Leçons de la situation économique des Overseas Emission Institutes

Il s’agit d’un rendez-vous traditionnel organisé chaque année par les Instituts d’émissions d’Outre-mer, au printemps depuis Paris, avant de passer la main aux antennes locales qui élaboreront le point économique annuel propre à chaque géographie. Et comme à leur habitude, Ivan Odonnat, président-directeur général des Instituts, et Stéphane Foucault, directeur, décryptent cette masse économique d’outre-mer, qui balaie les chiffres de l’année dernière tout en offrant ses enseignements et perspectives économiques à court, moyen et long terme. .

Du général au particulier, Ivan Odonnat part du contexte international qui influence naturellement le local. ” L’année dernière a été marquée par l’apaisement des tensions sur les prix de l’énergie et les chaînes d’approvisionnement mondiales, mais aussi par l’impact d’un resserrement monétaire sans précédent, renchérissant le coût du crédit. “, il explique. A ” ces chocs externes ” ont été ajoutés ” des chocs spécifiques à chaque territoire d’outre-mer, liés à ses vulnérabilités économiques, sociales ou météorologiques « .

On cite entre autres : les fortes saisons cycloniques aux Antilles et à la Réunion, la faillite d’Air Antilles et d’Air Guyane, la hausse de la criminalité en Guyane, la crise de l’eau à Mayotte, confrontée elle aussi à la crise migratoire et sécuritaire, la crise du nickel. en Nouvelle-Calédonie, dans un contexte politique encore incertain ou, le changement de majorité et de gouvernement en Polynésie suite aux élections territoriales de mai dernier.

Baisse généralisée de l’inflation

Première leçon, première bonne nouvelle. Les tensions sur les prix de l’énergie se sont atténuées à l’échelle mondiale, sans revenir aux niveaux d’avant-covid. L’alimentation reste cependant sensible, comme en témoigne le prix du riz usiné, toujours à 600 dollars la tonne contre 400 en 2019. Le coût du fret a également baissé, revenant aux niveaux d’avant le covid, même si une nouvelle augmentation est attendue. à noter début 2024, en lien avec les conflits au Moyen-Orient et les tensions en mer Rouge. Mais tout de même, le contexte international profite aux territoires où « comme en France, l’inflation a nettement baissé en 2023, passant d’environ 5 % en décembre 2022 à 2,5 % en décembre 2023 « .

Localement, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie se situent sous la barre des 2%, l’objectif d’inflation fixé par la BCE. Les deux communautés du Pacifique Sud flirtent même avec une inflation annuelle de 0 %. Deux raisons : des politiques internes de gel des prix des hydrocarbures par exemple, ou un approvisionnement plus diversifié, venant à la fois de France et d’Asie-Pacifique. Les territoires de la zone euro se situent dans une fourchette comprise entre 2 et 4% d’inflation. Seuls Saint-Pierre et Miquelon et Wallis et Futuna ont du mal à dépasser la barre des 6% d’inflation. Mais hormis Wallis et Futuna, toutes les courbes sont descendantes.

Une baisse qui rebondit mécaniquement sur la hausse du coût des crédits aux ménages. Les dirigeants des Instituts rappellent que ceux-ci avaient été abaissés entre 2019 et 2022, pour aider les ménages à se contracter en période de crise, que ce soit sur les crédits à la consommation à court terme ou sur les crédits au logement, davantage à moyen terme. À mesure que l’inflation diminue, les coûts du crédit augmentent. Et si l’évolution des paiements par carte bancaire reste dynamique, elle apparaît moins significative qu’entre 2021 et 2022.

Le climat des affaires contrasté

Autre indicateur important : le climat des affaires. Pour l’IEDOM et l’IEOM, c’est « dégradé ” mais ” résilient ” Et ” au niveau de sa moyenne » depuis longtemps, soit 100. La Guyane et la Nouvelle-Calédonie se situent nettement en dessous de cette moyenne, comme la France, sans toutefois donner lieu à un indicateur alarmant. L’indicateur du climat des affaires à Mayotte, bien qu’il reste au-dessus de la barre des 100, est en chute libre depuis mi-2023 – toujours en raison des chocs exogènes et endogènes évoqués plus haut. Il apparaît stable à la Réunion et en Guadeloupe, et en hausse en Martinique et en Polynésie, la communauté du Pacifique affichant le meilleur indicateur en Outre-mer, à près de 110.

