Passation de relais à la tête de Saguez & Partners

Passation de relais à la tête de Saguez & Partners
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Olivier Saguez, après avoir fondé Saguez & Partners en 1998, vous passez le relais à un trio début 2024…

Olivier Saguez. J’ai construit l’agence en pensant à une école. J’ai moi-même fréquenté des écoles : l’école de Raymond Loewy, une autre école, la CLM, celle de Philippe Michel. Mais il y a eu des trous dans la raquette car le collectif demande d’exister un peu moins personnellement. Dès le début, j’ai réfléchi à ce que j’appelle l’Université Permanente. Ce n’est pas un hasard si nous avions une école de design intégrée – qui a fermé ses portes au moment du covid. Je réfléchis au transfert de l’agence depuis le premier jour pour une raison simple : ce n’est pas qu’une agence, c’est une équipe. Et l’équipe doit être plus forte que les individus. Une agence doit durer, même lorsque le fondateur n’est pas forcément là ou plus de la même manière. J’avais autour de moi une génération d’associés historiques. J’ai 69 ans, mes partenaires historiques ont 10 ans de moins que moi : Patrick Roux, Valérie Parenty, Sophie Ling et Virginie Parisot… Avec l’accélération du temps provoquée par le covid, je me suis dit : peut-on ne pas sauter une génération et donner les clés à une génération de quinquagénaires ?

Vos associés l’ont-ils entendu de cette façon ?

OS Déjà, ils restent associés. J’ai réussi à leur faire très bien entendre cette passation de pouvoir. Ils m’ont même aidé. Patrick Roux reste par exemple directeur général du groupe, et joue un rôle de coach. Je leur ai dit à tous : « Les quadras viennent de l’école Saguez. Tu ne viens pas de l’école. » L’énergie de la jeunesse est importante pour s’adapter aux réalités de la société d’aujourd’hui. Il fallait aller vers une régénération plus forte. Nous allons plus loin. Nous nous dirigeons davantage vers le futur. Ce que le covid m’a permis de comprendre, en tant que joueur d’échecs, c’est que soit on fait le coup suivant, soit on fait le coup suivant après.

Quelle sera votre implication au sein de l’agence ?

OS Je n’étais pas seulement un directeur créatif. J’étais aussi le patron. Désormais, la nouvelle équipe dirigeante doit reconstruire son agence mais je reste toujours le principal actionnaire. Ils viennent me demander mon avis, me demandent de les inspirer. Être la personne qui a du recul, de l’expérience et qui pense à demain, aux faits de société, oui ! Mais le reste, s’occuper du recrutement, etc., non ! Je vois chez Havas, Séguéla est restée dans le même environnement et est au bureau tous les jours et c’est un grand atout pour l’agence. Mais pour ma part, la meilleure façon de remplir ce rôle, c’est de ne plus être là. Je viens à l’agence trois ou quatre fois par mois, pas plus.

Quel a été le déclencheur ?

OS L’accélération, c’est vraiment le covid qui nous a obligé à travailler différemment. D’abord, nous avons rencontré des difficultés économiques : nous avons fait 30 % à l’international, qui sont tombés presque à zéro. Là-bas, nous sommes heureux car nous repartons avec de nouveaux projets, des aéroports, des grands magasins internationaux, aux Etats-Unis, au Maroc, en Europe du Nord, en Europe Centrale… Aujourd’hui, l’agence fait 37 millions de chiffre d’affaires, 19,3 millions de marge brute avec 120 salariés, Dont 71% de femmes et une moyenne d’âge de 34 ans. Le tout sur nos deux « jambes » : l’identité de marque et les implantations significatives.

Olivier, comment avez-vous préparé la passation de relais ?

