Québec suspend les journées de recrutement à l’étranger pour une durée de six mois. Et leur retour est incertain, affirme le ministre de l’Immigration.
En entrevue avec notre Bureau parlementaire, le ministre Jean-François Roberge a annoncé un moratoire sur les « Journées du Québec », qui visent à recruter des travailleurs temporaires pour les secteurs touchés par la pénurie de main-d’œuvre.
“L’objectif est de prendre un moment de pause et de coordonner la reprise éventuelle des activités – donc à confirmer – avec la nouvelle programmation pluriannuelle”, explique le ministre.
Il aurait été « incohérent », dit-il, de continuer à recruter, alors que Québec et Ottawa ont annoncé des mesures pour réduire le nombre de travailleurs étrangers temporaires.
Un gel de l’immigration permanente a également été récemment annoncé, pour une durée de huit mois, en plus d’un projet de loi visant à encadrer le nombre d’étudiants étrangers. À l’avenir, l’immigration tant temporaire que permanente sera prise en compte dans la planification gouvernementale, pour éviter de se retrouver dans la situation actuelle, avec quelque 600 000 immigrants temporaires.
«On ne peut pas, en même temps, réduire et réaliser des missions de recrutement importantes», fait valoir M. Roberge.
Ce gel, assure-t-il, n’a aucun lien avec le déficit de 11 milliards de dollars que le Québec cherche à résorber.
Un millier de travailleurs
Le moratoire, en vigueur depuis le 1est La période de janvier au 30 juin aura un impact sur le recrutement d’environ 1 000 travailleurs étrangers temporaires.
D’ici là, une activité déjà prévue aura quand même lieu en France, en raison des montants déjà engagés. Seize secteurs d’activité économique y seront représentés, dont l’aéronautique, les batteries et la mécanique. Mais Québec profite aussi de ces missions pour recruter des infirmières et des enseignants.
Au total, dix « Journées québécoises » auront été organisées en 2024, notamment en Europe, en Afrique subsaharienne, au Brésil, en Colombie et au Maroc, pour un coût total d’environ 5 millions de dollars.
Retour incertain
« Il est fort probable que les Journées québécoises reviennent, mais cela dépendra des consultations. Il se peut également que cela ne revienne pas. Cela pourrait revenir sous une autre forme », a déclaré le ministre Roberge.
En effet, le contexte a changé depuis la période de pénurie post-pandémique.
Actuellement, «le Québec est très attractif», dit-il. «Il y a beaucoup de gens qui veulent venir en ce moment, sans même qu’on le leur demande», raconte Jean-François Roberge.
En attendant, Québec invite les employeurs à se tourner vers la main-d’œuvre québécoise. Le taux de chômage augmente, constate le ministre, et de nombreux demandeurs d’asile ont obtenu un permis de travail.
« Reprendre le contrôle »
Le ministre Roberge l’admet, les différentes mesures annoncées par le gouvernement Legault au cours des derniers mois constituent une « reprise en main » de l’immigration.
«On ne peut pas continuer la recette qui nous a amené à 600 000 travailleurs temporaires sur le territoire québécois. Si nous voulons que les résultats changent, nous devons changer nos processus », observe-t-il.
Malgré cet aveu, il rappelle qu’Ottawa est responsable des deux tiers des immigrants temporaires actuellement sur le territoire québécois.
Inquiétudes dans le monde des affaires
«Nous comprenons que des décisions doivent être prises pour atteindre l’équilibre budgétaire, car le Québec a un déficit historique. Même si nous attendons du gouvernement qu’il veille à une grande rigueur budgétaire, il ne faut pas ralentir le moteur de notre économie que sont les PME..»
– François Vincent, vice-président Québec, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante
«[…] C’est une annonce décevante. Alors qu’il y a plus de 13 000 postes vacants dans le secteur manufacturier, le gouvernement semble prendre à la légère les impacts de la pénurie de main-d’œuvre qui touche le secteur, tant sur les entreprises, mais [aussi] sur l’économie de nombreuses régions qui dépendent des fabricants.»
– Julie White, vice-présidente aux affaires publiques, Manufacturiers et exportateurs du Québec
« On se demande comment le gouvernement pourra régler les problèmes de main-d’œuvre dans la santé, l’éducation et plusieurs autres secteurs sans avoir recours à ces Journées du Québec. Nous ne voyons vraiment pas comment il pourra améliorer les services publics si nous manquons d’autant de travailleurs.»
– Denis Hamel, conseiller stratégique au Conseil du patronat du Québec