209
Sorti en salles le 8 janvier, le dernier film de Pedro Almodóvar est un joyau cinématographique plein d’humanité. Julianne Moore et Tilda Swinton font irruption à l’écran et forment un incroyable duo féminin. S’il s’agit bien sûr de mort, La chambre d’à côté n’en reste pas moins un film lumineux et émouvant.
Après deux courts métrages en anglais (La voix humaine avec Tilda Swinton et Un mode de vie étrange), Pedro Almodóvar réalise avec La chambre d’à côté son premier long métrage en langue anglaise, récompensé par un Lion d’Or à la Mostra de Venise en septembre dernier. Inspiré du roman Alors quel est ton tourment ? de l’écrivaine américaine Sigrid Nunez, le réalisateur espagnol nous propose un film remarquable où il aborde la question de la fin de vie avec beaucoup d’intelligence et de subtilité.
Après de nombreuses années sans se voir, Ingrid (Julianne Moore) croise la route de son amie Martha (Tilda Swinton) lorsqu’elle apprend que ses jours sont comptés. Ingrid devra alors affronter la mort (qui la terrorise tant) pour accompagner son amie dans sa dernière volonté. Si le postulat de départ n’est pas très réjouissant, le film ne tombe pas dans le mélodrame, bien au contraire. Le réalisateur explique également qu’il souhaitait « Évitez de faire un film lugubre ou sanglant. Le film est plein de lumière et de vitalité : celles apportées par le personnage de Martha et la force de la nature, si enveloppantes pour les deux femmes de la maison située au milieu de la forêt. »
L’amitié féminine à l’honneur
Les deux actrices excellent dans leurs rôles et de leur duo se dégage un alchimie remarquable. Pendant que Martha (Tilda Swinton) se confie et se dévoile, Ingrid (Julianne Moore) est présente à ses côtés et l’écoute confier ses souvenirs. Si Martha apparaît confiante tout au long du film, Ingrid continue d’évoluer et d’apprendre aux côtés de son amie mourante.
Pedro Almodóvar accorde une place particulière à l’amitié féminine à travers le lien qui lie Martha à Ingrid. Perdues de vue depuis de nombreuses années, les deux femmes se retrouvent comme si elles s’étaient quittées la veille. Pendant que l’une se dévoile, l’autre écoute pleinement, sans jugement. Julianne Moore est impeccable dans ses silences, elle est là, entièrement présente pour son amie. Son regard en dit long et accompagne de la plus belle des manières les confessions de Tilda Swinton. « Rester avec quelqu’un dans une complicité humaine silencieuse et solidaire est parfois le summum de ce que nous pouvons faire pour les autres. » confie le réalisateur pour qui cette amitié renouvelée par les deux femmes est « sublimé par une émotion semblable à l’amour, mais sans les inconvénients de l’amour. »
Du grand Almodovar
La langue anglaise n’enlève rien à la « touche » d’Almodóvar que l’on reconnaît instantanément. Les couleurs, les dialogues toujours très justes, l’esthétique des plans, les contrechamps parfaits entre les deux actrices ou encore la superbe musique d’Alberto Iglesias, compositeur officiel du réalisateur depuis maintenant 30 ans, tout y est. Pour notre plus grand plaisir.
Bien connu pour filmer les femmes comme personne, Pedro Almodóvar ne déroge pas à la règle avec ce nouveau long-métrage. Sublimées par la caméra, les deux actrices se livrent à une interprétation magistrale d’où émerge une force incroyable. Chaque émotion nous est offerte à travers des plans dont seul le réalisateur a le secret, et les plans inversés d’une Tilda Swinton parlant et d’une Julianne Moore écoutant frisent la perfection.
Entre retrouvailles et adieux, le film nous invite à interroger notre façon d’aborder la maladie et la mort lorsqu’elle touche nos proches. Ici, la tristesse et la gêne cèdent peu à peu la place à l’empathie et à l’acceptation qui permettront aux deux femmes de vivez une amitié profonde, sincère et respectueuse.
Et La chambre d’à côté est un film qui traite de la mort, c’est avant tout un film profondément lumineux sur la vie et les relations humaines.
La chambre d’à côté de Pedro Almodóvar, drame (1H47), distribué par Pathé Films. Avec Tilda Swinton, Julianne Moore et John Turturro. En salles le 8 janvier 2025.