OS J’ai commencé à prendre le terrain dans une période difficile, celle du covid, où les chiffres étaient compliqués, c’était tendu pour eux… Mon souci était de me dire : je ne veux pas non plus leur transmettre d’anxiété. En fin de compte, nous n’avons perdu personne en cours de route. Depuis début janvier, je suis plus d’humeur : je vous donne les clés de la voiture, vous vous débrouillez. Mais j’ai depuis longtemps un bureau à la maison qui était destiné, comme on dit. C’est un petit canot de sauvetage. Il faut trouver un point d’équilibre. Je laisse beaucoup de projets se réaliser, mais je les regarde. Je me dis parfois : tiens, tu as décidé quelque chose, je ne l’aurais pas fait comme ça, mais ce n’est pas bête ! En gros, ils font du Saguez sans Saguez…

Boris Gentine. Lâcher prise a permis à Olivier de trouver du temps pour voyager, etc. Je pense qu’on a vraiment eu le temps d’insuffler par cœur cette approche propre à l’agence, qui consiste à réaliser des projets qui ne sont ni dans la mode ni dans l’air du temps mais là durer. Les modes passent et le style reste…

OS C’est mon expérience qui est intéressante. C’est mon sens de l’observation. J’ai le temps. Pour le moment, je vois le pays. J’ai fait un voyage qui m’a énormément inspiré : Singapour. Je voulais voir l’urbain, mélangé à la nature, et à ce titre, Singapour est dix fois plus innovante que les villes américaines. Singapour est le Los Angeles de l’Asie du -Est !

Comment les rôles seront-ils répartis au sein de la nouvelle équipe dirigeante ?

OS La nouvelle direction est composée de trois associés. Boris Gentine est directeur général de la création, Pierre-Olivier Pigeot, directeur général conseil, et Thibault Saguez, directeur général de la stratégie, du développement et des investissements.

BG Je vais plutôt incarner la partie création. J’ai fait l’école Boulle comme Olivier. J’ai rejoint l’agence en 2000 et j’ai commencé à travailler sur des sujets de design global. Je ne pensais pas rester aussi longtemps mais plus de 20 ans plus tard, je suis toujours là. A mon arrivée il y avait 15 personnes, aujourd’hui ils sont 120. L’agence a toujours évolué sur ses marchés. En 20 ans, la démarche n’a plus jamais été la même. On dit que les chats ont sept vies, mais je pense que j’en avais peut-être dix à l’agence.

Pierre-Olivier Pigeot. Pour ma part, j’ai fait des études de commerce : je suis diplômé du groupe Essec. Je m’intéressais aux carrières de conseil et de création sans vraiment savoir ce que je voulais faire. Je suis arrivé presque à la fin de mes études, j’avais eu une expérience dans la mode, chez Agnès B.. Comme Boris, je ne pensais pas rester aussi longtemps. Pourquoi suis-je ici après 20 ans ? L’agence permet vraiment, je pense, de se réaliser, de réaliser des projets entrepreneuriaux, de développer des activités, des métiers. Olivier et les associés historiques ont toujours été très attentifs et ont laissé beaucoup de place à tous ceux qui avaient des idées. Je ne me suis jamais ennuyé au sein de l’agence qui a connu des cycles très différents et évolutifs.

Thibault Saguez. Je suis Saguez de naissance, mais le petit dernier de l’agence Saguez ! Je suis arrivé en 2017. Ce qui m’a beaucoup impressionné au sein de l’agence, c’est qu’il y a une très forte pérennité des personnes et de tout le management : entre 15 et 20 ans. J’ai eu un parcours hybride entre HEC et une formation universitaire : philosophie et histoire. J’ai participé au programme Phénix qui a recruté des Master 2 issus des sciences humaines dans de grandes entreprises, Danone, HSBC, Renault et Price [PwC]. J’ai choisi PwC car je trouvais qu’il y avait une bonne association entre l’esprit ultra-compétitif du cabinet d’audit et de conseil américain et l’art de vivre à la française. Ces entreprises ont aussi un certain talent pour garder les meilleurs. Nous essayons ici de l’appliquer, notamment à travers des formations continues dispensées par des managers sous forme de mentorat : Pecha Kucha [bavardage, en japonais]des séances de partage mensuelles sous forme de petits stand-ups.

Comment est structurée votre gouvernance ?

TS C’est un trio où chacun est directeur général, aux expertises complémentaires. Nous partageons un certain nombre de sujets transversaux mais nous sommes ensuite trois à prendre toutes nos décisions ensemble dans des délais très serrés. Quand c’est Olivier, il décide seul et vite. Nous faisons tout tous les trois pour éviter l’inertie, car nous sommes très réactifs dans nos décisions, elles ne prennent pas trois fois plus de temps. Nous travaillons ensemble depuis de nombreuses années.

