Il y a vingt-cinq ans, les Éditions Gallimard créaient la collection « Continents noirs » dédiée aux écrivains d’Afrique et de sa diaspora. L’initiative a longtemps été critiquée et ses fondateurs accusés de vouloir ghettoiser la littérature africaine. Il n’en reste pas moins que cette collection, qui compte aujourd’hui quelque 130 titres, a mis en avant quelques-uns des grands noms des lettres africaines contemporaines. Entretien avec Jean-Noël Schifano, directeur de la collection.
RFI : Bonjour, Jean-Noël Schifano. Souhaitez-vous nous rappeler les circonstances de la naissance de la collection « Continents Noirs » ??
Jean-Noël Schifano : C’est une aventure littéraire qui a commencé avec le voyage fondateur que j’ai fait avec Antoine Gallimard au Gabon, à Libreville, en janvier 1999. Pendant le voyage, Antoine m’a dit : « Ce serait bien que vous preniez en charge une collection qui concerne l’Afrique et les écrivains africains et que nous fondions la collection dans la maison Gallimard. « . Et exactement un an plus tard, nous venons présenter au même endroit, au Gabon, à Libreville, les cinq premiers auteurs de « Continents noirs ». Vingt-cinq ans plus tard, nous comptons plus de 130 titres, 54 auteurs et une trentaine de prix littéraires.
Qui sont les cinq premiers auteurs de la collection ?
Les cinq premiers auteurs de Continent sombre sont Gaston-Paul Effa et son roman Le cri que tu pousses ne réveillera personneJustine Minsa et son roman intitulé Histoire d’Awutraduite aux Etats-Unis et qui continue d’être réimprimée, Sylvie Kandé, une très grande poète, une très grande styliste et sa première œuvre Lagon Lagonpostface d’Edouard Glissant, La révolte de Komoroman du Malien Aly Diallo. Et parmi eux, Antoine Gallimard a proposé de publier l’une des racines les plus puissantes de la littérature africaine : le Nigérian Amos Tutuola. Le roman traduit dans la langue de Voltaire en 1953 par Raymond Queneau. Le titre de ce roman L’ivrogne dans la brousse. C’est un roman yoruba, un chef-d’œuvre absolu, son auteur Amos Tutuola est un grand écrivain, personne ne peut le nier. Eh bien, quand il est mort, deux ans avant la sortie du premier « Continents Noirs », personne au monde n’en a parlé. Il n’y avait rien dans les médias, ni en France ni en Angleterre où Tutuola publiait avec Faber et Faber. Dans « Continents Noirs », je suis très heureux d’avoir contribué à sa résurrection.
Les racines et les découvertes sont les logiques sur lesquelles vous avez construit les « Continents Noirs ». Quels sont les principaux auteurs découverts ces vingt-cinq dernières années ?
Je vous donne les auteurs qui ont publié leur premier livre chez « Continents Noirs ». Sylvie Kandé, je t’ai déjà nommé, qui a donné Lagon, Lagunes. C’est une auteure qui sait écrire des épopées historiques en vers. Ousmane Diarra dont le dernier roman La route des clameurs est également sorti en Folio. Natacha Appanah, qui, il y a plus de vingt ans, m’est apparue un beau jour de printemps, une jeune femme timide et rayonnante, en plein Salon du livre de Paris, le manuscrit de Roches de poudre d’or à la main et fait aujourd’hui partie du prestigieux comité de lecture, s’il en est, de Gallimard. Mahamat Saleh-Haroun, le grand cinéaste célébré à Cannes, à Venise, partout où ses films nous touchent tant, il a choisi « Continents noirs » pour ses premiers romans. C’est un nouvel écrivain aguerri dans l’art de montrer et d’émouvoir. Maintenant, qu’est-ce qu’écrire ? Il s’agit de faire voir et bouger avec des mots, alors qu’il a commencé avec des images. C’est la marche des « Continents Noirs ».
Vous recevez environ 200 manuscrits par an. Quels sont vos critères de sélection ?
Quelqu’un qui sait écrire, qui sait faire voir et émouvoir. C’est extrêmement important car dans la nostalgie et la vengeance qui sont les deux étapes du moteur de l’écriture, enfin l’Afrique qui a tant souffert, qui vit, qui ressuscite, qui revit, et les écrivains africains qui cherchent toujours un voyage dans l’écriture. , ils ont vraiment une place royale. C’est pourquoi j’ai toujours voulu faire de « Continents Noirs » dès le début une pointe de diamant d’écriture universelle et je crois que ces vingt-cinq années confirmeront que la pointe de diamant est bien taillée.
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