Derrière la porte | Florian s’ennuie de sa double vie un peu coquine

Derrière la porte | Florian s’ennuie de sa double vie un peu coquine
Derrière la porte | Florian s’ennuie de sa double vie un peu coquine

La presse vous propose chaque semaine un témoignage qui vise à illustrer ce qui se passe réellement derrière la porte de la chambre, dans l’intimité, loin, très loin des statistiques et des normes. Aujourd’hui : Florian*, la cinquantaine

Il n’en a jamais dit un mot à personne. Pourtant, pendant près de 10 ans, Florian* a vécu une double vie trépidante, un peu coquine disons coquin. Aujourd’hui, il s’ennuie de ses folies qui, paradoxalement, lui ont apporté un nouvel équilibre. Narratif.

« Je ne sais pas ce que je fais ici », commence notre interlocuteur, la fringante cinquantaine, rencontré dans le hall d’un hôtel le mois dernier. Mon histoire est très, très, très privée. » Pourquoi diable voulait-il nous rencontrer, alors ? « À un moment donné, ça devient lourd », confie-t-il, au tout début de l’entretien. Pouvoir l’exprimer est un peu libérateur… »

Il faut savoir que notre homme est vaguement connu et, surtout, en relation avec un autre homme depuis de nombreuses années. Il a toujours eu une certaine réussite dans sa vie, on comprend vite. Chez les femmes d’abord : « J’ai été un gagnant », résume-t-il avec un léger sourire. « Mais je sortais discrètement dans les bars gays… »

C’est à l’université, lorsqu’un ami ouvertement homosexuel l’invite chez lui pour un « travail d’équipe », que tout bascule. «C’était ma première fois. Génial, vraiment génial», sourit-il encore plus. C’est là que Florian décide de s’affirmer plus formellement. « Les gens ont été surpris, dit-il, mais ils ont immédiatement accepté. »

Il s’installe alors assez vite, dans une histoire qui dure plus de 10 ans. Au lit, c’est « moyen ». «Je pense qu’il n’avait pas beaucoup de libido. » Et s’il trichait ? “Oui”, répond-il sans hésitation. En voyage, ou quand il partait, il m’arrivait de chercher ailleurs. »

Même s’il ne s’en vante pas – « c’est caché » – Florian assume ses responsabilités. « C’est ma façon de vivre, de m’exprimer. »

Je fais la distinction entre le sexe et les relations amoureuses.

Florian, cinquante ans

Pour toutes sortes de raisons, la relation en question fait long feu et Florian rencontre alors sa compagne actuelle, vers la fin de la trentaine. « Et depuis, nous sommes ensemble », poursuit-il, toujours souriant.

Leurs débuts sont « géniaux ». « On ne s’est pas lâché ! Vraiment génial, mais c’est sûr qu’avec le temps, ça s’est un peu estompé”, poursuit-il. “Mais c’est quelqu’un que j’aime.” Nous voyageons ensemble, nous avons des intérêts communs, énumère-t-il, mais la passion s’efface peu à peu. » Pourquoi, exactement ? “Je pense qu’on est moins audacieux, moins disponible mentalement, il y a moins d’envie aussi, peut-être…”

Et puis Florian le sait : il a toujours été « volage ». On l’a vu, ça ne date pas d’hier. « Dès le début de la relation, si je voyageais, j’avais parfois des rencontres, confirme-t-il. Mais non, encore une fois, son compagnon ne le sait pas exactement. « Ce n’est pas dit. » Et à sa manière, toujours aussi, il assume la responsabilité de ce « non-dit », et de toutes les contradictions qui en découlent. « Peut-être que je suis postmoderne, c’est comme si je m’éloignais des normes d’un couple stable. […] Peut-être que je suis aussi un hypocrite. […] Ou peut-être que je ne me sens pas très à l’aise, parce que je me soucie toujours de cette relation. Je ne veux pas qu’elle rompe. Je veux, je ne veux pas, nous avons une vie confortable… »

Pourtant, il y a presque 10 ans, et tout à fait par hasard, Florian a rencontré un autre homme. « Je le dépasse, il me reconnaît, puis m’envoie un message. » Aussi fortuit que cela. « Et c’était très, très fort et passionné. » Nous y sommes.

