Au pays de l’Oncle Sam, la règle veut, pour les créations antérieures à 1978, que 95 ans après sa publication ou divulgation, une œuvre tombe dans le domaine public. Cette année, c’est le cas du « Boléro » de Maurice Ravel, pour Adieu aux armes d’Ernest Hemingway, Le bruit et la fureur de William Faulkner ou le personnage de Popeye, le célèbre « Rhapsody in Blue » de George Gershwin et la première version de la chanson « Singin’ in the Rain » d’Arthur Freed et Nacio Herb Browon, popularisée par Cliff Edwards et Joan Crawford au film musical Hollywood chante et danse sorti en 1929.
Les pirates de Tintin condamnés
Pas question de faire de Tintin ce qu’on veut
Au total, des milliers d’œuvres rendues publiques en 1929 sont concernées. Et parmi les personnages qui entrent dans le domaine public, apparaît le nom de… Tintin. En effet, le héros d’Hergé a fait ses premiers pas dans Le petit vingtièmesupplément jeunesse du journal Le vingtième siècle10 janvier 1929. Destination : le pays des Soviétiques. L’album sortira l’année suivante.
Cela signifie-t-il que nous pouvons désormais faire de Tintin ce que nous voulons ? Pas si vite. Tout d’abord, c’est seulement Tintin au pays des soviets qui tombe dans le domaine public. Ensuite, la liste des travaux dressée par Duke University ne concerne que les Etats-Unis. Enfin, les règles sont différentes en Europe. En Belgique, il faut attendre 70 ans après le décès de l’auteur ou du créateur pour qu’une œuvre soit libre de droits. Dans notre pays, le personnage d’Hergé ne sera pas là avant 2054, George Remi étant décédé en 1983.
Tintin : le vrai Brusselleir
Il y a une différence entre les auteurs américains et non américains
Pour Tintin, c’est encore un peu plus compliqué. Non pas qu’il bénéficie d’une protection particulière, mais la législation qui s’applique prend en compte un paramètre supplémentaire : la nationalité de l’auteur. En effet, la règle des 95 ans ne s’applique qu’aux ressortissants américains, explique Alain Berenboom, spécialiste des droits intellectuels, interrogé par la RTBF. Pour les auteurs non américains, la Convention de Berne prévaut. Et il mentionne que les œuvres non américaines tombent dans le domaine public aux Etats-Unis 50 ans après la mort de leur auteur. Ou en 2034 pour Hergé.
Il est donc inexact de dire que Tintin est tombé dans le domaine public outre-Atlantique. Il y reste protégé pendant encore dix ans. Et trente ans en Belgique.
Et le « Boléro » de Ravel alors ? Son compositeur était français. Oui, mais il est mort en 1937, il y a bien plus de 50 ans.
Stéphane Steeman était un véritable fanatique de Tintin !
Tintin n’est pas synonyme de jackpot aux Etats-Unis
Si par hasard Tintin était effectivement entré dans le domaine public aux Etats-Unis cette année, que se serait-il passé ? Probablement pas grand-chose. D’abord parce que seul Tintin au pays des soviets aurait été concerné. Pas sûr que cela chatouille vraiment l’imagination des cinéastes et autres hommes d’affaires qui voudraient en faire des produits dérivés. Désavoué par Hergé lui-même, cet album passe inaperçu dans l’œuvre de Georges Remi.
“Hergé, Tintin et les Américains” décortique le troisième album des aventures de Tintin
Alors, qui se risquerait à faire Tintin pour le seul marché américain puisque ici comme en France, le petit reporter reste « protégé » jusqu’en 2054 ? Certainement pas grand monde. Parce que ce ne serait pas rentable ou, à tout le moins, très risqué en tant qu’entreprise. La preuve avec le film Les Aventures de Tintin : Le Secret de la Licorne par Steven Spielberg. Sorti en 2011, il a rapporté 370 millions de dollars. Insuffisant pour couvrir les frais. Il aurait dû gagner 425 millions ! D’ailleurs, le deuxième film annoncé par le réalisateur américain est toujours attendu.
En revanche, ce long métrage avait le don de doubler les ventes d’albums en français dès sa sortie, a indiqué La Libre Belgique en 2021.