Mieux que de jeter de la soupe sur les tableaux, le musée d’Orsay lance une nouvelle opération intitulée « 100 œuvres qui racontent une histoire ». Chaque année, l’institution souhaite mettre en lumière un sujet contemporain majeur tout en transportant ses chefs-d’œuvre à travers la France. En 2025, la thématique portera sur le climat et proposera un dialogue entre art et science dans 31 musées répartis dans 12 régions. Le musée d’Orsay proposera également un parcours dans ses salles en écho à un ouvrage de référence qui explorera les grands enjeux écologiques actuels à travers une centaine d’œuvres.
Assurer un accès équitable à la culture
« Nos collections sont les archives de la planète », a déclaré Sylvain Amic, président du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie, lors de la conférence de presse donnée mardi 21 janvier dans la somptueuse salle communautaire du musée. Cette nouvelle opération s’inspire des « 150 ans d’impressionnisme » qui ont permis en 2024 à 178 œuvres de l’institution de voyager dans 34 musées participants. Le président poursuit ainsi sa volonté de faire venir les œuvres des collections nationales sur tous les territoires pour favoriser la démocratisation de la culture.
Rachida Dati et Sylvain Amic lors de la conférence de presse de présentation de l’opération « 100 œuvres qui racontent… » au musée d’Orsay à Paris, le 21 janvier 2025. ©Agathe Hakoun/Connaissance des Arts
L’opération vise à assurer un accès équitable à la culture. ” Après le succès de 100 ans d’impressionnisme, il est nécessaire de faire circuler les œuvres d’art pour les 22 millions de nos concitoyens qui vivent en milieu rural. », ajoute Rachida Dati, ministre de la Culture. L’opération devrait devenir un événement annuel dans les musées français. Le thème pour 2026 a déjà été annoncé par Sylvain Amic. Ce sera une question de travail », un sujet incontournable dans nos représentations artistiques », explique le président du musée d’Orsay et du musée de l’Orangerie.
Akseli Gallen-Kallela, Le Grand Pic noir, 1894, huile sur toile marouflée sur carton, 146 x 91 cm, Musée d’Orsay ©GrandPalaisRmn (Musée d’Orsay) / Patrice Schmidt
Une convergence de dates
Pour cette première édition, le musée d’Orsay s’attaque au changement climatique, un sujet on ne peut plus d’actualité avec les catastrophes survenues récemment à Los Angeles et à Mayotte. La convergence des dates des collections du musée d’Orsay (entre 1848 et 1914) et de la révolution industrielle permet de poser un regard sur la période. ” À partir de 1850, nous disposons des premiers relevés climatiques fiables et nous commençons à utiliser des énergies fossiles.commente Servane Dargnies-de Vitry, référente du projet et conservatrice en chef des peintures au musée d’Orsay. Durant cette période de grands changements, les artistes ont capturé ces changements. »
Albert Edelfelt, Jour de décembre, vers 1893, huile sur toile, 54 x 81 cm, Musée d’Orsay ©GrandPalaisRmn (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Le siècle du paysage
De plus, les artistes du XIXe siècle étaient particulièrement attentifs à la beauté des paysages, de la flore et de la biodiversité. Certaines œuvres peuvent parfois être considérées comme des sources pour documenter une espèce végétale ou animale disparue ou encore un glacier en retrait. A travers les commentaires d’experts et de scientifiques, le musée d’Orsay souhaite faire en sorte que les œuvres parlent d’enjeux écologiques et participent à la lutte contre le réchauffement climatique.