POPULAIRE. En réalité, le trio est opérationnel depuis janvier 2020 mais nous avons aussi eu besoin de ce temps pour discuter entre nous : comment se coordonner ? Quelle est notre feuille de route ?… Nous sommes très alignés sur nos envies et notre exigence de répondre rapidement aux problèmes qui se posent à l’agence. Notre spécificité est que nous ne sommes pas une direction générale déconnectée. Nous conseillons nos clients et chacun de nous a des projets que nous suivons. Cela nous permet de garder un pied dans le vif du sujet tout en continuant à faire fonctionner l’agence.

TS Les partenaires historiques ont construit une marque qui s’appelle Saguez & Partners et il faut rester sur le chemin tracé et le renforcer. C’est une maison de qualité, à l’image de la maison LVMH, avec la passion du travail bien fait… Nous entendons aussi être une référence en matière de développement durable. À cet égard, notre matériauthèque est l’un de nos meilleurs arguments !

POPULAIRE. On est vraiment dans cette culture de transmission, pas d’éviction. Je ne sais pas à qui on passera un jour le relais. En attendant, comment former les gens ? La force de l’agence, c’est d’y être parvenu.

Olivier, quelle vision du design inculquez-vous à vos équipes ?

OS Tout d’abord, n’oublions pas l’importance du ROI dans nos métiers. Le mot design a un double sens. C’est d’abord penser à l’usage et donc au service de l’utilisateur, la fonctionnalité. Mais nous ne sommes pas des décorateurs. Nous ne sommes pas des directeurs artistiques. Nous sommes des créateurs ! Nous répondons à une commande et derrière elle, il y a forcément un objectif business dans toutes nos missions. Le design ne consiste pas à être joli. Nos défis sont des défis commerciaux. Autre point crucial : de nombreuses marques vont disparaître à cause d’une question de différenciation, qui est l’un des enjeux majeurs du futur quand chacun se dit éthique, responsable…

Quelle sera l’actualité de l’agence en 2024 ?

BG Nous sommes en train de développer un partenariat aux États-Unis avec une agence à New York qui s’appelle Dash, le partenariat s’appelle donc Saguez & Dash. C’est une agence de 25 personnes qui réalise des hôtels et des résidences seniors.

TS Nous allons travailler avec le Ritz, Kronenbourg, Thales… Nous avons également un gros projet pour Michelin, ainsi que sur l’identité de marque d’un grand cabinet de conseil international français. Des projets souvent stratégiques gérés de très près par la direction générale. Nous sommes une agence premium, nous sommes plus chers que beaucoup d’autres agences et nous l’assumons. Car faire appel à l’agence, ce n’est pas dépenser son argent, c’est investir dans sa marque. Mais nous nous situons toujours au niveau humain. Nous serons toujours du côté du peuple.

POPULAIRE. Nous travaillons pour une grande variété de clients, du commerce de détail aux transports en passant par l’éducation sanitaire. Mais nous avons la chance que la plupart de nos nouveaux budgets soient reçus, et nous nous réservons également le droit de dire non.

Quelle est la journée type d’Olivier Saguez aujourd’hui ?

OS Je m’occupe de la Fondation Saguez, qui s’occupe du design durable et inclusif. Je rencontre des gens, par exemple, je suis allé voir le maire de Saint-Gervais pour comprendre comment il a réussi à transformer sa ville. Avant, je l’aurais vu entre deux coups de téléphone, maintenant je peux prendre mon jour de congé, je peux aller plus loin. Je veux toujours apprendre. J’ai encore plein de voyages de prévus, très axés sur mes thématiques d’adoption : la santé, la nature dans le monde vivant. Intellectuels, je peux lire leurs livres puis les rencontrer… Nous sommes des gens qui ont toujours envie de trouver du désir, du sens. En quoi suis-je utile ? Le travail du design ne consiste-t-il pas à créer quelque chose de beau et d’utile ? La quête de votre métier est aussi la question de votre utilité sur Terre. Donc j’ai encore beaucoup de choses à faire, je quitte le trio aux commandes et puis de temps en temps, il faudra que je sois là… J’en suis très content et ça se passe déjà très bien.

 
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