Alors que la taille de l’économie américaine mesurée par le PIB réel est 10 % plus grande qu’à la fin de 2019, l’économie allemande stagne désespérément.
À l’approche des élections fédérales de février 2025, la morosité bat son plein en Allemagne, car le pays semble à la croisée des chemins politique et économique. Cependant, le DAX se négocie à des niveaux records grâce à sa valeur phare SAP. Quelles sont les perspectives d’action européenne dans ce contexte politique et géopolitique incertain alors que Trump s’apprête à élire domicile à la Maison Blache ?
L’impopularité du chancelier Scholz et la morosité économique ambiante ont eu raison de la coalition allemande. Après la France l’été dernier, elle est la première économie européenne à convoquer des élections anticipées pour début 2025. Les sondages donnent la CDU vainqueur, mais le défi est de taille pour inverser la tendance défavorable dans laquelle l’économie allemande s’inscrit depuis plusieurs années.
L’économie allemande avait pourtant mieux résisté au choc du Covid que d’autres pays européens au début de la décennie. Mais à partir de 2022 et de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la désindustrialisation s’est accélérée face à des coûts énergétiques qui ont fortement augmenté. Aussi, l’un de ses principaux partenaires commerciaux, la Chine, est resté longtemps dans la crise sanitaire pour entrer dans la phase d’ajustement du secteur immobilier, avec des effets de richesse négatifs très importants pour le consommateur chinois.
Le secteur de la consommation discrétionnaire est intéressant mais il semble encore prématuré. L’automobile pourrait retrouver un second souffle après une année 2024 très mouvementée.
Concrètement, l’Allemagne a vécu une demi-décennie perdue sans croissance. Alors que la taille de l’économie américaine mesurée par le PIB réel est 10 % plus grande qu’à la fin de 2019, l’économie allemande stagne désespérément. Le prochain gouvernement devra trouver les sources de la croissance et probablement assouplir des règles fiscales trop restrictives pour financer la reprise, alors que les finances publiques allemandes sont en bien meilleure forme que dans les autres pays européens. Mais la CDU, qui a inscrit ces règles fiscales dans la Constitution il y a quinze ans, fera-t-elle marche arrière et sortira-t-elle de l’impasse ? Vous devez également savoir où dépenser davantage pour créer de la richesse future. En effet, soutenir artificiellement des secteurs qui seront tôt ou tard restructurés ne fait que retarder l’échéance à un coût souvent élevé.
Du côté des bourses européennes, les élections allemandes et le prochain gouvernement constituent un facteur quelque peu marginal. L’incertitude et la morosité économique n’ont pas empêché le DAX de s’échanger au plus haut, avec une hausse de près de 15% depuis le début de l’année, soit presque deux fois celle du STOXX Europe 600 (+8,5% en rendement total). Les sociétés du DAX génèrent en effet moins de 20 % de leurs revenus en Allemagne selon nos estimations. Mais l’euro, en forte baisse face au dollar depuis la hausse des sondages et l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, pourrait se redresser si le nouveau gouvernement allemand rassure sur l’économie. De notre point de vue, les élections allemandes auront plus d’implications potentielles sur les taux et les taux de change (taux plus élevés, hausse de l’euro) que sur les actions.
Les perspectives des valeurs allemandes et européennes seraient plutôt liées au contexte mondial, tant aux Etats-Unis avec la nouvelle administration Trump qu’en Chine avec ces espoirs de reprise qui se font attendre depuis longtemps. Au sein des actions européennes, nous avons récemment relevé nos perspectives sur le secteur des médias, dont une part importante de ses revenus se situe aux États-Unis. En Allemagne, Deutsche Telekom est fortement exposée au marché américain à travers sa filiale T-Mobile.
Pour se positionner sur le potentiel regain d’optimisme du consommateur allemand auprès du prochain gouvernement, le secteur de la consommation discrétionnaire est intéressant mais il semble encore prématuré. L’automobile pourrait retrouver un second souffle après une année 2024 très mouvementée. Tout comme les valeurs locales tournées vers la consommation, comme Tui et Zalando, qui réalisent un tiers de leurs revenus en Allemagne.
En conclusion, les incertitudes actuelles rappellent la situation du début des années 2000. A cette époque, l’Allemagne était considérée comme l’homme malade de l’Europe. Les années 1990 ont été sombres après l’intégration de la RDA et l’Allemagne a dû mettre en œuvre les réformes Hartz qui ont stimulé l’économie. Il y a vingt ans, en 2003, était publié un livre au titre provocateur du célèbre économiste allemand Hans-Werner Sinn, alors président de l’Institut Ifo de recherche économique : « L’Allemagne peut-elle être sauvée ? La même question est posée aujourd’hui. L’Allemagne est confrontée à d’énormes défis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et il n’y a aucune raison de penser qu’elle ne pourra pas relever celui-ci.