qui sont les grands gagnants et les perdants du système fiscal actuel ? – .

qui sont les grands gagnants et les perdants du système fiscal actuel ? – .
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Par Raphaël Lardeur
Publié le

27 avril 24 à 10h12

Fiscalité, et aides sociales. La campagne pour compléter sa déclaration de revenus a été lancée en grande pompe par Bercy, jeudi 11 avril 2024. Et déjà, la douce musique et les interminables râles autour de ce prélèvement annuel reprennent. Faut-il l’augmenter, le diminuer, l’ajuster, voire le supprimer ?

La France serait l’un des pays les plus taxés au monde, deuxième derrière le Danemark selon les chiffres publiés par l’OCDE. Le système fiscal français, censé garantir une redistribution des richesses, devrait en théorie préserver l’équité entre les contribuables. Qu’est-ce que c’est vraiment ? A l’heure où règne le sentiment d’injustice fiscale, notre système est-il à bout de souffle ? Quelles recommandations pour l’améliorer ? À qui profite-t-il le plus ?

Anatomie d’une jungle fiscale avec deux économistes aux idées opposées. Léon Charles, maître de conférences en économie à Rennes 2 et membre des Economistes Atterés, collectif créé en 2010 pour « proposer des alternatives aux politiques d’austérité ». Et Philippe Creveléconomiste et directeur du Savings Circle et Lorello.

Léo Charles et Philippe Crevel (©DR)

- : Question simple, à qui profite le plus le système fiscal actuel ?

Philippe Crevel : Aux plus modestes, très clairement. Il faut comprendre et aborder la fiscalité dans son ensemble : c’est-à-dire avec la question des impôts et celle de l’ensemble des cotisations sociales. La France possède l’un des systèmes fiscaux les plus élevés de la zone OCDE, supérieur à environ 45 % du PIB (Produit intérieur brut).

Notre système garantit une certaine équité.

Philippe Crevel

Réaliser, les dépenses de protection sociale (dépenses liées à handicap, chômage, maternité, etc. NDLR) représentent à eux seuls un quart du PIB. C’est beaucoup.

En France, il existe une forte tradition de dépenses publiques. Avant les impôts, la répartition des aides et autres, les inégalités économiques sont fortes dans ce pays. Après la redistribution, la France est devenue l’un des pays les plus égalitaires d’Europe.

Léon Charles : Dans le pays, on cherche à limiter les inégalités avec la redistribution et les services publics et non avec les revenus. C’est pourquoi le revenu moyen des 10 % des individus les plus riches est 13 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres.

Mais au final, grâce à la redistribution et aux services publics, ce ratio n’est que de trois.

La fiscalité en France atteint ses objectifs : près de 60 % des ménages reçoivent plus d’argent qu’ils n’en donnent.

Léon Charles

Ce succès ne doit pas faire oublier de très grandes différences en termes de détention de patrimoine. Dans notre fiscalité, cette dernière est très mal taxée et contribue à l’augmentation massive des inégalités dans notre pays.

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Proportionnellement, qui paie le plus d’impôts ?

Léon Charles : Concernant l’ensemble des prélèvements obligatoires (impôts et cotisations sociales), le système fiscal français est plutôt progressif jusqu’aux 10% les plus riches de la population. Le système devient alors régressif, en particulier pour les 1 % les plus riches et au-delà.

Impôt progressif ou régressif, quelle est la différence ?

Un impôt progressif signifie que plus le salaire est élevé, plus le taux d’imposition est élevé. A l’inverse, le système fiscal devient régressif lorsque ce taux diminue alors que les revenus augmentent. En France, au-delà d’un certain point, les ultra-riches bénéficient donc de ce système, et paient proportionnellement moins d’impôts que la classe juste en dessous de la leur.

Pour quoi ? Nous devons examiner la composition des revenus des ultra-riches. Proportionnellement, ils paient moins de cotisations sociales puisque leurs revenus proviennent du capital (comme les dividendes, les loyers perçus, les intérêts financiers, NDLR) et non du travail.

Les ménages les plus riches paient en réalité moins d’impôts que les classes moyennes. Le taux d’imposition est de 46% pour les 0,1% les plus riches et de 26% pour les 0,0002%, les milliardaires !

Ensuite, il y a la TVA, cet impôt proportionnel : comportant un taux unique quel que soit le revenu. Encore une fois, les plus pauvres paient davantage. Ainsi, pour les 10 % des Français les plus pauvres, le taux d’effort est 3,5 fois supérieur à celui des 10 % les plus riches.

Philippe Crevel : Le système fiscal est assez progressif. Pour 99,5% de la population, elle est même fortement progressiste. 10% des ménages les plus riches financent 75% du montant total de l’impôt sur le revenu : c’est un beau symbole ! Il y a encore des inégalités. Le taux d’imposition moyen baisse significativement pour les 0,1 % des Français les plus riches. Ce qui représente près de 35 000 foyers en France.

Le sentiment d’injustice fiscale règne. Il existe un discours assez démagogique et populiste sur les riches sur notre territoire.

Le plus riche est l’autre, c’est toujours celui-là qu’on montre du doigt.

Sur la TVA, oui, les ménages les plus pauvres paient proportionnellement plus. Mais cet impôt représente 200 milliards d’euros de recettes brutes pour l’État pour financer les services publics et rendre ce système plus équitable. C’est très français de croire que les classes moyennes paient sans jamais rien recevoir.

La redistribution est-elle équitable ? Est-ce que cela profite à tout le monde de la même manière ?

