État du réseau routier

(Québec) Fatigué des cornets oranges? En fait, il devrait y en avoir beaucoup plus, car les routes du Québec ont besoin d’être réparées. Un comité d’experts indépendants craint une « détérioration accélérée de l’état du réseau routier dans les prochaines années » car le gouvernement Legault n’en fait pas encore assez pour l’entretenir. Une « tempête parfaite » se profile même à l’horizon, prévient-il dans un rapport transmis au ministère des Transports.


Publié à 00h53

Mis à jour à 5h00

Conclusion percutante

Créé sous le gouvernement Couillard en 2016, le comité d’experts indépendants a pour mandat de produire chaque année un avis sur la programmation des travaux routiers du ministère des Transports. Son rapport le plus récent date du 22 décembre, mais il n’a été publié sur le site Internet du ministère que cette semaine – et en toute discrétion. La conclusion de Sylvain Beaudry, François Chapdelaine et Louis Lévesque est puissante.

« Une tempête parfaite semble se profiler à l’horizon en ce qui concerne l’état du réseau routier : les budgets d’entretien des actifs du réseau routier étaient déjà chroniquement insuffisants pour enrayer la croissance du déficit d’entretien des actifs, jusqu’à ce que les augmentations récentes aient favorisé les bonus. [ajout de routes] au détriment du maintien des actifs [l’entretien du réseau existant], la demande pour divers travaux de construction a atteint la limite de la capacité de l’industrie en raison de l’augmentation des projets dans d’autres secteurs, la concurrence qui en résulte pour les ressources – travailleurs, entrepreneurs et ingénieurs – conduit à une inflation croissante des coûts. »

Un réseau routier médiocre

Selon les données les plus récentes, 43 % des infrastructures du réseau routier (en valeur) sont en très mauvais état (30 %) ou en mauvais état (13 %). Ce pourcentage est similaire à la moyenne de l’État pour toutes les infrastructures publiques. Les écoles remportent toujours la palme, avec 56 % des établissements en mauvais ou très mauvais état. En revanche, c’est le réseau routier qui présente le plus d’infrastructures en très mauvais état (30%). Cela signifie qu’ils doivent absolument être remplacés.

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INFOGRAPHIES -

Un déficit se creuse

Le déficit d’entretien du patrimoine du réseau routier continue de se creuser, rapporte le comité d’experts indépendants. Ce déficit représente le montant qu’il faudrait investir pour que le réseau soit dans un état satisfaisant. Il s’est élevé à 20,2 milliards de dollars l’année dernière, comme on peut le lire dans le rapport. Aujourd’hui, il atteint 20,4 milliards. Lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, elle s’élevait à 14,7 milliards.

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INFOGRAPHIES -

Un calcul remis en cause

Mais attention : le comité d’experts indépendants remet en cause les méthodes de calcul du ministère des Transports. La baisse du déficit observée en 2021 est « artificielle » et résulte d’un changement de méthodologie. La commission s’étonne également que l’augmentation du déficit de maintien d’actifs ne soit pas plus importante. Il constate que ce déficit s’est « très peu accru » en termes d’infrastructures de réseaux plus élevées (autoroutes, routes nationales et régionales). Or, près de 40 % des actifs du réseau supérieur « sont dans un état E, ils doivent donc être essentiellement reconstruits », et « les coûts de leur réhabilitation devraient être directement affectés par la forte inflation observée dans la construction en 2021 et 2022 ».

« Le Comité ne dispose pas des informations nécessaires pour comprendre en détail la dynamique de l’évolution du déficit de maintien des actifs du réseau routier, qu’il s’agisse des chaussées ou des ouvrages d’art. Ni le ministère ni le Secrétariat du Conseil du Trésor n’ont rendu public une description détaillée de la méthodologie à ce jour », peut-on lire dans son rapport.

Augmentation insuffisante des investissements

Depuis des années, la commission dénonce « le sous-financement systématique du réseau routier par rapport à l’ensemble des infrastructures ». L’année dernière, 12 % des investissements en infrastructures ont été consacrés au réseau routier tandis que son déficit de maintien des actifs représentait 58 % du déficit global des infrastructures. Le comité salue la récente augmentation des investissements prévus pour entretenir le réseau routier. Ces investissements ont atteint 24,4 milliards sur une période de dix ans, entre 2023-2033. Ils sont passés à 28,3 milliards pour la période 2024-2034.

Malgré tout, la commission craint une accélération de la dégradation de l’état du réseau routier dans les années à venir. Car l’augmentation des investissements doit être replacée dans le contexte de l’inflation. Selon l’économiste Louis Lévesque, les investissements annuels sont en effet inférieurs à ceux d’avant si l’on tient compte de l’inflation. Au fil des années, moins de kilomètres de routes sont réhabilités pour le même montant investi. «La forte inflation des deux dernières années a eu un impact considérable sur le coût des projets de maintien du patrimoine sur le réseau routier et sur le volume des travaux réalisés», souligne le comité.

De plus, le ministère « ne tient pas compte de la dégradation naturelle inévitable des actifs au cours de la période décennale du Plan québécois des infrastructures. On aboutit donc à une surestimation systématique de l’impact positif prévisible sur l’état du réseau, laissant la fausse impression que le déficit de maintien des actifs sera largement résorbé au bout de 10 ans. En entrevue, M. Lévesque estime que « les récents changements au Plan québécois des infrastructures » avec la hausse des investissements, « sont une bonne nouvelle. Mais est-ce suffisant pour stopper la croissance et réduire le déficit de maintien d’actifs ? La réponse est non. […] C’est le problème du bateau qui a un trou. Il y a 10 000 gallons d’eau par heure qui arrivent, nous en pompions 4 000 avant, et c’est sûr que c’est mieux si maintenant nous en pompons 5 000. Mais cela ne change rien au fait qu’il y a de plus en plus d’eau dans le bateau. »

« Des choix difficiles »

Plusieurs facteurs viendront compliquer la tâche du gouvernement pour tenter de maintenir le bateau à flot, note la commission. Le secteur de la construction est demandé de toutes parts ; sa capacité à réaliser des projets atteint ses limites. La pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur est importante. Cela se traduit par une augmentation des prix. Les projets sont également retardés en raison d’un écart trop important entre l’estimation des coûts du Ministère et le prix des offres reçues. Il y a également des retards dans les travaux, selon la commission. Le ministère a ses propres défis internes : il est victime de départs d’employés et de difficultés de recrutement. La commission constate un turnover important dans les postes de direction et un « manque flagrant » de techniciens en génie civil.

«La situation dans laquelle nous nous trouvons est le résultat des choix qui ont été faits au cours des 10, 15, 20, 30 dernières années», affirme Louis Lévesque. Il y a un aspect que nous ne pouvons pas reprocher au gouvernement actuel. Ce n’est pas lui qui est responsable du mauvais entretien du réseau routier au cours des 50 dernières années. Mais [les autorités] sont responsables de leurs décisions. Et leurs décisions sont les suivantes[elles] n’ont pas vraiment donné la priorité à l’entretien du patrimoine du réseau routier, [elles] sont en mode rattrapage. Mais les contraintes financières et économiques actuelles rendront très très difficile le rétablissement de l’état des infrastructures, notamment du réseau routier. Cela signifie que des choix devront être faits. Et des choix difficiles. »

 
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