Les impôts continueront d’augmenter en 2025 à Montréal, même si la hausse sera moins forte que ces dernières années. Pourquoi une augmentation des impôts semble-t-elle inévitable dans nos villes ? Et surtout, existe-t-il des moyens de réduire notre dépendance aux impôts fonciers ? Oui, disent les experts, mais cela implique des sacrifices.
«La réalité est que Montréal, comme la plupart des autres villes, ne dispose pas de sources de revenus infinies», note l’économiste Michel Poitevin de l’Université de Montréal. Dans d’autres pays du monde, les villes peuvent taxer les revenus, mais ici, tout passe par la valeur des terrains, c’est à dire des propriétés. »
Contrairement aux impôts qui augmentent automatiquement avec les revenus des citoyens, taxer la valeur foncière nécessite de revoir chaque année le niveau de taxation. L’administration Plante, qui dévoile ce mercredi son dernier budget, a déjà assuré qu’elle limiterait la hausse des taxes pour 2025 au taux d’inflation le plus récent, soit 1,8 %.
À court terme, cela devrait donner un peu de répit aux Montréalais, après les hausses des dernières années (4,1 % en 2022 et 4,9 % en 2023).
Les taxes municipales représentent près des deux tiers des revenus de Montréal ; les services rendus (amendes, prix des permis, droits de mutation, etc.) en représentent un tiers.
La situation illustre qu’il faut rapidement « diversifier » les sources de revenus des municipalités québécoises, estime M. Poitevin. « Je suis favorable à une tarification plus élevée des services publics. C’est là que nous devons aller, je crois, si nous voulons vraiment réduire le niveau des impôts. »
« L’occupation du domaine public par des chantiers, par exemple, est quelque chose qui pourrait être tarifé », estime le professeur. Ceci est un exemple, mais nous devons revoir le modèle. À l’heure actuelle, ce qui fait élire les gouvernements et les villes, c’est la réalisation de projets. Et cela passe toujours par des impôts pour les financer. »
Sacrifices
À l’UQAM, l’experte en gestion métropolitaine Danielle Pilette appuie cette idée. Mais elle pense que cela augmenterait probablement le prix du logement.
La réalité est que nous ne pouvons pas diversifier autant nos revenus sans nuire à certaines personnes. À Toronto, la diversification se fait beaucoup à travers la tarification des services publics, mais à Montréal, j’ai l’impression que cela accentuerait les inégalités entre les citoyens étant donné que les écarts de revenus et de prix des logements sont très importants. Nous sommes vraiment sur un marché différent.
Danielle Pilette, professeure agrégée au Département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale de l’UQAM
Valérie Plante et son parti espèrent depuis longtemps s’éloigner du règne des taxes foncières comme Source de financement quasi-unique. Son administration lorgne sur l’écofiscalité – l’idée de lier les impôts et l’impact environnemental. Depuis juin 2022, la Ville réalise un vaste « projet fiscal montréalais ».
Ce projet, «c’est avant tout une manière pour la Ville de faire pression sur le gouvernement du Québec, de souligner la nécessité de financer davantage certains secteurs», estime Mme.moi Égoutter.
« Le principe fondamental de la fiscalité est le rendement. Et la taxe foncière, à mesure que l’immobilier rattrape son retard, présente un bon rendement. Sa force réside dans la simplicité administrative, avec un rôle d’évaluation et le nom des propriétaires qui, de plus, n’habitent pas toujours à Montréal, donc les répercussions politiques sont minimes », ajoute-t-elle.
D’autres impôts ?
En marge d’un Sommet sur la fiscalité l’an dernier, Montréal a notamment envisagé plusieurs nouvelles solutions pour financer son prochain budget, alors qu’un déficit de 200 millions était envisagé pour 2024. Sur la table: une taxe sur chaque kilomètre parcouru au volant d’un véhicule, une autre sur des logements vacants, un autre sur des surfaces imperméables, dont les stationnements.
Nous avons également discuté de la possibilité de réduire la fréquence d’enlèvement des déchets ou de chargement de la neige. Plus récemment, en septembre, le président du comité exécutif, Luc Rabouin, confiait qu’il envisageait la possibilité de « renoncer à certaines activités » actuellement exercées par la Ville, dans un contexte budgétaire serré.
«Nous revoyons chacun des programmes un à un pour nous assurer que nous sommes capables d’optimiser, de changer nos façons de faire et parfois d’abandonner certaines activités», a déclaré M. Rabouin, semblant ainsi préparer le terrain pour un budget plus responsable que au cours des dernières années.
Cet automne, la Ville a aussi appelé les arrondissements à se serrer la ceinture, en s’en tenant « le plus possible » à l’inflation, pour réduire le fardeau fiscal des citoyens. En moyenne, les augmentations des impôts locaux seront de 3,6% l’année prochaine, ce qui est nettement inférieur à celui de 2024, avec 9,5%. En fait, 18 des 19 districts sont en dessous ou à la barre des 5 %.
Seul LaSalle a dérogé à cette règle, avec des taxes majorées de 10 %. Sa mairesse, Nancy Blanchet, a affirmé ne pas vouloir réduire les services aux citoyens. “Nous ne voulons pas payer les dépenses courantes avec des excédents, qui seront bien mieux investis dans des projets structurants”, a-t-elle aussi fait valoir.