La censure du gouvernement Barnier, ce mercredi 4 décembre, signifierait de facto le rejet du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), dont le Premier ministre a pris la responsabilité en recourant au 49.3. Et l’entrée dans un grand flou. « Aucune disposition constitutionnelle ou organique ne prévoit ce qui se passe en cas de rejet du PLFSS »ont souligné les rapporteurs du projet au Sénat en novembre. Prévu par le code de la sécurité sociale, le recouvrement des cotisations sociales peut être effectué. Mais, selon le gouvernement, le rejet des dispositions d’économies prévues pourrait conduire à un déficit de la Sécurité sociale de 30 milliards d’euros en 2025, au lieu des 18 prévus.
Mais c’est là que réside le problème : seul le PLFSS peut autoriser la Sécurité sociale à emprunter. Pour 2025, 65 milliards étaient prévus. « En l’absence de telles dispositions, certaines prestations ne pourraient donc pas être versées »avertir les sénateurs, évoquant la possibilité d’une loi d’urgence, « en espérant que le Conseil Constitutionnel ne le censure pas »…
L’absence du PLFSS serait néanmoins une bonne nouvelle pour les retraités qui verront, au 1er janvier, leurs retraites augmenter automatiquement en fonction de l’inflation (autour de 1,6%), au lieu de l’augmentation en deux - pour les seuls petits. pensions versées par le gouvernement. Mais aussi pour les entreprises, qui craignaient la hausse prévue des cotisations sociales.
Les impôts 2024, une bonne nouvelle pour les riches
Il en irait autrement pour le projet de loi de finances, qu’un gouvernement censuré aura du mal à faire aboutir, ou qui serait rejeté. La Constitution prévoit expressément la possibilité qu’en l’absence de budget pouvant être promulgué avant le 1er janvier, « le gouvernement demande en urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts ». Il s’agirait alors de reconduire en 2025 les règles de perception de l’impôt de 2024. Une bonne nouvelle, cette fois, pour les plus riches, qui échapperont ainsi à l’impôt minimum promis par le gouvernement Barnier, ainsi que pour les grandes entreprises, qui ne paieront pas l’impôt sur les sociétés. surtaxe.
Moins bonne nouvelle pour les classes moyennes, notamment les classes populaires : en l’absence d’augmentation du barème de l’impôt sur le revenu, 380 000 contribuables non imposables en 2024 le seront alors en 2025, selon Bercy. Et 17 millions de foyers fiscaux verront leurs impôts augmenter mécaniquement.
Côté dépenses, la Constitution autorise le gouvernement à ouvrir, par décret, “les crédits minimum” qu’il juge « il est indispensable de poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions approuvées l’année précédente par le Parlement ». Ce qui exclut toutes dépenses exceptionnelles pour 2024…
Par ailleurs, loi d’urgence et décrets sont des mesures provisoires, laissant le - au Parlement de voter, même tardivement, une loi de finances pour 2025. Mais quelle majorité pourra se mettre d’accord sur un budget ? Faudra-t-il attendre juin et la possibilité d’une nouvelle dissolution pour qu’une majorité se dégage ?
Un coût supplémentaire de la dette de 20 à 30 milliards par an
D’ici là, il faudra compter avec les marchés. Selon les économistes de Natixis, le déficit pourrait être contenu autour de 5,3%, un peu au-dessus de ce qui était prévu dans le projet de loi de finances. Morgan Stanley est plus pessimiste et table sur 6,3%.
Cependant, le fait que la France ne soit pas en mesure de faire face à ses engagements budgétaires aura des effets sur la dette. LE propagéL’écart de taux auquel la France emprunte par rapport à l’Allemagne, se creuse : 0,5 point de pourcentage avant la dissolution, 0,7 point après, puis 0,8 et même 0,9 depuis la menace de censure. Morgan Stanley estime qu’en cas de loi spéciale, le propagé s’élèverait à 1 point, soit un coût supplémentaire de la dette de 20 à 30 milliards par an. Et ce, sans prendre en compte une éventuelle dégradation de la note française, préjudiciable à l’économie.
