Planifier votre héritage pour une succession ordonnée sans payer trop d’impôts

Planifier votre héritage pour une succession ordonnée sans payer trop d’impôts
Planifier votre héritage pour une succession ordonnée sans payer trop d’impôts

Planifier sa succession, c’est se demander combien et comment on souhaite léguer un héritage ; permettez-vous de commencer à donner avant votre décès tout en vous assurant d’en avoir suffisamment jusqu’à la fin ; payez ce que vous devez au fisc, mais pas plus ; et assumer une partie du fardeau qui incombera à nos proches après notre départ.

François Dussault a appris très jeune la valeur de l’épargne et a eu la chance d’avoir une carrière qui lui procurait un bon revenu. À sa retraite, ce Montréalais aujourd’hui âgé de 75 ans a constaté qu’il disposait de suffisamment d’actifs financiers pour maintenir un train de vie confortable tout en en consacrant une partie à la création d’une fiducie dont les bénéfices serviraient à améliorer les conditions de vie de ses enfants et petits-enfants. Depuis, il peut soutenir financièrement la rentrée scolaire de deux de ses enfants aînés et contribuer à payer l’école privée, l’orthophoniste, le psychologue et les voyages pédagogiques de ses petits-enfants.

« L’objectif n’est pas de payer moins d’impôts, même si mes petits-enfants ne gagnent pas assez d’argent pour payer ce que je leur donne », explique l’ancien gestionnaire de fonds de pension. J’aime juste pouvoir les aider tout de suite à trouver ce qui leur permettra de s’en sortir dans la vie plutôt que de les faire attendre ma mort. »

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Créée avec l’aide d’un fiscaliste, sa fiducie a aussi l’avantage de fixer des règles d’aide claires et systématiques, estime-t-il. « Je ne veux pas que mes enfants se sentent obligés, à chaque fois, de me demander, de se justifier ou de m’exprimer leur gratitude. Ce n’est pas le but. »

Le Québec est entré dans le plus grand transfert intergénérationnel de richesse de son histoire, affirment les économistes. Ayant bénéficié d’une conjoncture socio-économique favorable, les Québécois âgés de 65 ans et plus détenaient une valeur nette totalisant près de 1 000 milliards à la fin de 2023. Très inégalement répartie entre riches et pauvres, cette richesse ira, au moins en partie, à leurs proches. .

La création de trusts est l’un des mécanismes auxquels ils recourent de plus en plus, notent les experts. « Ce n’est pas à la portée de tout le monde, un testament peut souvent suffire », observe Julie Guay, planificatrice financière. Ils ne servent pas réellement à économiser des impôts, mais plutôt à permettre aux donateurs d’exercer un certain contrôle sur le partage et l’utilisation de leur héritage au-delà de leur décès. Ils peuvent ainsi prévoir les règles de priorité et de partage dans les familles reconstituées. Une forme de surveillance peut être instaurée pour les enfants mineurs ou un proche qui n’est pas considéré comme capable ou suffisamment responsable.

Décider des règles

« Contrairement à l’Europe par exemple, il y a très peu de règles en matière de succession au Québec, explique Fabien Major, un autre planificateur financier. « On en voit parfois certains qui donnent à des causes qui leur tiennent à cœur, mais cela reste minoritaire. Nous donnons principalement aux membres de notre famille immédiate. Le cercle n’est pas beaucoup plus large que cela. »

Vous devez d’abord évaluer soigneusement vos propres besoins financiers et vous assurer d’en avoir suffisamment jusqu’à la fin. « Les gens nous disent qu’ils pensent qu’ils vivront jusqu’à 75 ans alors que leurs parents sont encore en vie à 90 ans », raconte Julie Guay. Mais de manière générale, « les baby-boomers ont envie de donner, mais sans se priver. Les gens sont particulièrement sensibles aux problèmes de santé. Ils veulent s’assurer que, s’ils perdaient leurs capacités, ils auraient les moyens de continuer à vivre dignement. »

Dans certains cas, les gens sont plus riches qu’il n’y paraît. Fabien Major cite l’exemple de ce couple d’agriculteurs qui ont toujours eu un niveau de vie modeste, mais dont la vente de la ferme a rapporté 3,5 millions.

Mais pour les nombreuses autres qui n’auront pas droit à de telles surprises, il s’agit de ne pas faire trop d’erreurs dans ses prévisions et sa planification, poursuit Mylène Lapointe, également planificatrice financière. « Quand on a 100 000 $ ou 200 000 $ à laisser, on ne peut pas se permettre de commettre des erreurs qui coûteraient trop cher. »

Décès et impôts

Il faut notamment tenir compte de la fiscalité. Même si le Québec n’a pas, à proprement parler, de droits de succession, il taxe, entre autres, la plus-value réalisée sur les immeubles qui ne sont pas la résidence principale, sur les placements boursiers et autres actifs financiers. En gros, l’exercice consiste à faire comme si, au moment du décès, on vendait tous ces biens d’un coup pour que l’État puisse taxer les bénéfices ainsi réalisés avant de permettre aux héritiers de se partager le reste.

Cette opération peut poser problème à ceux qui hériteraient, par exemple, d’un chalet familial dont la valeur a considérablement augmenté au fil des années, affirme Julie Guay. « Cela peut devenir très gênant pour ceux qui ne veulent pas vendre ce chalet, mais qui n’ont pas non plus les liquidités nécessaires pour payer l’impôt sur la plus-value. » Dans ce cas, nous recommandons aux donateurs d’envisager également de laisser de l’argent (biens successoraux) pour payer la facture fiscale ou tous les autres frais liés à la succession.

« Il ne faut pas oublier que l’un de nos héritiers importants sera le gouvernement », affirme Julie Guay.

Face à des clients qui ont au moins 1 million de dollars à investir, Fabien Major assure que ces personnes ne cherchent pas à tromper le fisc. Seulement « pour payer leur juste part, pas plus ». « Mais les règles fiscales sont des poupées russes. On voit très souvent des cas de double, voire triple imposition. »

Message aux héritiers

S’il est important de réfléchir à la manière dont vous comptez léguer vos actifs, il est également prudent de ne pas compter sur un héritage dans votre propre planification financière, note Mylène Lapointe. « Je vois beaucoup de gens qui s’attendent à recevoir un héritage toute leur vie. C’est très dangereux. Nous pouvons rarement savoir avec certitude combien d’argent il nous restera, ou même si nous en recevrons. Cela peut sérieusement compliquer votre propre situation de retraite. »

En général, la planification successorale offre une occasion précieuse de préparer le terrain avec ses proches, insistent les planificateurs financiers. « Nous ne le faisons pas uniquement pour des raisons financières. C’est aussi une façon d’exprimer son affection », observe Fabien Major.

« Les parents évitent souvent d’en parler parce qu’ils ne veulent pas de disputes. Mais c’est justement ce qui risque d’arriver si on se met la tête dans le sable», estime Julie Guay.

«Au Québec, on le sait bien, on n’aime pas parler de son salaire ou de son placement», ajoute Mylène Lapointe. Mais il est important de parler à vos proches de la façon dont vous envisagez votre héritage, car quand ce n’est pas clair, cela peut vite devenir très compliqué, voire infernal. Mettre de l’ordre dans nos affaires est une façon de faire une partie du travail pour faciliter la vie de ceux que nous aimons et qui devront s’en occuper après notre départ. »

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