Procès contre Gilbert Rozon | Mythes et préjugés à la loupe d’un sociologue

Procès contre Gilbert Rozon | Mythes et préjugés à la loupe d’un sociologue
Procès contre Gilbert Rozon | Mythes et préjugés à la loupe d’un sociologue

La sociologue Sandrine Ricci, qui a co-écrit l’expertise sur les violences sexuelles – avec la professeure Karine Baril – a témoigné mardi devant le tribunal, prenant le relais de sa consœur. Elle a évoqué les mythes qui tendent à normaliser cette violence, mais aussi les mécanismes des relations de pouvoir.

Plusieurs mythes sur le viol minimisent l’importance de la violence sexuelle, a commencé par affirmer Sandrine Ricci, qui enseigne au département de sociologie de l’Université du Québec à Montréal (UQAM). « Quand on dit que les femmes exagèrent par exemple, ou quand on dit : ce n’est pas de la violence, c’est du flirt, tout cela minimise l’ampleur des violences sexuelles. »

Le professeur Ricci a parlé du « véritable scénario du viol ». Un inconnu qui sort d’une ruelle avec une arme et s’en prend à une femme qui se promène seule la nuit, a-t-elle illustré. « Dans notre imagination, c’est ce qu’est le viol. »

“Cependant, nous savons qu’en réalité, cela ne se passe pas comme ça”, a-t-elle poursuivi. C’est souvent quelqu’un qu’on connaît, un parent, un enseignant, un patron. Et cela se passe dans des lieux privés ou dans des lieux publics comme son lieu de travail, son université. Mais comme nous sommes confrontés à un autre scénario que celui que nous avons intériorisé, nous avons du mal à reconnaître les gestes comme une agression. »

Dans son rapport, Mmoi Ricci cite également une étude (Fricker, 2007) qui évoque ce phénomène qui consiste à ne pas reconnaître son statut de victime. « Une grande proportion de victimes de violences sexuelles ne signalent pas d’acte, notamment parce que leur cadre de référence ne leur permet pas de reconnaître certaines expériences comme étant une agression », écrit-elle dans son rapport.

Sandrine Ricci a également expliqué que l’adhésion à des mythes et des préjugés est plus susceptible de conduire à des actes d’agression sexuelle. “Autant dans l’intention de commettre un attentat que pour le justifier”, a-t-elle précisé.

Mmoi Ricci a également abordé la question des relations de pouvoir. Elle a cité une étude de la chercheuse Jennifer Freyd, qui suggère que les agresseurs confrontés à leurs victimes emploient une stratégie en trois points « pour échapper à toute culpabilité ». Ils nient ou minimisent les faits. Ils attaquent la crédibilité de la victime. Et ils inversent les rôles pour assumer celui de victime.

Le modèle appelé DARVO (Refuser, Attaque, Inverser la victime et le délinquant) reflète une logique de domination et de manipulation, a résumé Sandrine Ricci.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Gilbert Rozon a assisté sans broncher aux témoignages des deux experts en violences sexuelles.

Dans un contexte où la faute incombe aux victimes, non seulement elles auront du mal à accepter les violences qu’elles ont subies, mais du coup, elles auront encore plus de mal à dénoncer leur agresseur en portant plainte à la police, a-t-elle déclaré dans substance.

L’effet #metoo

Dans ce contexte, les dénonciations sur les réseaux sociaux et le mouvement #metoo ont eu un effet de « mobilisation historique », a expliqué le sociologue, qui a fait un lien avec le mouvement des droits civiques.

“Le partage d’expériences similaires a permis à de nombreuses femmes de bénéficier d’un soutien mutuel important”, a-t-elle déclaré, évoquant également l’histoire du producteur Harvey Weinstein, reconnu coupable de plusieurs crimes sexuels. Cela leur a donné le courage de dénoncer leur agresseur. Pour le mettre hors d’état de nuire. »

Fausses allégations

Depuis lundi, de fausses allégations d’agressions sexuelles ont également été évoquées. Lors de son témoignage, la professeure Karine Baril a indiqué que de fausses allégations existaient, mais qu’elles étaient marginales.

Elle cite une étude américaine (David Lisak, 2010), qui parle d’une prévalence de 2 à 10 %. Un pourcentage qui inclut les fausses allégations involontaires, a-t-elle précisé, qui surviennent par exemple lorsqu’une victime se trompe « de bonne foi » sur l’identité de son agresseur.

En contre-interrogatoire, Me Pascal-Alexandre Pelletier a soumis au professeur Baril que ceux qui avaient menti n’étaient pas nécessairement enclins à faire des aveux, sachant qu’il y aurait des conséquences importantes qui en découleraient.

Autre information intéressante : les fameux trous de mémoire, souvent perçus comme un manque de crédibilité de la part de la victime, seraient au contraire liés à une plus grande crédibilité.

« Recherche en sciences légal indiquent que les trous de mémoire avoués et les incertitudes lors du témoignage des victimes sont des facteurs associés à une plus grande plausibilité du témoignage d’un adulte. » (Amado et al., 2016)

 
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