Stellantis, Airbus, TotalEnergies… Le cabinet Axylia compare la rentabilité des industriels à leur facture carbone

Pour la construire, Axylia a quantifié cette facture pour les 120 premières capitalisations boursières françaises – les entreprises du CAC 40 et une partie de celles du SBF 120 – en multipliant leurs émissions carbone des trois périmètres par un prix estimé de la tonne de CO2. « Mettre un prix sur le carbone revient à calculer le coût de externalités négatives générées par les émissions de CO2, notamment on sait qu’ils jouent un rôle dans le réchauffement climatique, se souvient Vincent Auriac, le fondateur d’Axylia. Alors que plusieurs les économistes du climat ont travaillé sur ce sujet, nous avons a pris la médiane des coûts du carbone mentionnés dans le rapport du GIEC de 2018. On est ainsi arrivé à 100 euros la tonne en 2019 et 200 euros en 2030 selon les projections. Cela représente une augmentation de 6 % par an. Pour son classement 2024, la firme a donc appliqué un prix estimé à 142 euros la tonne de CO2. Un chiffre qui n’est pas si éloigné du prix atteint par tonne de CO2 sur le marché européen des quotas d’émission.

Airbus mettrait 8 ans pour payer une facture annuelle

En multipliant ce prix par les tonnes de CO2 émises par chaque entreprise du CAC 40, Axylia arrive aux résultats suivants : la facture s’élèverait à 65 milliards d’euros pour Stellantis, 58 milliards pour Airbus et 55 milliards pour TotalEnergies. Pour l’avionneur, le prix à payer représente plus de huit fois son Ebitda. “Cela signifie qu’il faudrait huit ans à Airbus pour payer une facture annuelle, si on lui demandait de payer ses émissions de carbone.»s’exclame Vincent Auriac.

Les dix plus grosses factures – qui correspondent aux dix plus gros émetteurs de CO2 du CAC 40 – sont toutes attribuées aux constructeurs et sont toutes supérieures à leurs bénéfices réalisés pour l’année 2023.


Les dix plus grosses factures carbone parmi les 120 plus grandes capitalisations boursières françaises, exprimées en milliards d’euros et en pourcentage de l’Ebitda. © Axylie


« Aujourd’hui, les entreprises communiquent d’une part sur des milliards d’euros de bénéfices et de l’autre sur les tonnes de CO2 émises, ce qui rend la comparaison impossible.observe Vincent Auriac. C’est pourquoi nous avons voulu calculer la facture que représentent les émissions : pour que les gens comprennent que derrière les profits réalisés, il y a un prix à payer, plus élevé pour la moitié des entreprises. Mais aujourd’hui, ce sont les États, les compagnies d’assurance et plus généralement la société civile qui paient ce prix.»

Schneider, Veolia et Legrand, bientôt solvables en 2030

Inspirée du Nutri-score en vigueur dans l’agroalimentaire, Axylia a noté les 120 entreprises sur le radar de A à F : 50% reçoivent une note de A à C, ce qui signifie que leur facture carbone est inférieure à leur Ebitda, 40% ont une note allant de D à F et voient donc leur facture dépasser leur Ebitda, tandis que 10% des entreprises sont qualifiées de « ND » (pour non disponible), leurs données d’émissions carbone ont été jugées incomplètes. “Nous considérons que ces entreprises sont incapables de payer leur facture, car beaucoup d’entre elles sont de grandes banques, qui publient un scope 3 trop fragmentaire pour être pris en compte, mais dont les investissements financiers sont réputés ultra-carboneux”, grâce au travail de diverses ONG dont Oxfam »précise la fondatrice d’Axylia.

Pour constituer son tableau des 40 entreprises cotées les plus performantes en fonction de leur résultat carbone ajusté, Axylia a sélectionné 18 entreprises du CAC 40 – les 16 les plus mal notées ou non notées et deux ayant une note A, mais n’étant pas les plus performantes en leur secteur – afin de les remplacer par des entreprises plus rentables une fois leur facture carbone déduite de leur Ebitda.


Les 18 entreprises retirées du CAC 40 par Axylia : 16 jugées incapables de payer leur facture carbone et deux dont l’Ebitda ajusté carbone est moins performant que celui des autres entreprises de leur secteur. © Axylie

Afin de valoriser les efforts réalisés en matière de décarbonation, Axylia a également intégré cinq entreprises dans son Vérité40 sur la base de leur score carbone anticipé à l’horizon 2030. C’est notamment le cas de Schneider Electric, Veolia, Legrand et Forvia (anciennement Faurecia). « Nous avons pris la prévision de leur Ebitda pour 2030, projeté ce que pourrait être leur facture carbone cette année-là en intégrant leurs engagements de réduction d’émissions et avons ainsi évalué un score carbone anticipé.détaille Vincent Auriac. Cela nous permet de repêcher les entreprises qui ont une mauvaise note mais qui font des efforts.»



Le classement Vérité40, établi pour l’année 2024 par Axylia. Il répertorie les 35 sociétés cotées ayant le meilleur Ebitda ajusté carbone, et 5 sociétés qui devraient devenir solvables en 2030 au vu de leurs efforts annoncés pour réduire les émissions carbone. © Axylie

Un exercice limité par la fiabilité des bilans carbone…

L’approche d’Axylia a l’avantage de proposer un nouveau regard sur la rentabilité des entreprises, en la mettant en balance avec le coût imposé à la société civile par leurs émissions carbone, responsables d’externalités négatives. Mais cela a ses limites. Car si la firme a adopté une méthode stricte – ne prenant en compte que les entreprises communiquant sur leurs 3 périmètres d’émissions, hors compensations carbone et émissions négatives – le calcul de l’empreinte carbone est un exercice difficile. et soumis à une forte marge d’incertitude, notamment parce que toutes les entreprises ne prennent pas le même périmètre pour calculer cette empreinte et n’appliquent pas les mêmes règles de calcul.


« Nous sommes conscients qu’il existe des marges d’erreur dans le calcul des émissions carbone des entreprises, notamment sur leur scope 3, mais nous ne pouvons pas attendre que tout soit parfait pour tenter d’évaluer les entreprises en fonction de leur performance environnementale »estime Vincent Auriac, qui rappelle que la plupart des entreprises se voient déjà attribuer des scores ESG pour évaluer leur performance extra-financière.

…mais plus transparent que les notations ESG

Un système de notation non harmonisé et peu satisfaisant, comme l’avait déjà souligné l’opérateur du tunnel sous la Manche Getlink à L’Usine Nouvelle, recevant à la fois une bonne note et une note très moyenne selon les agences. « Face à des notations ESG très opaques qui mélangent parfois jusqu’à 200 critères, aussi bien sociaux qu’environnementaux, nous avons souhaité créer un indicateur précis, transparent, qui parle aux conseils d’administration et aux directeurs financiers »fait valoir le patron d’Axylia.

Avec aussi l’avantage de remettre un peu de vérité sur un sujet souvent embelli par les entreprises. A l’image d’Airbus qui communique désormais sur la tonne de CO2 émise par passager : un indicateur bien plus facile à réduire qu’une empreinte carbone globale, surtout avec la forte croissance du trafic aérien.

 
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