Très vite, leurs échanges dérivent, deviennent épicés, explosent. « Nous nous écrivions mille fois par jour. » Les premiers mois, ils se voient sporadiquement, puis tranquillement, Florian décrypte plus précisément ce que recherche cet homme : « une relation dominant-dominé », résume-t-il. Mais doux. Je ne sais pas si c’est le bon terme. Peut-être : passif-actif ? »

A noter que dans cette dynamique de pouvoir « soft » donc, qu’ils développeront au fil du temps, il ne sera jamais question d’inclure des jouets ou quoi que ce soit associé au monde du BDSM. Nous sommes plutôt ici dans un jeu de pouvoir symbolique, disons, lié au quotidien. « Je lui ai dit ce qui me plaisait en termes de vêtements, illustre Florian, et il a fait tout ce que je lui ai dit… »

Il repassait mes chemises, préparait ma nourriture, un peu comme… un couple classique des années 50 !

Florian, cinquante ans

Et cela l’excitait terriblement. « Il était à l’aise là-bas et je n’ai pas le sentiment d’avoir profité de qui que ce soit. »

Surtout, l’affaire prend au fil du temps une place immense dans la vie de Florian. «Dès mon arrivée, c’était comme une seconde vie», dit-il. A noter qu’à l’époque, il voyageait beaucoup pour son travail, et ses absences régulières passaient quasiment inaperçues auprès de sa compagne.

À son retour, comment finit-il avec lui, de toute façon ? «Je veux mon partenaire», répond Florian. Mais nous n’avons pas de relation tous les soirs. Parfois, nous sautons des semaines. » Avec l’amant ? “C’était constant”, poursuit-il. Extrêmement passionné. Nous étions très, très, très complémentaires. »

Si vous voulez tout savoir, toujours dans leur dynamique particulière, un peu coquinon l’aura compris, tout tournait autour de Florian. En termes de plaisir, notamment. « J’avais un gars à mes pieds, après moi, dédié à moi. Au fond, je m’en fichais si l’autre personne appréciait ça», illustre-t-il. Toujours comme cet homme des années 1950 ? Il éclate de rire. « Même si je suis plutôt progressiste dans la vie ! », précise-t-il ici. Pourtant, c’est évidemment satisfaisant. “Et puis il y a la pénétration, ce que je fais très rarement avec mon partenaire actuel”, ajoute-t-il.

Pourtant, pour toutes sortes de raisons, Florian a récemment arrêté de voyager. L’amant a rencontré quelqu’un d’autre. Bref, leur histoire est enfin terminée. Mais Florian n’a pas fini de réfléchir à ce qu’il a vécu.

C’est parce qu’il ne donne pas vraiment l’image du mec coquinun peu dominant, révélé ici. «Mais avec lui, c’était tout. Je pense que je me suis révélé à moi-même avec cette relation. »

C’est comme si la confidentialité de notre relation me la rendait paradoxalement plus libre.

Florian, cinquante ans

Certes, mais leur liberté était limitée. Il n’est pas dupe. Ce n’est sans doute pas anodin. « On savait qu’il y avait une finitude, c’était toujours un peu comme la dernière fois », confirme-t-il. Je ne sais pas dans quelle mesure – et je ne le saurai jamais – nous aurions pu maintenir ce rythme si notre relation avait été officielle. » Leur légèreté était sans doute « insoutenable » à long terme, résume-t-il en paraphrasant Kundera (!).

Pourtant, conclut-il en finissant son verre, “ça me manque.” […] J’ai adoré cette routine de double vie. […] J’suis dans une vie assez standardisée, je crois que j’ai un peu besoin de cette vie coquin. […] Ça m’équilibre ! »

D’ailleurs, depuis, quand il papillonne doucement, c’est ça qu’il recherche. « Ceci étant dit, ça se passe vraiment bien avec mon partenaire ! Peut-être moins au lit, mais on n’est pas à zéro non plus ! », prend-il soin de souligner.

*Prénom fictif, pour protéger l’anonymat

 
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