Le gouvernement Legault a accordé un énorme bloc d’électricité à un projet d’hydrogène dont la réalisation est loin d’être assurée.
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En juin, Pierre Fitzgibbon, alors ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie, a accordé 307 mégawatts (MW) à l’entreprise allemande Hy2gen. Il s’agit du deuxième plus gros bloc d’électricité accordé par Québec depuis celui de 354 MW attribué à Northvolt l’an dernier.
Pierre Fitzgibbon
Photo MARTIN CHEVALIER
Hy2gen prévoit construire une usine d’hydrogène vert et d’ammoniac à Baie-Comeau, sur la Côte-Nord. Son produit final, le nitrate d’ammonium, alimentera une usine d’explosifs du géant français EPC située à Fermont et dont le principal client est la société australienne Champion Iron, qui exploite une mine de fer à proximité.
L’entreprise parle d’une mise en service en 2030, mais il n’est pas encore certain que l’usine verra le jour. Hy2gen a obtenu ses mégawatts avant même de terminer l’étude technique de base du projet.
« Une fois que nous aurons tous les résultats de cette étude [au début de 2026]nous mettrons en place un système pour voir si nous allons réaliser l’investissement », déclare Journal Pietro Di Zanno, président de Hy2gen Canada.
Pietro Di Zanno
Photo fournie par HY2GEN
Mais pourquoi alors ne pas avoir attendu que l’ingénierie de base soit terminée avant de demander un bloc d’alimentation ?
“Nous ne pouvons pas commencer sans avoir la confirmation du bloc électrique, sinon nos investisseurs diront : “Mais nous vous donnons tout cet argent pour faire de l’ingénierie et vous n’êtes pas encore sûr d’avoir l’électricité”, explique M. Di Zanno.
“Farfelu”
Normand Mousseau, professeur de physique à l’Université de Montréal, ne comprend pas la décision du Québec d’accorder autant d’électricité à un projet qu’il juge « tiré par les cheveux ».
“Cela me semble vraiment un peu risqué car pendant ce temps, il y a d’autres industries qui seraient prêtes à faire des investissements et qui n’ont pas accès à l’électricité”, déplore-t-il.
Comme Northvolt, Hy2gen est une jeune start-up européenne qui a encore peu d’expérience industrielle. Mais contrairement au fabricant de batteries en difficulté, il n’a pas encore demandé d’aide financière au gouvernement (outre le tarif préférentiel de l’électricité).
Des subventions massives ?
M. Mousseau ne voit cependant pas comment les projets d’hydrogène vert peuvent être viables sans un soutien important de l’État.
“La seule manière de faire vivre ces projets est de subventionner massivement les produits qui en sortiront”, prévient l’énergéticien.
Rappelons que, le mois dernier, le PDG d’Hydro-Québec affirmait que M. Fitzgibbon avait « peut-être » alloué trop d’électricité aux entreprises étrangères, au détriment des entreprises locales.
“Je pense qu’il faut rééquilibrer les choses”, a-t-il déclaré à l’Assemblée nationale.
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