Déjà, les patrons tirent la sonnette d’alarme. « En bonne conscience, personne n’a intérêt à affaiblir une économie française déjà fragile. Les ménages et les entreprises en paieraient immédiatement le prix. Consolidons plutôt notre pays »a écrit sur X le président du Mouvement des entreprises françaises (Medef), Patrick Martin.
Une activité économique en souffrance
L’activité française souffre déjà beaucoup « l’instabilité et le manque de visibilité provoqués par la dissolution de juin dernier, témoigne de La Croix François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Les entreprises ont suspendu tous leurs projets d’investissement, les délais de paiement commencent à s’allonger et les flux de trésorerie diminuent, tout comme les carnets de commandes.» Selon le baromètre du cabinet de conseil EY, près de la moitié des investisseurs étrangers en France (49%) ont déclaré le mois dernier avoir réduit ou reporté leurs projets d’investissement suite à la dissolution.
Le secteur de la construction neuve, en crise, se dit particulièrement inquiet. Si le budget 2025 n’est pas voté, les timides perspectives de reprise évoquées lors du débat parlementaire seront laissées de côté. C’est le cas de l’extension du prêt à taux zéro (PTZ) à l’ensemble du territoire pour tous types de logements et à tous les primo-accédants.
Même ton dans l’ancien. «On pourrait se retrouver avec un vide juridique pour les 600 000 logements classés G actuellement loués, qui seront soumis à « l’indécence énergétique » à partir du 1er janvier 2025. souligne Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). Un projet de loi destiné à assouplir le calendrier devait être débattu à l’Assemblée… mercredi 4 décembre.
Sans oublier, ajoute François Asselin, que « L’absence de budget entraînerait également l’effondrement des investissements publics ». A ses yeux, « le risque est réel que ce cercle vicieux se renforce en cas de chute du gouvernement »avec des effets en cascade, notamment sur le taux de chômage.
Baisse de la consommation des ménages
Le manque de visibilité pourrait aussi conduire les ménages les plus aisés à moins consommer et à reporter leurs acquisitions immobilières. « Il suffit que les 10 % des ménages les plus riches se posent cette question pour qu’il y ait un effet macroéconomique. » observe Xavier Timbeau, directeur principal de l’institut économique OFCE.
Cela signifie-t-il que le contexte politique aurait un effet majeur sur le comportement des ménages ? Non, répond en substance l’économiste, rappelant que les Français gèrent leurs dépenses avant tout en fonction de leur pouvoir d’achat. La dégradation annoncée du marché du travail sous l’effet des plans sociaux à répétition pourrait également freiner la consommation à l’approche de Noël, certains ménages craignant de perdre leur emploi.
Un cercle vicieux largement dénoncé par l’U2P, qui représente les entreprises locales, selon laquelle “l’absence de textes budgétaires plongerait le pays dans l’inconnu totale”. Pour François Asselin, la chose est entendue : « Dans ces conditions, nous nous dirigeons directement vers la récession. Quel gâchis ! »
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Les Français et la censure
53% des Français sont favorables à la motion de censureselon une enquête Harris Interactive-Toluna pour LCI (1),
Sans surprise, les plus enthousiastes sont les partisans des partis d’opposition. : 71% des proches de LFI et 58% de ceux du PS, mais aussi 59% de ceux du Rassemblement national, confirmant le choix de Marine Le Pen de voter pour la censure.
Parmi les partisans des partis de la coalition gouvernementale suspendus : 40% des sympathisants du centre macroniste y sont favorables, et seulement 27% des proches des Républicains, le parti de Michel Barnier.
(1) Réalisé du 26 au 28 novembre 2024 auprès d’un échantillon représentatif de 1 051 personnes.