Croissance de l’emploi mais…

Quant à l’emploi salarié, les chiffres sont globalement en hausse. Au quatrième trimestre 2023, le nombre de salariés du secteur privé par rapport à la même période en 2022 a augmenté en Guadeloupe (+539), en Guyane (+887), à la Réunion (+2337), en Nouvelle-Calédonie (+626). ) et en Polynésie (+1628) – pour les deux communautés du Pacifique, les chiffres sont basés sur le 3ème trimestres 2023 et 2022 et pour la Polynésie, il concerne aussi bien le secteur public que le secteur privé. Seule la Martinique affiche une baisse de 305 emplois salariés dans le secteur privé. Deux raisons possibles : la lenteur de l’évolution démographique et le transfert des salariés vers le public.

…difficultés à recruter

Paradoxalement, les difficultés de recrutement se sont intensifiées dans les DROM de la zone euro, une leçon également partagée en France. La part des recrutements difficiles se situe entre 40 et 60 % en 2023, quand ce chiffre était de 25 à 30 % en 2017. Et de ce fait, le taux de chômage reste élevé en Outre-mer : légèrement en dessous de 20 % en Guadeloupe et à la Réunion, supérieur à 15 % et en augmentation en Guyane, nettement supérieur à 10 % en Nouvelle-Calédonie et en Martinique, et inférieur à 10 % en Polynésie française. Ici, la courbe enregistre une baisse continue depuis 2020, se rapprochant du taux de chômage de France métropolitaine.

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Sur les encours de crédits d’investissement aux entreprises, l’IEDOM et l’IEOM constatent une stabilisation, voire une hausse, notamment en Polynésie, depuis la fin de la pandémie et grâce aux excellents chiffres du tourisme en 2022 et 2023. Yvan Odonnat prévient cependant : les investisseurs privés semblent avoir fait preuve de retenue en 2024, observant une forme d’attentisme à l’égard de la politique fiscale du gouvernement. Sur les crédits d’exploitation, ceux-ci ont diminué sous l’effet du remboursement des PGE et de la hausse des taux d’intérêt.

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Enfin, sur les faillites d’entreprises, les Instituts avaient déjà fait un point économique sur ce sujet à la mi-mars. Le constat quelques semaines plus tard est sans surprise le même : les échecs se multiplient nettement dans tous les territoires, sauf en Polynésie française, là encore, grâce aux bons chiffres du tourisme. ” Ces tensions sont principalement marquées dans les secteurs de la construction et du commerce, où elles s’accompagnent d’une érosion de la main d’œuvre employée. « . Les Instituts prédisent une année 2024 plus difficile en Guyane, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie », où les modalités de sortie de crise du secteur du nickel sont encore incertaines « . Pour ces trois territoires, « les chefs d’entreprise s’attendent même à une baisse de l’activité tous secteurs confondus « .

Approvisionnement auprès des bassins régionaux

Pour conclure, les Instituts préconisent en premier lieu de renforcer l’investissement productif, notamment privé, dans les territoires d’outre-mer, ces « économies petites, ouvertes mais particulièrement dépendantes « . Et sur la dépendance, comme l’année dernière, Ivan Odonnat appelle à axer particulièrement les investissements sur la transition énergétique, alors que les territoires d’outre-mer sont encore majoritairement dépendants des énergies fossiles. Un chiffre vertigineux : entre 1991 et 2021, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 64,4 % dans les DROM et de 91,8 % dans les COM, alors qu’elles ont dans le même temps diminué de 25,4 % dans l’Hexagone.

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Autre dépendance à atténuer : l’offre. Si les communautés du Pacifique et de Saint-Pierre et Miquelon disposent de sources d’approvisionnement plus diversifiées, avec une part importante provenant des pays d’Asie et d’Océanie, les DROM restent très dépendants de la France, à plus de 50 % à La Réunion, Mayotte, l’Ouest. Indes et Guyane. Cela pousse les dirigeants des Instituts à appeler les territoires à se tourner vers leurs voisins, pour qui « L’outre-mer représente un marché d’exportation potentiel « . Autres recommandations : accélérer la transformation numérique, mener à bien les discussions engagées sur l’octroi de mer et les délais de paiement, investir dans la formation, libérer des terrains, mener à bien les projets de transports ou encore réduire la précarité.

 
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