration d’un petit chapelet de places. Et si le commerce en ligne n’épargne pas les centres commerciaux, l’avenir du modèle se situe peut-être un peu plus loin, en amont de la Garonne, du côté de Villenave-d’Ornon, où est en cours de réalisation une zone commerciale nouvelle génération. cours de construction.
Signe des -, le Domaine de Geneste se veut multifonctionnel, entre bureaux, complexe de loisirs, salle de restaurant et, d’ici 2034, de nouveaux logements, style cité-jardin, sans oublier les « espaces de plein air » et les « couloirs » végétaux. . Un projet porté par Nodi, propriétaire foncier de la famille Mulliez (Auchan, Decathlon) qui s’est emparé de la deuxième fenêtre de tir (verte).