Les mauvaises nouvelles économiques s’accumulent en cette fin d’année 2024. Deux plans sociaux massifs viennent d’être annoncés, l’un chez Auchan, l’autre chez Michelin. Le géant de la distribution a annoncé la suppression de 2 500 emplois sur tout le territoire, et le poids lourd du pneumatique clermontois s’apprête à fermer deux usines, à Cholet et Vannes. Près de 1 250 salariés sont concernés.
Le pneumatique français justifie sa décision par une concurrence asiatique accrue, mais aussi par la « détérioration de la compétitivité de l’Europe ». Auditionné devant la commission sénatoriale des Affaires économiques, en amont de la prochaine discussion budgétaire, le ministre de l’Économie et des Finances Antoine Armand a été invité à s’exprimer sur cette sombre nouvelle sur le front de l’emploi. « Le secteur automobile se trouve dans une situation économique extrêmement difficile. Coût de l’énergie, conjoncture internationale, coût des matières premières, surcapacités asiatiques : autant de raisons profondes, qui pèsent et qui continueront de peser sur le secteur, et qui continueront à conduire à des décisions d’« entreprises sans doute extrêmement difficiles ». dans les semaines à venir », a prévenu le ministre.
“Sans alarmisme”, Antoine Armand a ensuite répété lors de l’audience qu’il serait “probable” qu’il y ait d’autres mauvaises nouvelles économiques “dans les mois à venir”. “Il faut s’y préparer”, a-t-il insisté. De nombreux secteurs sont actuellement en difficulté. Dans une étude publiée mi-octobre, le cabinet Altares évalue à 66 000 le nombre de faillites d’entreprises sur douze mois, “un record”, qui fait craindre des “conséquences à long terme sur l’emploi”.
Conditionnalité des aides publiques : le ministre se tourne vers les partenaires sociaux
Dans le Puy-de-Dôme, berceau de l’équipementier Michelin, la situation de l’entreprise inquiète les parlementaires. Jean-Marc Boyer, sénateur LR du département, a également sondé le gouvernement sur les actions qu’il allait mener pour soutenir les salariés. Antoine Armand a insisté sur l’importance d’avoir un « suivi individualisé » des reclassements, et sur la rapidité de recherche de repreneurs possibles en réunissant tous les acteurs. “Dès cette semaine, pour qu’on ne perde pas de temps, pour qu’on ne laisse pas les salariés dans des zones d’incertitude”, a-t-il insisté.
Interrogé ce mardi pour les questions d’actualité au gouvernement de l’Assemblée nationale, le Premier ministre Michel Barnier a répondu qu’il voulait savoir “ce qu’on faisait dans ces groupes avec l’argent public qu’on leur donnait”. Le sénateur communiste Fabien Gay a fait écho à ses propos, demandant si le gouvernement envisageait de s’engager sur la conditionnalité des aides publiques. « Êtes-vous prêt à conditionner chaque année les 182 milliards d’argent public ? Nous n’avons pas besoin de mots, maintenant nous avons besoin d’actions », a tonné le sénateur. Dans son département, un sous-traitant de Stellantis, MA France, a supprimé près de 300 postes.
«Je n’ai aucune religion concernant l’assistance publique. Je ne considère pas que les aides publiques aux entreprises doivent être par nature gratuites et sans aucune forme de condition, ni qu’elles doivent être à chaque fois conditionnelles. En fait, les aides publiques sont toujours conditionnelles », a répondu le ministre. Selon l’ancien député de Renaissance, ce débat sur les aides doit être mené par les partenaires sociaux. « Ce sont les meilleures personnes pour le faire. Cela concerne les salariés, les représentants des entreprises et les représentants des salariés. »
Relancé par le sénateur LR Daniel Gremillet sur la situation « fragile » du secteur automobile, le ministre de l’Économie a précisé qu’il réunirait un comité stratégique de filière, pour veiller notamment à ce que les relations entre le BTP et les équipementiers « soient meilleures ».
Le ministre insiste sur le chantier compétitivité au niveau européen, et pose comme préalable réduire le déficit public
Au sein de l’Union européenne, les différentes marques font face à des investissements massifs pour répondre à l’objectif européen d’interdire la vente de véhicules thermiques en 2035. Mais une autre échéance, bien plus proche, inquiète profondément le secteur. À partir de 2025, l’UE impose aux constructeurs automobiles de réduire de 15 % le seuil moyen d’émission de dioxyde de carbone des voitures produites, sous peine d’amendes s’élevant à des milliards d’euros. Toutefois, le ralentissement plus important que prévu des ventes de voitures électriques met en difficulté les différentes marques. « Quelles seront les conséquences d’une amende, à l’heure où il est difficile d’investir ? » a demandé le ministre.
Antoine Armand doit évoquer le sujet avec ses partenaires à Berlin vendredi. Selon lui, il faut « avancer de manière concertée, dans le respect des règles, pour que les modalités soient un peu adaptées à ce que vivent les constructeurs. »
Plus généralement, Antoine Armand a indiqué que la « bonne réponse » prendrait « malheureusement du temps ». “Il faut l’entamer dès maintenant au niveau européen et national, sur la question du coût de la compétitivité”, a-t-il ajouté. Un enjeu impératif pour le gouvernement français, qui veut éviter que l’Europe ne se « déconnecte » des économies américaine et chinoise.
Pour avoir un « leadership » sur cet agenda au niveau européen, Antoine Armand a fait le lien avec le projet de loi de finances, actuellement en débat au Parlement, et sur la nécessité de paraître crédible aux yeux des autres capitales européennes, en réduisant le déficit public français. . « Lorsque le ministre français de l’Économie et des Finances vient défendre cela dans les milieux européens, évidemment nos partenaires regardent l’état de nos finances publiques. Evidemment, ils voient que nous avons 3 300 milliards de dettes, que nous sommes le troisième pays le plus endetté de l’Union européenne », a-t-il prévenu.