Comment prend forme la nouvelle Europe de l’énergie – .

Flexibilité, contrat à long terme… Lors du Forum Europ’Energies, plusieurs acteurs du secteur ont présenté les évolutions de l’énergie européenne, suite à la crise et à la réforme du marché européen de l’électricité.

Entrons-nous dans une « nouvelle ère de l’énergie » après la récente crise énergétique ? C’est en tout cas la conviction de Frédéric Lefort, PDG d’Engie Entreprises et Collectivités. Lors du Forum Europ’Energies, qui réunissait ce mardi à Paris les acteurs du secteur, le représentant de l’énergéticien a estimé que la situation énergétique en Europe ne sera plus la même qu’entre 2010 et 2020.

Les routes du gaz ont changé, le mix énergétique comprend un nombre croissant d’énergies intermittentes et les risques industriels de renforcement des capacités de production et des réseaux persistent. Un paysage très différent de la décennie précédente.

Pour Frédéric Lefort, le monde de l’énergie est confronté à trois défis majeurs : la compétitivité, la sécurité d’approvisionnement et la décarbonation. Pour favoriser une transition énergétique source de souveraineté et d’emplois, il prône un développement accéléré de nouvelles capacités d’énergies renouvelables et de biométhane, en attendant la construction de nouvelles unités nucléaires.

Les industriels en particulier attachent une grande importance à leur accès à une électricité abordable et décarbonée, comme le souligne Peter Claes, responsable de la branche européenne de la Fédération internationale des consommateurs industriels d’énergie (IFIEC) :

« En même temps que la Pacte vertnous avons besoin d’un Accord industriel pour donner de la visibilité aux industriels et leur permettre de rester compétitifs.

Une réforme pour « booster les contrats à long terme »

Par ailleurs, Frédéric Lefort salue le rôle du marché européen de l’énergie qui, selon lui, « a prouvé son efficacité lors de la crise de 2022 en permettant l’envoi de molécules de gaz de la France vers l’Allemagne et l’achat d’électrons de l’Allemagne vers la France ».

Favoriser les échanges entre les États européens est précisément l’objectif du marché européen de l’électricité, comme le souligne Mathilde Lallemand, qui travaille à la direction générale de l’énergie de la Commission européenne.

« Sans ce mécanisme, nous aurions besoin de beaucoup plus d’infrastructures et nous aurions plus de volatilité », souligne-t-elle.

Si la crise a provoqué une flambée des prix en raison de la pénurie de gaz, les prix de l’électricité peuvent également baisser en cas d’excédent de production.

D’autre part, le représentant de l’exécutif européen concède que la crise énergétique a démontré la nécessité de compléter le marché européen de l’électricité, d’où la récente réforme qui entrera en vigueur en 2026.

« L’idée de la réforme est de dynamiser les contrats de long terme pour découpler davantage la facture finale du consommateur des prix spot », explique Mathilde Lallemand.

« La réforme préserve le fonctionnement du marché à court terme mais le complète avec des outils à long terme pour avoir des prix plus stables pour le consommateur et permettre aux producteurs d’avoir plus de visibilité », précise le représentant de l’exécutif européen.

Parmi les deux outils phares de la réforme figurent donc le contrat de gré à gré (ou PPA) qui peut être signé sur une période de plusieurs années, mais aussi le contrat sur différence (ou CFD). Ce dernier fixe un prix maximum au-delà duquel l’Etat peut prélever les marges des producteurs pour les redistribuer aux consommateurs.

Une France qui se « rapproche » de l’Espagne

La réforme du marché de l’électricité entend aussi développer des leviers de flexibilité comme les délestages ou le stockage par batteries pour remplacer les centrales à gaz qui jouent actuellement notamment ce rôle. Pour le directeur France du fournisseur Endesa Energia Gil Najid, c’est même le grand enjeu des prochaines années : adapter la demande aux périodes où les prix de l’énergie sont les moins chers au-delà des efforts de modération et pendant que des moyens de production abordables se développent du côté de l’offre.

Selon lui, la France se rapproche aussi de l’Espagne, où les prix sont relativement bas, comme en témoigne cette situation inédite au cours du premier trimestre : pour la première fois, l’électricité la moins chère s’est concentrée dans les trois heures du milieu de journée. C’était déjà le cas depuis plusieurs années en Espagne, mais avec la contrepartie de prix deux fois plus élevés lors des pics de consommation du soir. « Le marché espagnol est un peu en avance sur la France en termes de pénétration des énergies renouvelables », ajoute Gil Najid.

« Au cours des cinq dernières années, cette pénétration rapide des méthodes de production à faible coût marginal a permis d’avoir des prix bas avec un spot espagnol inférieur à 40 euros au premier trimestre contre 45 euros en France et 15 à 20 euros de plus en Allemagne. »

Un éloignement des règles de tarification au coût marginal ?

Même si la phase la plus intense de la crise énergétique semble désormais terminée, le patron de CLEEE, Frank Roubanovitch, déplore que cela ne se reflète pas dans les factures des entreprises et des collectivités : « Notre enquête montre que les entreprises paient en moyenne 120 euros par MWh pour leur électricité tandis que les collectivités paient en moyenne 150 euros par MWh, donc les prix spot sont certes bas mais la vraie vie des consommateurs est différente. »

Sceptique quant à l’accord passé entre l’État et EDF à l’automne dernier, le président du Comité de liaison des entreprises ayant exercé leur éligibilité sur le marché libre de l’énergie critique certains discours politiques erronés. Il cite notamment l’affirmation selon laquelle la récente réforme du marché européen serait à l’origine de la baisse de 15 % du tarif réglementé de vente de l’électricité l’an prochain, alors qu’elle n’est liée qu’à une baisse des prix de marché. « Quand on nous dit qu’il y aurait un black-out si jamais on sortait du mécanisme européen de tarification au coût marginal, c’est aussi une contrevérité », estime-t-il.

Frank Roubanovitch est ainsi favorable à une sortie du mécanisme de tarification au coût marginal que souhaitent le Rassemblement national ou La France Insoumise, ces derniers préférant maintenir les interconnexions. En attendant, il recommande de maintenir le mécanisme en place pendant 25 ans sur les 10-15 prochaines années mais via un CFD et d’envisager un nouveau mécanisme pérenne comme l’acheteur unique pour assurer la stabilité du prix de l’électricité demandée par les consommateurs.

« À court terme, la seule solution crédible est de mettre en place un contrat sur différence car il permet de maintenir un signal prix pour inciter les gens à consommer en heures creuses. »

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