Philippe Crevel : La redistribution est assez efficace. D’un point de vue statistique, les inégalités sont faibles. Au niveau individuel : le ressenti est complètement différent. Certains Français disent ne rien recevoir, d’autres disent payer trop d’impôts. Malaise.

Le système de redistribution n’est pas assez transparent. En outre, beaucoup ne peuvent pas s’en sortir, ni même vivre dignement, sans être aidés. Pour les 10 % des Français les plus pauvres, les aides représentent plus des deux tiers de leurs revenus. Ce système est une vanne, un dispositif de sécurité, mais aussi une usine assistée.

Ce système est une vanne, un dispositif de sécurité, mais aussi une usine assistée.

Philippe Crevel

Léon Charles : 57 % des Français reçoivent plus que ce qu’ils paient, y compris les prestations sociales et les services publics. Mais la redistribution n’est pas égale selon les niveaux de revenus.

Ainsi, 85 % des plus pauvres sont des bénéficiaires nets de la redistribution, contre 49 % autour du revenu médian ou 13 % pour les plus riches.

Et encore une fois, la redistribution ne corrige pas les inégalités de richesse qui sont aujourd’hui déterminantes pour expliquer le creusement des inégalités en France.

Léo Charles

Comment améliorer le système fiscal ?

Léon Charles : Il faut reconstruire un consensus autour de la fiscalité, c’est une des bases de la vie en société. Les classes moyennes ne doivent plus avoir ce sentiment de payer pour les autres ou trop cher pour des services publics qui se dégradent.

Nous devrions investir dans la bifurcation écologique et dans des services publics de qualité.

Léo Charles

Cela nécessite un système fiscal plus juste : tous les revenus doivent être imposés progressivement à l’impôt sur le revenu. Veiller aux niches fiscales qui nous coûtent aujourd’hui environ 90 milliards d’euros par an. Et qu’en est-il de l’évasion fiscale qui représente un manque à gagner de 80 à 120 milliards d’euros par an ? Si l’Etat s’en donne les moyens, on pourrait récupérer une partie de ces sommes.

À court terme, nous devons imposer une taxe sur les super-profits des entreprises qui ont profité de la crise pour s’enrichir et enrichir leurs actionnaires. Cela pourrait rapporter entre 4,5 et 15 milliards d’euros. On peut aussi imaginer le rétablissement d’un ISF rénové qui pourrait nous rapporter entre 5 et 10 milliards d’euros par an.

Philippe Crevel : La fiscalité est une matière vivante qui doit évoluer en fonction de la société et de l’économie. Avant, l’État taxait les portes et fenêtres. Des objets réels et donc faciles à imposer. L’administration taxait le sel parce que la société en avait besoin pour conserver les aliments. Dans une société de consommation, nous sommes passés à la TVA. Les salaires devaient également être imposés.

Aujourd’hui, nous sommes dans une société de services et numérique. Il faut inventer les impôts du 21ème sièclee siècle. Et nous ne l’avons pas encore fait.

Nous devons mieux taxer les géants du numérique et les données.

Philippe Crevel

C’est la matière première de notre siècle.

Quand le Premier ministre Gabriel Attal dit qu’il « veut taxer la rente », c’est vraiment une mauvaise formule. La rente doit être supprimée. Par essence, la rente est quelque chose de dysfonctionnel, qui place certains dans une position de domination. Je suis libéral, je veux que l’argent circule. La rente signifie moins de croissance. Moins de croissance signifie moins de revenus, et finalementc’est moins de revenus pour équilibrer les comptes publics.

Quel bilan tirez-vous des sept années de politique fiscale d’Emmanuel Macron ?

Léon Charles : Sa politique peut se résumer assez simplement : réduire les impôts des ménages les plus riches et des grandes entreprises. En France, les revenus du travail sont moins imposés que les revenus du patrimoine. Et pourtant, le gouvernement continue de promouvoir le travail dans ses discours. C’est contradictoire!

C’est avant tout l’affirmation d’une ligne politique : la croyance au ruissellement. « Je taxe moins les riches et cela profitera à l’ensemble de l’économie. ” Ça ne marche pas.

Emmanuel Macron persiste dans sa logique, celle de privilégier les plus riches.

Léo Charles

Une étude de l’OFCE, publiée en février 2023, montre que les différentes réformes fiscales d’Emmanuel Macron entre 2017 et 2020 ont principalement profité aux plus riches.

Philippe Crevel : On ne peut pas dire qu’Emmanuel Macron n’est pas cohérent. Dès le début, il a assumé la responsabilité de ses choix. Il a fait le pari de favoriser l’offre, d’encourager l’épargne avec la fin de l’impôt sur la fortune (ISF), et sur les produits financiers avec l’instauration d’un prélèvement forfaitaire unique de 30 %. Cet impôt créé suite à la loi de finances 2018 pour les revenus de l’épargne et du capital hors immobilier. L’objectif? Simplifier et réduire la fiscalité.

Ce ne sont pas des mesures populaires, mais il l’a fait et il n’est pas revenu en arrière. Il voulait rendre le pays attractif, favoriser l’orientation du capital vers les entreprises. Et tout cela sans augmenter les impôts. Ce n’était pas le cas de François Hollande, Nicolas Sarkozy ou Jacques Chirac.

Pourtant, je pense qu’il a manqué de courage lors de son premier mandat. Pourquoi a-t-il réduit l’impôt sur le revenu après l’épisode des gilets jaunes ? C’était démagogique et ces mesures ont creusé le déficit.

Propos recueillis par Raphaël Lardeur.

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