Trois raisons de détenir une partie de son patrimoine à l’étranger

Ces dernières années, les investisseurs belges ont rapatrié massivement leurs capitaux de peur d’être détectés par le fisc, toujours mieux armé, notamment grâce à l’échange international de données. Toutefois, les familles très riches ont encore de bonnes raisons de délocaliser une partie de leur patrimoine.

L’échange international de données fonctionne à pleine capacité depuis 2017. Il supprime tout anonymat sur vos avoirs détenus ailleurs qu’en Belgique. Fini « l’oubli » de déclarer ses revenus étrangers : le fisc en sait plus sur votre patrimoine que vous ne le pensez.

Par ailleurs, certains impôts, comme la taxe « Caïman », ciblent désormais les revenus étrangers issus de montages juridiques qui échappaient auparavant à l’impôt. Enfin, la taxe de 0,15% sur les comptes-titres de plus d’un million d’euros s’applique aussi bien aux comptes belges qu’aux comptes étrangers détenus par des Belges.

Dans un premier temps, l’échange de données a incité de nombreux Belges à rapatrier leurs capitaux, mais les avocats fiscalistes constatent que des familles très fortunées se tournent à nouveau vers l’étranger.


« Singapour est un pays très stable, doté de la meilleure cote de crédit. Ses politiques économiques sont très prévisibles. De plus, Singapour est ouverte aux investisseurs et offre un environnement favorable aux affaires.

Jan Boes

Succursale luxembourgeoise de la Banque de Singapour

«La demande de relocalisation légale augmente», observe Gertjan Verachtert, avocat fiscaliste chez Sansen International Tax Lawyers.

«Aujourd’hui, le désir de diversification géographique joue un rôle plus important, par exemple dans le placement de fonds en Suisse, que les considérations fiscales», ajoute-t-il.

L’avocat souligne cependant que le climat fiscal incertain dans notre pays continue de jouer un rôle important : « Les récentes discussions sur l’augmentation de l’impôt sur les comptes-titres ou l’introduction d’un impôt sur les plus-values ​​incitent même les familles fortunées à envisager de partir à l’étranger. Cependant, même sans déménager, les personnes aisées trouvent de bonnes raisons d’investir une partie de leur argent à l’étranger. Nous en soulignons trois.

1.Diversification

En 2023, quinze ans après la crise financière, les banques ont une nouvelle fois révélé leur vulnérabilité. Cela ne s’est pas limité à la faillite de quelques petits établissements américains, comme Banque de la Silicon Valley.

La débâcle de la grande banque suisse Crédit Suisse a fait prendre conscience à de nombreux Belges, qui considéraient la Suisse comme une valeur refuge depuis des années, qu’ils devaient stocker leurs avoirs dans des endroits différents.

Non seulement dans l’Union européenne et en Suisse, mais aussi en Asie. Selon les prévisions de Groupe de conseil de Boston (BCG)Hong Kong détrônera la Suisse et s’imposera comme le plus grand coffre-fort d’actifs financiers au monde d’ici 2025.


« Les familles aisées ont accès à des opportunités d’investissement que les banques européennes n’offrent pas »

Jan Boes

Succursale luxembourgeoise de la Banque de Singapour

En effet, au cours des cinq dernières années, la place financière asiatique a vu les actifs qui y sont détenus augmenter en moyenne de 13 % par an. La croissance observée à Singapour, qui occupe actuellement la troisième place, est encore plus forte : « Singapour bénéficie de plus en plus de son statut de refuge et de ses liens étroits avec l’Occident. Elle est donc de plus en plus considérée comme une porte d’entrée vers la région asiatique», peut-on lire dans l’étude du BCG.

Jan Boes, qui travaille à la succursale luxembourgeoise de la Banque de Singapour, confirme que les familles fortunées d’Europe occidentale s’intéressent de plus en plus aux banques asiatiques : « Singapour est un pays très stable, avec la meilleure notation de crédit. Ses politiques économiquessont très prévisibles. De plus, Singapour est ouverte aux investisseurs et offre un environnement commercial propice.

