« Je paie tout en cash, même mes factures »

Alors que l’utilisation de l’argent liquide a diminué au point où 6 % des centres de services Desjardins n’en ont même plus, une véritable bataille se déroule entre les commerçants qui le refusent et ceux qui l’acceptent. La Revue se penche sur cet enjeu qui touche le portefeuille des Québécois.

Ces derniers jours, La Revue a indiqué qu’il pourrait être plus difficile de transporter 2 000 $ en espèces en raison d’une nouvelle disposition de la loi.

Mais qu’en est-il sur le terrain quand on sait que le volume des transactions en espèces a chuté de plus de 59 % en sept ans, selon Paiements Canada, et qu’à peine 8 % des commerçants n’acceptent que du liquide dans leurs magasins physiques l’an dernier, selon la Banque du Canada?

Fourni par Paiements Canada

Pour Gilles Grisé, 75 ans, résident de Blainville, pas question de s’en passer.

« Je paie tout en liquide, même mes factures. Une fois par semaine, je viens encaisser mon chèque de pension», murmure-t-il.

« Je paie toujours en espèces, peu importe où je vais, comme au restaurant. J’arrive toujours à avoir 100 $ en poche », ajoute-t-il.

L’argent liquide est-il en train de disparaître ? Une quarantaine des 660 (6 %) centres de services Desjardins sur 660 (6 %) n’en ont plus pour offrir des produits et des conseils.

Photo Francis Halin

« Il n’est pas question que je travaille pour les banques. Je travaille à mon compte et je ne vois pas le jour où cela changera», s’insurge Vincent Beck, copropriétaire de Kem Coba, Glaces et Sorbets, une institution du Mile-End.


Vincent Beck, copropriétaire de Kem Coba, Glaces et Sorbets, une institution de la rue Fairmount Ouest, dans le Mile End. Photo : Martin Jolicoeur

Photo Martin Jolicoeur

Cet immigré d’origine française ne s’en cache pas. Sur le trottoir menant à son commerce, des affiches préviennent que chez lui, tout se fait en cash.

«Ça a toujours été comme ça. Nous sommes ici depuis 14 ans », dit-il.


Baisse des transactions en espèces : « Je paie tout en liquide, même mes factures »

Sur le trottoir du Kem Coba, dans le Mile End, des affiches préviennent les clients. Photo : Martin Jolicoeur

Photo Martin Jolicoeur

Wilensky, la légendaire sandwicherie fondée en 1932 à Montréal, n’avait jamais permis le paiement électronique avant la pandémie. Mais la crainte de certains clients de manipuler du liquide a convaincu son propriétaire de tenter l’expérience, pour la carte de débit uniquement.

« Le système de débit est moins cher que le crédit pour le commerçant. Et nous avons remarqué que c’est plus fluide au comptoir », observe sa propriétaire, Sharon Wilensky.


Baisse des transactions en espèces : « Je paie tout en liquide, même mes factures »

Sharon Wilensky, propriétaire de la sandwicherie Wilensky, une institution fondée par son père en 1932, située au coin de la rue Fairmount Ouest et de la rue Clark, dans le Mile End, à Montréal. Photo Martin Jolicoeur

Photo Martin Jolicoeur

“Mais même si le paiement par carte de débit est désormais autorisé, je dirais qu’entre la moitié et les deux tiers de nos clients continuent de payer en espèces”, poursuit-elle. […] Nos clients de longue date y sont habitués. C’est très drôle.

Envahi par les cartes

Au Complexe Desjardins, Jean-Pierre Mercier, président et propriétaire de troisième génération de la boutique Géo Mercier, vit le contraire.

« Nous réalisons à peine 10 % de nos ventes en cash. Avant, nous faisions un dépôt par semaine, nous n’en faisons qu’un maintenant », dit-il.


Baisse des transactions en espèces : « Je paie tout en liquide, même mes factures »

Jean-Pierre Mercier, président et propriétaire de la boutique Géo Mercier, constate que ce sont principalement les touristes de passage qui paient comptant.

Photo Francis Halin

« Il y a un an, c’était 20 à 30 %. Ça descend. Aujourd’hui, les gens achètent des articles de voyage pour 2,99 $ et paient avec la carte. Nous y avons associé des coûts», explique celui qui vend des sacs à dos et des sacs de voyage depuis 1920.

À quelques pâtés de maisons, un propriétaire de friperie du quartier vit la même chose.

« Je dirais que facilement 90 % de mes clients n’ont pas d’argent en poche. Souvent même pas de carte bancaire, pour les plus jeunes. Ils me paient directement avec leur téléphone portable », conclut-il.

-Avec la collaboration de Julien McEvoy

Points forts

Les transactions en espèces ont atteint 10 % du volume total des transactions de paiement, surtout pour les transactions de faible valeur, dont la moyenne est de 29 $, selon Paiements Canada.

Nous ne jurons que par les transferts

Plus de neuf jeunes sur 10 effectuent au moins un virement Interac par mois au Québec, révèle un sondage Léger d’avril 2023. Si les jeunes ont adopté l’argent virtuel, les plus âgés sont aussi dans le train, quoique dans une moindre mesure. Seulement 71 % des baby-boomers (60 à 78 ans) ont échangé de l’argent par virement Interac au cours de leur vie. Le Canada a atteint le cap du milliard de transferts en 2023.

Virements Interac au Québec
  • 2018 : 76 millions de transferts (+ 55 %)
  • 2019 : 107 millions de transferts (+ 40 %)
  • 2020 : 155 millions de transferts (+ 45 %)
  • 2021 : 206 millions de transferts (+ 32 %)
  • 2022 : 220 millions de transferts (+ 11 %)
  • 2023 : 220 millions de transferts
Virements électroniques Interac au Canada
  • 2018 : 347 millions
  • 2019 : 485 millions
  • 2020 : 705 millions
  • 2021 : 937 millions
  • 2022 : 1,04 milliard
  • 2023 : 1,03 milliard

Source : Interac

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