Traumatisée par une attaque de loup, l’Autrichienne Renate Pilz préfère « arrêter d’élever des moutons » plutôt que de revivre la même nuit « cauchemardesque », une tendance qui a poussé les autorités à sortir les armes, au grand dam des écologistes.
L’année dernière, « j’ai perdu deux brebis et deux agneaux », explique cet énergique agriculteur de 55 ans dont l’étable est entourée de forêts à Arbesbach (nord-est de l’Autriche), une région devenue le territoire de quatre meutes.
« C’est trop de travail, ce n’est plus rentable et surtout je n’ai plus du tout envie de le faire », soupire-t-elle en montrant à l’AFP des photos de ses animaux ensanglantés, mordus si gravement qu’ils ont dû être euthanasiés en urgence.
Disparu au XIXe siècle, le canidé « strictement protégé » en Europe par la Convention de Berne est aujourd’hui répertorié dans 23 pays de l’UE où sa croissance suscite de nombreuses passions.
En Autriche, il fait progressivement son retour depuis 2009. Manifestement à l’aise, il a accru sa présence ces dernières années : de 80 individus recensés en 2022, le nombre est passé à 104 cette année.
– Zones « sans loups » –
Le sujet a envahi les tabloïds du pays alpin et les réseaux sociaux cet été, provoquant des réactions d’angoisse.
Perte de valeur foncière, vaches devenues agressives : à quelques kilomètres d’Arbesbach, Gerhard Fallent, dont le troupeau a également été attaqué, n’en finit plus de décrire les graves nuisances qu’il estime causées par l’apparition du prédateur.
« Ce sont des exploitations familiales qui ferment », dénonce le sexagénaire, fondateur d’une association qui réclame une « régulation massive des populations de loups » partout où « les gens séjournent et travaillent », dans des paysages « loin d’être sauvages », mais au contraire « façonnés par le pastoralisme ».
Des voyages scolaires ont même été annulés, déplore-t-il, et le bus scolaire dépose les élèves à la maison depuis un an à la suite d’un incident.
« Nous voulons que nos enfants puissent retourner jouer dans les bois et retrouver la vie comme avant dans un endroit qui reste attrayant pour les touristes », explique M. Fallent.
– Protection obsolète –
Il cite en exemple plusieurs régions du sud et de l’ouest où les fusillades autorisées depuis 2022 ont considérablement réduit le nombre d’attaques.
En Carinthie notamment, on considère qu’il n’existe pas d’autre solution.
« Nous avons abattu 13 loups », explique le vice-gouverneur Martin Gruber. Installer des barrières ? « Impossible » en raison de la topographie accidentée. Ce serait « gaspiller l’argent public », dit-il.
Il estime qu’avec 20 300 individus recensés l’année dernière dans l’UE, l’espèce n’est pas menacée, et il souhaite que le niveau de protection soit abaissé, qu’il juge obsolète.
À l’automne 2023, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a également appelé à un changement de statut au vu du « danger réel » que représentent ces paquets.
Les défenseurs de la nature ne sont toutefois pas de cet avis. Des associations ont contesté ces décrets et, en juillet, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que l’Autriche ne comptait pas suffisamment de loups pour autoriser leur abattage à grande échelle et qu’elle devait prendre des mesures adéquates.
– Histoires –
D’autant que le pays de 9,1 millions d’habitants constituerait un cas particulier. Situé au cœur de l’Europe, il est un terrain de convergence pour trois populations jusqu’ici isolées, originaires des Alpes, des Balkans et des plaines orientales.
« Ils ont réussi à survivre à une chasse intensive » il y a un siècle ou plus « et se propagent maintenant grâce à la protection », en commençant à se rencontrer, explique Marianne Heberlein, directrice du Wolf Science Center.
Dans ce lieu présenté comme unique au monde, à deux heures d’Arbesbach, qui dépend de l’Université de médecine vétérinaire de Vienne, les chercheurs disposent de 10 loups et 13 chiens, qu’ils peuvent comparer pour comprendre le processus de domestication.
« Nous familiarisons aussi le grand public mais de manière neutre, sans embellir » ni donner du prédateur « une mauvaise image », précise le scientifique en compagnie de trois louveteaux jouant dans un étang à l’abri du soleil.
La « peur du loup », rappelle-t-elle, « remonte loin dans l’histoire » : les conflits ont toujours existé, alimentant les « contes » racontés aux enfants.
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