Georges Rousse, l’artiste-archéologue de la ville contemporaine expose à Brest

Georges Rousse, l’artiste-archéologue de la ville contemporaine expose à Brest
Georges Rousse, l’artiste-archéologue de la ville contemporaine expose à Brest

Si vous deviez expliquer votre travail à un enfant, que diriez-vous ?

Je cherche des lieux abandonnés et les explore, c’est ce qui me passionne. Enfant, quand je voyais des photos prises par des archéologues, cela me faisait rêver. Je fais un travail photographique sur la mémoire contemporaine dans des lieux chargés d’histoire qu’on laisse mourir. Lorsque je découvre par exemple une usine abandonnée, je la sonde, j’examine les traces humaines, j’étudie les graffitis, puis je la transforme en espace pictural. Je recherche une relation entre la peinture et l’espace et je crée une œuvre unique que je restitue à travers la photographie. Ce qui m’intéresse, ce sont les traces du passé.

J’ai toujours recherché ces lieux insolites et négligés. Ils sont devenus mes thébaïdes, des lieux calmes où je me retire, loin des foules. Dès que je vois un trou dans une clôture, j’y entre… (rires)

Vous êtes né après la guerre. Votre travail vous connecte-t-il à votre enfance ?

Oui, à Nice, où mon père était militaire, il y a des ruines antiques. J’habitais aussi en Lorraine et, avec mon frère, nous cherchions dans les forts les traces de la guerre. Lorsque j’ai commencé à travailler à Paris, puis dans plusieurs pays, j’ai toujours recherché ces lieux insolites et délaissés. Ils sont devenus mes thébaïdes, des lieux calmes où je me retire, loin des foules. Dès que je vois un trou dans une clôture, j’y entre… (rires)

Vous vouliez d’abord être photographe d’architecture…

J’ai commencé par photographier les bâtiments d’EDF à Nice, puis j’ai photographié des lieux inutilisés que j’ai transformés en atelier, où j’ai créé des installations, également éphémères.

Pouvez-vous nous donner des exemples de vos réalisations ?

A Marseille, j’ai installé de grands espaces flottants dans une ancienne station d’assainissement construite par l’architecte Fernand Pouillon. Des squatteurs y avaient brûlé une voiture, j’ai donc utilisé ce noir pour y mettre un grand rectangle rouge. Lors d’une résidence en région parisienne, j’ai travaillé dans les anciennes cuisines municipales aujourd’hui réhabilitées en centre culturel. Le bâtiment était une sorte de cube qui m’a inspiré d’autres espaces plats flottants.

Dans la Ruhr, c’est une usine abandonnée du bassin minier que j’ai repeinte en noir puis texturée, dans une expérience méditative, à la craie blanche. Toutes ces photos sont actuellement exposées à Brest, dans la galerie La Piscine.

L’humain est absent de vos œuvres…

Oui. Au début il y en avait, mais ils étaient seulement peints.

Où avez-vous rencontré Anne-Laure Maison et Michel Cam, les directeurs artistiques de La

Piscine ?

A Deauville. On s’est bien entendu, ils m’ont fait part de leur envie de créer un centre d’art. Je leur ai prêté quelques œuvres et nous y sommes ! (rires)

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Qu’est-ce que le lieu vous a inspiré lorsque vous l’avez découvert ?

Je venais pour la première fois, et je m’interrogeais sur cette piscine autrefois privée. Elle était dans son jus. J’ai eu l’idée des sémaphores et de leurs langages qui permettent de communiquer d’un bateau à une côte. Quand j’étais boy-scout, nous communiquions avec des fanions qui faisaient référence à un alphabet. Durant mon service militaire, j’ai aussi appris le code Morse. Alors, quand j’ai vu les drapeaux sur les bateaux, j’ai été inspiré par cette signalétique. Les fanions sont géométriques et cela correspondait à mon idée de réaliser ces formes dans la piscine.

Est-ce que cela lie votre rapport à l’écriture, à la géométrie, à la communication ?

Oui, j’ai installé mon appareil photo, nous avons tracé dans l’espace, point par point, pendant trois jours, un losange rouge dans un carré blanc qui représente la lettre F. Le rouge, c’est la naissance de la couleur. Ensuite, nous avons dessiné un cercle bleu.

Le cercle fait-il référence à l’objectif du photographe ?

En architecture, le cercle est une force en mouvement. L’architecture est généralement verticale et horizontale. Le cercle explose l’orthogonalité. Au Japon, les sumos combattent en cercle qui est à la fois un espace de force et de méditation. Dans l’art contemporain, tous les artistes minimalistes ont utilisé le cercle, le rectangle, le carré. Mon choc esthétique a été Kasemir Malevitch, avec sa peinture carrée, noire sur fond blanc, puis son carré blanc sur fond blanc. Le parcours de cet artiste pour arriver à ce langage m’a fasciné. Que peuvent faire les artistes après cela ?

Je ne connaissais pas la Bretagne ! C’est la même chose pour moi de venir ici que d’aller au Japon ou en Amérique du Sud. (rires) Je n’avais que des clichés en tête !

Et que vous inspire la Bretagne ?

Je ne connaissais pas la Bretagne ! C’est la même chose pour moi de venir ici que d’aller au Japon ou en Amérique du Sud (rires). Je n’avais que des clichés en tête ! J’ai donc commencé à explorer la région. Avec ma femme, nous aimons faire des randonnées et mon chemin se construit le long du GR 34 qui fait le tour de la Bretagne. L’année dernière, je travaillais à Cancale (35) et je viens de rencontrer un homme qui achète des maisons abandonnées le long du GR… Alors forcément, ça m’inspire…

Travaillez-vous également auprès des jeunes en réinsertion ?

Oui, j’aime aller dans des endroits où l’art n’existe pas. On m’a demandé de parler de mon travail à des jeunes en difficulté et j’ai préféré créer et travailler avec eux. J’ai découvert une ancienne colonie pénitentiaire abandonnée, non loin de leur lycée, à Lyon, et, pendant une semaine, nous avons créé une installation. L’idée était de leur ouvrir de nouveaux horizons et de leur parler d’art. A la fin du projet, les médias sont arrivés et les adolescents se sont enfin sentis reconnus et valorisés. Je le fais aussi au Japon, en Allemagne… Les jeunes se reconstruisent ainsi, en créant avec moi des fictions architecturales.

Pratique

La Piscine, 170, rue Jean-Jaurès, à Brest, exposition jusqu’au 9 mars 2025. Ouvert mercredi, samedi et dimanche, de 14h à 18h30 1/2/3 €. Réservation le [email protected]. Plus d’informations sur humansoul.fr

 
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