Pour le think tank Villa Numeris, présidé par David Lacombled, l’intelligence artificielle (IA) doit devenir une véritable cause nationale capable de constituer un vecteur de progrès sociétal, économique et environnemental. Mais il appartient aux acteurs publics, comme aux chefs d’entreprise, de montrer l’exemple.
Pourquoi encouragez-vous le développement de cadres législatifs adaptés à l’évolution rapide de l’IA ?
Il y a une voie européenne à tracer vers l’IA ! L’idée n’est pas de tenter de rattraper un retard qui pourrait être incommensurable, mais d’affirmer un modèle qui puisse permettre à l’Europe de rester dans la course. Et, à mon avis, la régulation ne peut pas être la seule réponse dans un match à trois, face aux États-Unis et à la Chine. La régulation permet la libre concurrence et est souhaitable…
Mais, dans un domaine en constante évolution, il faut se garder d’ériger des barrières qui empêcheraient toute initiative aujourd’hui et toute innovation demain… en donnant un avantage considérable aux acteurs déjà solidement implantés.
Pourtant, les réglementations européennes se multiplient : RGPD, DSA/DMA, IA Act… Qu’en pensez-vous ?
L’Europe est imaginative et visionnaire dans sa capacité à voir et anticiper les évolutions des marchés et à permettre le développement de droits protecteurs pour les citoyens/consommateurs. Avec cependant des organismes de régulation étatiques parfois trop zélés dans l’application de ces textes…
Ce qui est donc à craindre, ce n’est pas tant telle ou telle loi, mais leur accumulation et, pire encore, un enchevêtrement qui pourrait nuire au monde économique. Alors que les domaines de chevauchement se multiplient, on assiste à une certaine prudence des chefs d’entreprise dans la manière dont ils peuvent mettre en œuvre une stratégie numérique, par crainte d’un éventuel retour de bâton…
En France, la mise en œuvre de la réglementation européenne est-elle satisfaisante ?
Ce travail ne peut être dissocié de la connaissance du monde économique. La CNIL [Commission nationale de l’informatique et des libertés] gagneraient à s’ouvrir. Ce réalisme économique indispensable peut aussi passer par une meilleure entente entre les autorités elles-mêmes. Celle-ci reste timide. Elle doit être encouragée comme en Grande-Bretagne.
L’Europe est imaginative et visionnaire dans sa capacité à voir et à anticiper les évolutions du marché et à permettre le développement de droits protecteurs pour les citoyens/consommateurs.
Nous sommes dans un pays où ces organismes donnent trop souvent l’impression de préempter certains sujets. Il est étonnant que la CNIL endosse le rôle de régulateur des systèmes d’IA alors que les débats sur la transposition de la loi IA n’ont pas encore eu lieu… Il appartient aux dirigeants politiques de se saisir de ces questions, notamment lors des élections européennes.
Il y a un réel manque de culture numérique qui pourrait être préjudiciable à la France de demain pour prendre les bonnes décisions en matière de formation des jeunes par exemple ; mais surtout dans la mise en place de règles stables permettant de tester et d’innover…
Après Londres, Paris accueillera la prochaine édition du sommet sur la sécurité de l’intelligence artificielle en 2025…
C’est l’occasion de fédérer toutes nos forces dans ce domaine et de les faire rayonner. C’est aussi l’occasion de trouver des sas de discussion entre les pouvoirs publics et les entreprises, mais aussi avec le monde académique et la recherche. Pour aborder à la fois les questions de souveraineté et d’impact social de ces technologies…
Ce sont des sujets d’angoisse pour de nombreux salariés, d’où l’importance de montrer les bonnes pratiques des entreprises en croissance, notamment à l’international, et de rappeler le rôle majeur des structures représentatives (Numeum, Medef, Cigref…) pour informer collectivement. Alors qu’AI.Gov existe aux Etats-Unis, il est urgent d’accélérer le déploiement d’un portail européen de ressources sur l’IA pour démocratiser l’accès à ces technologies. [voir la plateforme DeployAI qui devrait être opérationnelle en 2027, NDLR].
