« La transition énergétique n’existe pas », selon Jean-Baptiste Fressoz

« La transition énergétique n’existe pas », selon Jean-Baptiste Fressoz
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Que reprochez-vous au concept de transition énergétique ?

Dans l’histoire de l’énergie, on a eu tendance depuis les années 1980 à présenter les choses comme un passage d’un système énergétique à un autre. Mais ce discours est trop simple. Les différentes sources d’énergie ne sont pas des entités distinctes, elles sont complètement liées. L’exemple classique est la révolution industrielle, souvent décrite comme une transition du bois au charbon, alors que l’industrialisation s’est accompagnée d’une augmentation de la consommation de bois, notamment pour produire de l’énergie. Les étais provenant des mines anglaises et belges représentaient à eux seuls plus de bois que ces deux pays n’en brûlaient au XVIIIe siècle. Idem avec le charbon et le pétrole : le pétrole est utilisé pour alimenter les voitures produites avec du charbon.

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Comment est alors né ce concept ?

Cela vient de futuristes, de gens qui réfléchissent à l’avenir de l’énergie et à une future transition énergétique. Ils développent des visions et un vocabulaire qui ont été mal appliqués au passé. Le problème est que cette conception du passé alimente à son tour le discours selon lequel, face au réchauffement climatique, il suffit de faire une transition énergétique pensée comme une nouvelle révolution industrielle, discours très présent dans le domaine climatique et politique. élites.

Dans votre livre, vous expliquez que le concept de transition énergétique est né avec le nucléaire…

Oui, il a été inventé par des physiciens nucléaires américains dans les années 50/60. C’est un argument défensif. Aux économistes qui montraient que le nucléaire serait difficile à concurrencer le charbon, ils répondaient que l’enjeu était tout autre : qu’il y aurait du nucléaire quand on n’aurait plus de charbon. Alors ils commencent à penser à l’énergie dans un avenir lointain, quand il n’y aura plus de charbon. Nous avons recyclé un slogan industriel pour réfléchir à la question du changement climatique.

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Le GIEC utilise également ce concept, non ?

Le groupe 3 du GIEC (qui étudie les solutions pour atténuer le changement climatique, ndlr), qui n’est pas l’ensemble du GIEC, hérite effectivement de cette conception. La transition est un terme très générique qui peut décrire n’importe quel changement, mais véhicule l’idée que nous sommes face à un problème essentiellement technologique et qui marginalise d’autres questions comme celles de la sobriété et de la décroissance. Parler de transition énergétique oriente les discussions sur des questions très techniques comme le nombre de voitures électriques qu’il y aura en 2050. Je ne dis pas que ces questions ne sont pas importantes, mais elles sont loin d’être suffisantes.

Comment expliquez-vous le succès de cette histoire ?

Parce que cela évite de se poser des questions gênantes comme le niveau de production et la répartition des marchandises. Le problème est que tout le monde peut revendiquer la responsabilité de la transition énergétique, y compris les industries les plus polluantes et les plus carbonées par nature comme l’aviation. Même l’industrie pétrolière se dit engagée dans la transition énergétique. Ce concept a une fonction de procrastination très problématique. Parler d’une transition pour 2050 permet d’imaginer d’ici là plein de transformations extraordinaires dans un domaine technologique dominé par les promoteurs de solutions. Alors oui, la transition énergétique oriente le débat dans une certaine direction politique.

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Que serait alors une véritable transition ?

Je ne pense tout simplement pas que ce soit le bon terme. Ce que nous faisons actuellement n’est pas une transition énergétique, mais une réduction de l’intensité carbone de l’économie. Ce n’est pas la même chose. Il est important de présenter les choses de cette façon pour penser historiquement. Si l’on prend le passage des moteurs à vapeur aux moteurs électriques dans l’industrie au début du 20ème siècle, l’intensité carbone de la puissance mécanique dans l’industrie est réduite par dix. Autrement dit, il faut dix fois moins de charbon pour réaliser la même quantité de mouvements dans l’industrie par rapport à une machine à vapeur. Un panneau photovoltaïque divise l’intensité carbone par douze par rapport au gaz. Ce que nous vivons avec les énergies renouvelables n’est donc pas nouveau.

 
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