Louis Vachon, réalisateur invité | Plaidoyer pour l’indépendance financière

Il l’admet d’emblée : dans le monde financier, la motivation est plus liée à l’argent que dans d’autres secteurs.


Publié à 1h11

Mis à jour à 5h00

« Je ne peux pas le nier. Les gens sont motivés par l’argent dans le secteur financier», affirme Louis Vachon.

Mais l’ancien PDG de la Banque nationale ajoute rapidement que l’argent ne signifie pas nécessairement une consommation extrême et que les gens du secteur financier paient une part importante de leurs revenus en impôts.

« Personnellement, ce n’est pas la consommation qui me motive. Il s’agit davantage d’indépendance financière. C’est toujours ce que j’ai recherché », dit-il.

« Ce n’est pas très poétique, mais le ‘fuck-you money’, c’est-à-dire pouvoir dire ce que je veux et ce que je pense sans avoir à m’agenouiller devant qui que ce soit, c’est sain », renchérit Louis Vachon.

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PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Louis Vachon

Il est sain dans une société d’avoir des personnes suffisamment indépendantes financièrement. Cela évite de tomber dans une société de slogans, qui voudrait dire que chacun fait quelque chose parce que la politique, la société ou le syndicat ont décidé qu’on allait dans une direction donnée.

Louis Vachon

Avoir des personnes financièrement indépendantes permet, selon lui, d’avoir des personnes plus indépendantes sur les plans intellectuel, social, économique et politique.

« Cela étant dit, je ne soutiens pas le système politique américain qui permet à certains individus de donner 50 ou 100 millions pour des campagnes électorales, ce qui, à mon avis, est antidémocratique. »

Lorsqu’on lui fait remarquer que des études indiquent qu’au-delà d’un certain seuil, l’argent ne rend pas plus heureux ou motivé à travailler, il soutient qu’il en va différemment dans le monde financier. « C’est une question de valorisation. Les gens s’évaluent en partie en fonction de leur catégorie de revenus. Il ne s’agit pas seulement du titre ou du poste, mais de la rémunération. C’est une réalité du secteur», affirme Louis Vachon, ajoutant qu’il faut cependant avoir une vraie passion pour le métier, sinon «ce sera difficile».

Les reportages périodiques dans les médias sur la rémunération des patrons lui apparaissent également comme un mal nécessaire. « Cela fait partie du travail. Il ne me semble pas qu’il s’agisse d’une perception journalistique mais plutôt d’une obsession journalistique », dit-il.

« Les gens regardent beaucoup les chiffres, mais tout le monde n’essaie pas de les comprendre. Il n’y a pas suffisamment de liens établis entre performance et rémunération dans les discours. Cependant, les indices de référence et de performance contiennent de nombreuses informations concernant la rémunération divulguée. »

Les plafonds de primes introduits dans les États membres de l’Union européenne il y a dix ans, pour tenter d’empêcher le type de comportement qui a conduit à la crise financière mondiale de 2008 et au sauvetage des prêteurs par les contribuables, sont loin de l’avoir impressionné.

« Personne n’a suivi cela nulle part ailleurs dans le monde. D’une part, parce que les gens ont immédiatement essayé de trouver des moyens de contourner ces règles. Et d’autre part, parce que plusieurs raisons pourraient expliquer pourquoi le système bancaire européen a massivement sous-performé au cours des 15 dernières années. Les taux d’intérêt négatifs en sont probablement la principale explication. Mais le plafonnement des rémunérations incitatives n’a certainement pas aidé. »

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PHOTO PATRICK SANFAÇON, LA PRESSE

Louis Vachon est maintenant administrateur de sociétés et associé chez JC Flowers & Co, une société d’investissement new-yorkaise.

Imposer des limites aux rémunérations dans le secteur privé revient, selon lui, à ralentir la création de richesse.

« La redistribution des richesses pour réduire les inégalités sociales passe par la fiscalité. »

M. Vachon ajoute toutefois qu’il y a une limite à « taxer » les gens, même les plus fortunés.

Louis Vachon dit avoir accepté de collaborer avec La presse pour ce numéro spécial parce qu’il faut s’occuper des médias économiques au Québec. « Nous n’avons pas la masse critique dont jouissent les États-Unis, l’Angleterre ou même le Canada anglais. Le moins que vous puissiez faire en tant que membre du monde des affaires lorsque quelqu’un vous demande un peu d’aide est d’accepter », dit-il.

Dans sa consommation de contenu médiatique québécois, il dit rechercher un équilibre entre les « pour et les contre » du monde des affaires, équilibre qu’il peine à trouver. « Radio-Canada et Devoir sont assez tournés vers la gauche. Le Journal de Montréal se consacre massivement aux enquêtes. Une couverture équilibrée du monde des affaires a beaucoup à voir avec La presse. Il n’y a pas que des escrocs dans le monde des affaires. Il faut un portrait équilibré », dit-il.

Et lorsqu’on lui demande comment la population perçoit selon lui l’environnement des affaires, il répond qu’il y a des phases.

« Nous avons tous été des héros dans les années 1980 avec l’émergence de Québec Inc. Puis il y a eu les années 1990, une époque où le mouvement syndical avait beaucoup d’influence dans la province. Toutefois, la popularité des gens d’affaires a augmenté au cours des 10 à 20 dernières années. »

Il soutient que le monde des affaires a plus d’influence auprès du gouvernement caquiste de François Legault parce que le milieu des affaires est plus représenté. « Il existe au moins l’impression que les gens nous écoutent et nous comprennent, contrairement à d’autres gouvernements où le monde des affaires était sous-représenté. Pour assurer la pérennité de la société francophone au Québec, il faut une communauté d’affaires forte. Ce n’est pas seulement une question de centimes et de dollars. C’est aussi une question linguistique et culturelle. »

Lorsqu’on lui demande s’il faut accorder plus de place aux hommes d’affaires dans la sphère publique, il répond que cela dépend de la place que les gens veulent occuper. « Il y a des gens qui hésitent à prendre leur place parce qu’ils ont le sentiment que les médias sont partiaux à leur encontre », dit-il.

Qui est Louis Vachon?

  • PDG de la Banque Nationale pendant 14 ans, de 2007 à 2021. Sous sa direction, la capitalisation boursière de l’organisation est passée de 10 milliards de dollars à 32 milliards de dollars.
  • Le rendement total des actions de la Banque Nationale a été le meilleur du secteur bancaire au pays entre 2007 et 2021.
  • Il est maintenant administrateur de sociétés et associé chez JC Flowers & Co, une société d’investissement new-yorkaise.
  • Représentant la famille Molson au conseil d’administration du Groupe CH, il est également membre des conseils d’administration d’Alimentation Couche-Tard, de BCE et de la banque américaine CFG.
 
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