Les salariés de Volkswagen ont lancé un grand mouvement social, en réponse au plan d’économies drastiques annoncé par le constructeur à la rentrée.
La nouvelle gamme électrique de Volkwagen a connu des problèmes de lancement, notamment liés à son logiciel embarqué (AFP/JENS SCHLUETER)
Emblème de la réussite économique de l’Allemagne d’après-guerre, Volkswagen incarne aujourd’hui la crise que traverse le modèle industriel allemand.
Rentabilité atone, erreurs stratégiques, transition douloureuse vers l’électrique, la liste des difficultés est longue pour le premier constructeur européen, dont les salariés ont lancé lundi 2 décembre une grève pour empêcher la fermeture d’usines.
Coûts élevés
Le PDG de Volkswagen, Oliver Blume, continue d’insister sur le fait que les coûts du constructeur sont trop élevés et les marges bénéficiaires de sa marque historique VW, qui représente un peu plus de la moitié des ventes, trop faibles.
Produire en Allemagne, dans les dix usines du groupe,
« coûte souvent plus de deux fois plus cher que la moyenne de nos sites européens »,
dit le patron du groupe.
Outre le travail, c’est l’ensemble de l’économie allemande qui souffre des prix de l’énergie qui ont augmenté à la suite de la guerre en Ukraine, avant laquelle les industriels achetaient du gaz russe.
Et
“VW a trop d’employés qui produisent trop peu”,
estime l’expert automobile Stefan Bratzel. La principale marque a produit 2,52 millions de véhicules l’année dernière avec 200 000 employés dans le monde, dont 120 000 en Allemagne.
A titre de comparaison, son rival japonais Toyota en a fabriqué près de quatre fois plus, sous sa marque, soit 9,5 millions, avec à peine deux fois plus d’employés.
La marge bénéficiaire de VW, à 4,1% en 2023, est bien inférieure à celle de ses principaux concurrents. Il est tombé à 2% au cours des neuf premiers mois de cette année.
Dépendance à la Chine
Le groupe Volkswagen a longtemps profité de la Chine, qui représente environ un tiers de ses ventes avec trois coentreprises et 39 usines, mais où il est désormais en perte de vitesse rapide.
Le constructeur ne peut plus compter, pour booster ses performances, sur cet immense marché qui l’a aidé à se relever du scandale du Dieselgate dans les années 2010.
Le ralentissement économique chinois pèse sur les ventes du groupe et les constructeurs locaux, notamment BYD, ont rapidement imposé leur avance technologique dans le véhicule électrique.
«Le gâteau est devenu plus petit et nous avons plus de convives à table», ne cesse de répéter Oliver Blume.
VW, entreprise quasi-étatique
Depuis des décennies, politique et industrie se partagent le volant au sein de Volkswagen, puisque le Land allemand de Basse-Saxe (nord-ouest), où se trouve le siège du groupe, en est actionnaire à hauteur de 20 %.
Cela donne aux autorités régionales une minorité de blocage sur les décisions importantes, un
“problème que personne n’a pu résoudre depuis 50 ans”,
selon l’expert automobile Ferdinand Dudenhöffer.
Cette influence « nuit à la capacité d’adaptation de l’entreprise » qui fonctionne comme « une entreprise d’État », affirme-t-il.
La cogestion, héritée de l’après-guerre, accorde également aux représentants des salariés au conseil de surveillance, organe de contrôle du groupe, un droit de veto concernant la création et le déplacement des sites de production.
D’où l’âpreté des négociations en cours depuis deux mois sur le plan d’économies.
Virage électrique délicat
Dans sa course à l’électrique, VW a lancé la gamme ID qui a connu des problèmes liés à son logiciel embarqué, ralentissant les ventes et générant des retours négatifs de la part des utilisateurs.
En cause, la décision de l’ancien PDG Herbert Diess de développer un logiciel interne via la filiale Cariad, un projet coûteux qui a échoué et fait perdre un temps précieux au constructeur dans la mise en place de nouvelles fonctionnalités (infodivertissement, conduite autonome).
VW espère se relancer avec un investissement pouvant aller jusqu’à 5 milliards d’euros dans la start-up américaine Rivian pour concevoir une nouvelle architecture logicielle, un élément au cœur du design des véhicules et un domaine où “Tesla est la référence”, selon VW. l’expert automobile Stefan Bratzel.
Cela nécessitera que VW « devienne en partie un éditeur de logiciels, un défi culturel et organisationnel » pour le groupe dont le succès s’est construit sur des modèles thermiques, de la Coccinelle à la Golf.