L’économie africaine entre dette excessive et investissements insuffisants

L’économie africaine entre dette excessive et investissements insuffisants
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En 2023, le FMI estime le taux de croissance réel de l’économie africaine à +3,2%. Cette croissance, certes supérieure à celle observée au niveau mondial (+3%), est en retrait par rapport à 2022 (où elle s’élevait à +3,9%).

Françoise Rivière, Agence française de développement (AFD) et Matthieu Morando, Agence française de développement (AFD)

Le ralentissement de la croissance en Afrique est imputable à plusieurs facteurs : le ralentissement de l’activité économique mondiale, avec un ralentissement de la demande des économies à forte croissance comme la Chine ; la réduction des marges de manœuvre budgétaires des Etats, qui pèse sur les dépenses publiques et donc sur la croissance ; sans oublier la menace d’une fragmentation géopolitique accrue du continent dans le contexte du conflit en Ukraine.

Par ailleurs, malgré une baisse observée en 2023 dans la moitié des pays africains, l’inflation reste globalement très élevée dans la majorité d’entre eux. En moyenne, il atteint un sommet historique en 2023, dépassant le seuil des 20 % (+5 points par rapport à 2022). Il convient de noter des différences de trajectoires entre les régions africaines. Ils reflètent la spécialisation des pays qui les composent.

Les pays à économie diversifiée restent les plus dynamiques, avec une croissance du PIB projetée à +3,6% en 2023 et une croissance attendue à +4,6% en 2024. Le Rwanda, l’Ethiopie, la Côte d’Azur et le Mozambique, pays relativement plus diversifiés que la moyenne africaine. Ce pays affiche par exemple des taux de croissance compris entre +6% et +7% en 2023, parmi les plus élevés au monde.

Le deuxième groupe de pays, qui regroupe les pays dépendants de ressources naturelles autres que le pétrole, a fortement souffert d’un contexte de demande défavorable en 2023 (+2,0% de croissance seulement), mais devrait bénéficier dès 2024 du démarrage de nouveaux projets miniers (au Libéria). , Sierra Leone et Ouganda par exemple).

La croissance des pays producteurs de pétrole s’est accélérée en 2023 (+3,5 %, après +2,5 % en 2022), malgré de fortes variations des prix du pétrole sur la période. Enfin, la croissance continue de se renforcer dans les pays touristiques, comme Maurice, le Maroc et la Tanzanie.

Un rattrapage qui marque le pas par rapport aux autres régions du monde

Ce dynamisme doit cependant être relativisé par une croissance démographique qui reste prononcée et ne diminue que très progressivement, absorbant ainsi une bonne partie de la croissance économique. La fécondité reste particulièrement élevée, notamment au Sahel et dans certains pays d’Afrique centrale, même si elle vient d’y enregistrer ses premières baisses du fait de l’augmentation des pratiques contraceptives.

En raison de ce dynamisme démographique, le produit intérieur brut (PIB) par habitant en Afrique n’a retrouvé son niveau d’avant la crise sanitaire qu’en 2023, plus tard que dans d’autres grandes régions du monde. Son taux de croissance est proche de ceux observés en Amérique latine et dans les économies avancées, bien inférieur à celui des pays émergents et en développement d’Asie et d’Europe.

Un niveau d’endettement à nouveau inquiétant

Le taux de la dette publique africaine, ramené à environ 30 % du PIB à la veille des années 2010 suite à l’Initiative pour la dette des pays pauvres très endettés (PPTE), a encore augmenté considérablement, doublant sur la période 2008-2019. Il a culminé à plus de 66 % en 2020 et diminue progressivement depuis. Il devrait retomber sous le seuil des 60 % d’ici 2027, selon les projections actuelles du FMI.

L’augmentation régulière de la dette dans la région apparaît avant tout structurelle, liée notamment à une mobilisation très insuffisante des ressources intérieures dans la plupart des pays et qui ne permet pas de couvrir des dépenses publiques élevées.

À cela s’ajoutent des dépenses fiscales généralement élevées et parfois mal maîtrisées. De plus, les dépenses d’urgence générées par les crises successives constituent un facteur aggravant. Dans ce contexte de réendettement prononcé, aucun des trente-huit pays africains couverts par une analyse de soutenabilité de la dette n’est désormais classé à faible risque de surendettement.

Note : en 2023, les dépenses publiques représentent 24,7% du PIB, et sont couvertes à hauteur de 20,2 points de PIB par les recettes publiques et les dons, et par le déficit public pour le solde (4,5 points de PIB).

Il convient toutefois de noter que cette crise de la dette va bien au-delà de l’Afrique, toutes les régions du monde étant désormais confrontées à des niveaux d’endettement croissants.

Dans un contexte inflationniste, les politiques monétaires restrictives, impliquant une hausse des taux directeurs des banques centrales afin de limiter l’inflation, ont eu un fort impact sur les marchés monétaires et financiers ainsi que sur le comportement des investisseurs.

Si un certain nombre de pays africains étaient devenus attractifs pour les investisseurs étrangers et avaient pu émettre des euro-obligations au cours de la période 2008-2019, la récente baisse d’attractivité de ces pays, due à la hausse des taux directeurs, a conduit les investisseurs internationaux à se repositionner massivement. eux-mêmes sur les marchés d’émissions historiques.

Résultat : de nombreux pays africains n’ont plus accès aux marchés internationaux depuis le printemps 2022. Par ailleurs, la moindre implication de la Chine dans l’octroi de prêts aux pays africains depuis 2020 et une tendance générale à la baisse des financements auprès des bailleurs pèsent sur les conditions de financement des pays africains. .

En fait, le retour de conditions de financement plus onéreuses augmente considérablement le coût de l’emprunt et du service de la dette publique. La part des recettes publiques (hors dons) affectée au remboursement de la dette est désormais supérieure à 15 % dans plus d’une vingtaine de pays du continent, freinant fortement les dépenses publiques à vocation sociale (santé et éducation) et les investissements publics.


Pour une analyse plus détaillée de ces questions, lire « L’économie africaine 2024 » qui vient de paraître aux éditions La Découverte.

Françoise Rivière, chef de l’unité économie et stratégie, département Afrique, AFD, Agence française de développement (AFD) et Matthieu Morando, économiste, Agence française de développement (AFD)

Cet article est republié à partir de The Conversation sous une licence Creative Commons. Lisez l’article original.

 
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