Alexandre Sergejewitsch Borisoff, Les Glaciers, mer de Kara, 1906, huile sur toile, 79 x 124 cm, Musée d’Orsay ©GrandPalaisRmn (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski
Voyage à travers l’eau, la disparition des truites et les tumultes de la vie moderne
Ainsi, l’institution a choisi des projets d’une grande diversité, mais toujours ancrés dans le tissu local, pour son fonctionnement hors site. Au musée Gassendi de Digne-les-Bains (Provence-Alpes-Côte d’Azur), l’exposition « Raconter le climat » renouvellera le regard sur la collection des peintres provençaux du XIXe siècle à l’aide de prêts de tableaux jour de décembre (vers 1893) Albert Edelfelt, Le courrier (vers 1900) d’Étienne Martin et le mythique Saint-Lazare station (1877) de Claude Monet. Le musée d’art et de sciences abordera des questions sur les tumultes de la vie moderne et le voyage de l’eau », une menace qui pesait déjà au XIXème siècle », précise Sandra Cattini, directrice du musée Gassendi, enclavé au milieu des Alpes.
-Claude Monet, La Gare Saint-Lazare, 1877, oil on canvas, 75 x 105 cm, Musée d’Orsay ©GrandPalaisRmn (Musée d’Orsay) / Patrice Schmidt
In Ornans (Bourgogne-Franche-Comté), the Courbet museum will exceptionally receive Truite (1873) de Gustave Courbet. Plus qu’une simple nature morte, ce portrait de poisson mourant est considéré comme un autoportrait symbolique de l’artiste de retour en Franche-Comté après son emprisonnement en 1871 suite à sa participation à la Commune. Ce prêt permettra au musée de sensibiliser à la disparition des truites sauvages qui peuplent la Loue, rivière matrice de la vallée où est né le maître d’Ornans.
Gustave Courbet, La Truite, 1873, oil on canvas, 65.5 x 98.5 cm, Musée d’Orsay ©GrandPalaisRmn (Musée d’Orsay) / Patrice Schmidt
Le musée d’Orsay ne prête pas seulement des tableaux. À La Roche-sur-Yon (Pays de la Loire), le musée et espace d’art contemporain Cyel accueillera les photos d’Alfred Stieglitz pour « Comme un ciel sans nuages ». L’exposition fera dialoguer les séries de photographies pictorialistes Équivalent (vers 1885) de Stieglitz avec la capture des nuages par des photographes contemporains. Si le nuage est un sujet de prédilection pour certains artistes, il est aussi un indicateur climatique, au cœur des dernières recherches scientifiques menées par les météorologues sur l’évolution de la couverture nuageuse et leurs liens avec le réchauffement climatique.
Alfred Stieglitz, Equivalent, 1926, épreuve à la gélatine-bromure d’argent d’après un négatif à la gélatine-bromure d’argent, 9,2 x 10,8 cm, Musée d’Orsay ©GrandPalaisRmn (Musée d’Orsay) / Patrice Schmidt
L’impact du changement climatique et des catastrophes naturelles sur le patrimoine
Les musées peuvent également être victimes de catastrophes naturelles. En 2016, les réserves temporaires du musée Girodet à Montargis (Centre-Val de Loire) ont été gravement inondées pendant trois jours, suite à la rupture du canal de Briare lors de crues exceptionnelles dans le bassin parisien. 86 % de la collection du musée a été endommagée, une première en France. Huit ans plus tard, seulement 40 % des œuvres ont été restaurées.
Alfred Sisley, The Flood at Port-Marly, 1876, oil on canvas, 60 x 81 cm, Musée d’Orsay ©GrandPalaisRmn (Musée d’Orsay) / Sophie Crépy
Dans le cadre de l’opération « 100 œuvres qui racontent… », l’exposition du fonds Maximilien Luce au musée Girodet présentera des œuvres restaurées après avoir été endommagées par la catastrophe de 2016 ainsi que L’inondation à Marly (1876) d’Alfred Sisley et Baignade à Rolleboise (vers 1920-1930) de Maximilien Luce pour sensibiliser le public aux risques liés au changement climatique et illustrer la possible résilience des lieux patrimoniaux face à ces enjeux.
100 OEUVRES QUI PARLENT DU CLIMAT – Bande-annonce – FR | Musée d’Orsay