Comme le montre le travail d’Yngvild Aspeli, qui revisite « Une maison de poupée » d’Henrik Ibsen, l’art de la marionnette arrive enfin à maturité.
Il semblait évident de frotter Une maison de poupéele summum du répertoire classique d’Henrik Ibsen, avec des marionnettes. Pourtant, cette production du franco-norvégien Yngvild Aspeli est une première. La voilà Nora, une épouse amoureuse de… liberté. Dans la société patriarcale de son époque, le XIXème siècle, ce personnage est une exception. Yngvild Aspeli dit de Nora qu’elle «frappe, la tête la première, contre la surface de verre invisible de sa propre existence».
Cette maison va peu à peu prendre vie, peuplée de fantômes et de poupées. Surtout, la réalisatrice et comédienne a la magnifique idée de multiplier les araignées, de plus en plus envahissantes sur scène, tandis que Nora entre dans la danse, tarentelle aux allures de transe. La manipulation se fait à vue, perturbant la perception du spectateur, moins sûr de démêler le vrai du faux. La créativité d’Yngvild Aspeli, Paola Rizza, rend ce maison de poupée un succès théâtral.
Libérez-vous d’un excès de réalité
La marionnette contemporaine ne cesse de surprendre ces derniers temps en abordant de nouvelles thématiques : comme Johanny Bert imagine Un (nouveau) tour pour évoquer la transidentité ou le polyamour. Ou l’Italienne Marta Cuscunà qui, seule sur scène, multiplie les personnages comme des marionnettes dans Désolé garçon. Ou interroge notre rapport à la nature dans Corvidés : Quand les espèces se regardent (au Théâtre des Abbesses, à Paris, du 19 au 21 juin). Elle invoque des corbeaux mécaniques dans cette pièce manipulée grâce à un système de joysticks et de câbles de freins de vélo !
-Le dialogue s’installe alors entre l’acteur et sa marionnette, un «juste la distance», pour reprendre les mots de Johanny Bert. Enfin, les manipulateurs peuvent s’affranchir d’un excès de réalité, comme la gravité des corps, créature en mains. Il n’y a pas de plus bel effet spécial au théâtre. Dans Une maison de poupéeEn plus des marionnettes grandeur nature aux côtés d’Yngvild Aspeli, une toile d’araignée se déploie progressivement. Une manière de rappeler que la marionnette s’accroche à bien plus qu’un fil.
Une maison de poupéemise en scène par Yngvild Aspeli et Paola Rizza, au Théâtre du Rond-Point, Paris, du 23 janvier au 2 février. Puis en tournée.