2. Opportunités d’investissement

En plaçant une partie de vos actifs auprès d’un gestionnaire d’actifs asiatique ou américain, vous répartissez non seulement vos fonds sur un plus grand nombre de banques et de régions, mais vous accédez également à un champ d’investissement beaucoup plus large.

«Les familles aisées ont accès à des opportunités d’investissement que les banques européennes n’offrent pas», explique Jan Boes.

Par exemple, les banques belges ne proposent qu’une liste limitée de valeurs asiatiques. « En s’adressant à une banque asiatique, la gamme est non seulement beaucoup plus large, mais elle s’accompagne également d’une expertise approfondie car les entreprises sont suivies localement. Je pense notamment aux actions non cotées (private equity).

Et puis, nous voyons de plus en plus de familles fortunées établir un family office à Singapour, ce qui ouvre encore plus la porte à des opportunités d’investissement », explique Jan Boes.

3. Planification patrimoniale et/ou successorale

Si les constructions juridiques étrangères n’échappent plus au fisc depuis l’instauration de l’impôt des Caïmans, elles restent utiles dans le cadre d’une planification successorale.

STAK (Stichting Administratiekantoor) Le néerlandais en est un exemple : il vous permet de réglementer de manière flexible la gestion des actions de votre entreprise.


La STAK (Stichting Administratiekantoor) néerlandaise vous permet de réglementer de manière flexible la gestion des actions de votre entreprise. Grâce à lui, les actions sont converties en certificats représentatifs d’actions, ce qui présente un avantage important pour les propriétaires-actionnaires.

Grâce à lui, les actions sont converties en certificats de dépôt, ce qui présente un avantage important pour les propriétaires-actionnaires puisque, par exemple, ils peuvent transférer la propriété économique de l’entreprise à leurs enfants, tout en conservant son contrôle juridique.

De nombreux Belges ont créé une telle fondation, faute de structure équivalente en Belgique, du moins sous cette forme.

Aujourd’hui, une fondation belge permet effectivement de travailler avec des certificats, mais ceux-ci sont présentés différemment, ce qui explique l’attachement des Belges au STAK.

STAK facilite la planification patrimoniale, mais d’un point de vue fiscal, cette construction ne présente aucun avantage pour un Belge. STAK est certes exonéré de l’impôt sur le revenu néerlandais, mais un Belge reste redevable du précompte mobilier (belge) sur les dividendes.

De plus, la construction est également soumise aux droits de succession. Fin 2023, on craignait qu’un durcissement de la taxe aux Caïmans rende STAK moins attractive, mais cela ne s’est finalement pas concrétisé. « Les conséquences fiscales d’un durcissement de la taxe aux Caïmans se limitent généralement à l’obligation de déclaration et au délai fiscal et d’enquête pour le fisc », explique Denis-Emmanuel Philippe, avocat chez Bloom.

Une autre construction est la Société Civile Immobilière (SCI). « Il n’offre pas non plus d’avantage fiscal, mais est utile et largement utilisé pour l’acquisition et la gestion de biens immobiliers en France », explique Denis-Emmanuel Philippe.

« Cette construction est principalement utilisée dans le cadre de planification familiale, grâce à sa grande liberté contractuelle. Les statuts de la SCI permettent de confier le contrôle au gérant », explique-t-il. Selon l’avocat, le Taxe des Caïmans a donné lieu à des discussions sur le traitement fiscal de la SCI, notamment si les biens qu’elle abrite ne sont pas loués.

« Dans certaines situations, le fisc peut considérer la SCI comme une construction juridique, pouvant donner lieu à une obligation de déclaration, à l’imposition de revenus locatifs fictifs (qui peuvent être exonérés sous réserve de progressivité dans le cadre de la convention contre la double imposition). ), une exit tax sur les réserves (latentes) de la SCI (en cas de déménagement de l’associé fondateur de la SCI), l’allongement du délai fiscal et d’enquête, etc.”, explique Denis-Emmanuel Philippe.

La richesse, la vie des grandes fortunes

Disponible le 6 avril, en plus de L’Echo

©Doc
 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Une nouvelle convention collective entre patronat horloger et syndicat – rts.ch
NEXT Le groupe Casino, en proie à de graves difficultés financières, a vendu 121 magasins à Auchan, Les Mousquetaires et Carrefour