Dans son livre Le souffle de ma vieen librairie depuis le 16 janvier, le flûtiste suisse Michel Tirabosco, 56 ans, parle de son “chemin de vie”, avec une envie de « partage sincère et authentique ». Atteint d’une malformation congénitale qui touche notamment ses deux bras, ce musicien, en tournée mondiale avec le célèbre violoniste André Rieu, raconte comment la musique a été son guide.
Faire-face.fr : Avez-vous aimé ce travail d’introspection qui consiste à écrire un livre autobiographique ?
Michel Tirabosco : J’ai pris plaisir à raconter mon histoire, notamment grâce à Zahi Haddad qui m’a accompagné dans l’écriture. Dans la vie, nous franchissons des étapes. C’était le bon moment. J’aimerais que cela soit vu comme un partage d’expérience sincère. Et pas comme quelque chose de prétentieux ou de moralisateur. Je voulais aussi raconter toutes les rencontres qui m’ont fait grandir, les musiciens, mes élèves. Mon bonheur, ce sont les autres. Mon histoire est une aventure humaine. Je n’ai jamais pensé à faire carrière. J’ai simplement suivi mon instinct, étant curieuse, ouverte à l’inconnu.
Ff.fr : Comme mentionné au dos de la couverture, votre livre se lit autant qu’il peut s’écouter. Pourquoi toutes ces suggestions musicales à la fin du livre ?
MT : Pour découvrir les pièces qui m’ont accompagné. J’aime que toutes ces propositions viennent de répertoires très divers, que l’on voyage d’Alain Souchon à Mozart et Bach, en passant par John Williams.
Son père lui offre sa première flûte de pan à l’âge de 7 ans
Ff.fr : Quel rôle la musique a-t-elle joué dans votre vie ?
MT : Elle est mon guide, mon amante. J’avais 7 ans lorsque mon père m’a offert ma première flûte de pan. Immédiatement, en l’attrapant, j’ai compris, tout naturellement, que nous étions faits l’un pour l’autre. Je n’ai jamais eu l’impression de travailler, mais j’ai toujours aimé m’amuser.
Ff.fr : Vous écrivez : « Parfois, je surprends mes interlocuteurs lorsque je leur dis que mon handicap m’a emmené sur les scènes du monde. Que je lui dois tout. » Que veux-tu dire ?
MT : Le handicap fait partie de ma vie. Je suis née avec une malformation congénitale. Mes bras sont atrophiés et je porte une prothèse à la jambe droite. Je ne me suis jamais senti limité. Au contraire, mon handicap m’a aidée à progresser, à mieux me connaître. J’ai appris à contrôler chacun de mes mouvements.
En fait, la vie m’a appris que nous sommes handicapés aux yeux des autres. Bien sûr, j’ai encore parfois des difficultés avec mon image lors d’enregistrements vidéo de concerts par exemple. Mais finalement, ma différence disparaît sur scène. Certains m’ont dit qu’on n’y prêtait plus attention.
Ff.fr : A ce sujet, avez-vous l’impression que la société évolue vers plus d’inclusion ?
MT : Évidemment ! Les derniers Jeux Paralympiques sont là pour en témoigner. Mais j’aspire à une plus grande banalisation du handicap. J’aimerais que la société nous considère davantage pour ce que nous faisons. Je ne suis pas un militant pour la cause du handicap mais lorsque je suis invité à témoigner, je réponds. Je préfère « défendre » avec ma musique !
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Une proposition d’André Rieu qui ne se refuse pas
Ff.fr : Vous avez rejoint la tournée d’André Rieu en 2025 en tant que soliste. Comment s’est déroulée cette rencontre ?
MT : Je lui ai écrit au début de l’année dernière pour lui dire combien j’appréciais sa façon d’aborder la musique. Celui qui popularise les compositions classiques. J’ai également envoyé une vidéo que je venais d’enregistrer sur A travers les étoiles, le thème de l’Amour tiré de la musique de Guerres des étoiles par John Williams. Il m’a appelé très simplement. Je ne pouvais pas y croire ! Il cherchait un soliste pour enregistrer cette pièce. Lorsque je l’ai rencontré, il m’a également proposé de l’accompagner dans sa tournée de 80 concerts à travers le monde.
Ff.fr : Que pensez-vous que cette expérience vous apportera ?
MT : Nous avons déjà fait trois concerts ensemble et je mesure déjà ma chance. Je ne joue que deux chansons. Cela va très vite mais c’est aussi très intense. Et c’est un magnifique moment fort. André Rieu prend la parole pour me présenter avant que j’entre en scène. Ce n’est pas mon handicap qui l’a poussé à me choisir. il me considère comme un musicien à part entière, mais il souhaite que le public me connaisse mieux.
C’est une nouvelle expérience pour moi de jouer en frac car tous les musiciens sont en tenue de soirée. Dans mon quotidien, je suis très entouré. Durant cette tournée, je devrai apprendre à me débrouiller tout seul, même si je ressens beaucoup de bienveillance autour de moi. Cela m’ouvrira d’autres perspectives.
Le souffle de ma vieMichel Tirabosco et Zahi Haddad, éd. Favre, 2025, 168 pp., 18 €.
Michel Tirabosco sera en concert à l’Accor Arena de Paris le 22 mars 2025 pour la tournée avec André Rieu et l’Orchestre Johann Strauss.
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