Se démarquer sur la scène musicale classique londonienne, c’est le défi de Marion Portelance, la jeune violoncelliste québécoise invitée à jouer lors du couronnement du roi Charles III. Après deux années au Royal College of Music de Londres, la musicienne de 25 ans fait son chemin et vient de mettre les pieds au sein du London Philharmonic Orchestra.
La connexion n’est pas optimale, mais suffisante pour entendre Marion Portelance s’excuser à l’autre bout du fil. Le jeune violoncelliste n’est pas à Londres, où nous nous étions rencontrés dans un café de Finsbury Park, mais quelque part en mer au large des côtes espagnoles.
C’était à la mi-novembre, quelques jours seulement après les inondations meurtrières à Valence, en Espagne. Le mauvais temps s’abattait désormais sur le sud de la péninsule ibérique. «Je suis vraiment désolée, mais je suis coincée ici», répète-t-elle d’un ton navré.
La jeune musicienne n’était pas en vacances sur ce paquebot : jouer sur des bateaux de croisière est l’un des types d’engagements qui lui permettent de gagner sa vie, maintenant qu’elle a quitté le Royal College of Music, une école prestigieuse où elle a passé les deux dernières années. années.
« Je fais encore un peu de tout, j’ai de la chance », confie celle qui joue également avec des orchestres symphoniques et des ensembles de Musique de chambre.
Sur les navires, elle et son collègue pianiste s’appuient sur des œuvres connues, comme Le cygne de Saint-Saëns ou duJe vous salue Marie par Schubert. Ou en morceauxcomment ça va qui captent l’attention », ajoute-t-elle, citant Le vol du bourdonune pièce frénétique et virtuose d’une minute et quelques secondes.
« Chaque fois que je joue dans ce contexte, cela me rappelle pourquoi je fais ce métier. On reçoit des commentaires extraordinaires de la part des gens, ça me touche beaucoup», confie Marion Portelance.
La musique est faite pour être partagée et c’est quelque chose qu’il est assez facile d’oublier dans le monde de la musique classique, qui est assez compétitif.
Marion Portelance
Un billet pour Londres
Le nom de Marion Portelance a circulé dans les médias québécois au printemps 2023, alors qu’elle se produisait lors du couronnement du roi Charles III. Cet engagement l’a-t-il aidée dans la poursuite de sa carrière ? La jeune femme hésite. L’ampleur de l’événement lui a donné de la « crédibilité », songe-t-elle. « J’ai l’impression que ce que je fais en ce moment, je l’ai construit au fil des années, souligne-t-elle cependant, et cela n’a vraiment pas grand-chose à voir avec cet événement. »
Enfant très timide (« Je trouvais les autres enfants mignons », se souvient-elle en riant), elle est tombée très tôt amoureuse de la musique classique. Elle est un « produit » des programmes de musique du système public québécois : primaire à l’école Le Plateau, secondaire à l’école secondaire Joseph-François-Perrault et études postsecondaires au Conservatoire de musique de Montréal où elle a obtenu un diplôme de 2e année. .e cycle en 2022.
C’est sous les conseils de ses mentors montréalais, la violoncelliste Carole Sirois et le contrebassiste Joel Quarrington, qu’elle décide de tenter sa chance à Londres. En une seule audition, elle a attiré l’attention de Melissa Phelps, professeur au prestigieux Royal College of Music. [RCM, qui choisit soigneusement ses élèves].
“Elle m’a vraiment impressionnée”, déclare Melissa Phelps, assise avec une tasse de thé dans sa maison de l’ouest de Londres. Je ne l’avais entendue qu’en ligne, vous savez, avant de dire oui, mais elle a fait une très bonne audition. Très classe. » L’élan était réciproque. « En une seule séance, Mélissa a changé mon son, se souvient Marion Portelance. Je me parle juste de l’angle de l’arc et de la façon de sentir mon poids dans ma main et mon bras. »
« Je ne choisis pas les gens simplement parce qu’ils ont un talent extraordinaire, explique celle qui fut son professeur, cela a beaucoup à voir avec ce que je perçois d’eux en tant que personne. » Elle décrit son étudiante québécoise comme une femme pétillante, appréciée de tous.
[Marion Portelance] est le contraire d’un enfant gâté. Elle s’est sentie vraiment privilégiée d’avoir l’opportunité [d’étudier au RCM] et elle en a tiré tout ce qu’elle pouvait.
La violoncelliste Melissa Phelps
Son père, Roger Léger, confirme qu’avoir une grosse tête n’est pas le style de sa fille. « Elle est consciente que tout le monde n’est pas aussi privilégié et entouré qu’elle, dit-il. Sa mère, Mona Portelance, constate que ce manque de prétention fait de la jeune musicienne une artiste ouverte. « Il y a parfois quelque chose d’élitiste dans le monde classique. Nous ne sommes pas comme ça, dit-elle, et Marion non plus. »
Un pied dans un orchestre prestigieux
«Je ne connais pas beaucoup de gens qui font autant de choses différentes», confirme Amadea Dazeley-Gaist, l’une des trois jeunes musiciennes avec qui Marion Portelance partage un appartement au nord de Finsbury Park, à Londres. Les musiciens d’élite ont tendance à se concentrer sur un ou deux types de musique, explique-t-elle. Pourtant, sa colocataire québécoise joue en solo, avec des orchestres symphoniques ou de chambre et collabore avec des artistes pop…. notamment avec Alicia Keys.
Être un jeune musicien à Londres « c’est beaucoup de pression psychologique », selon Amadea Dazeley-Gaist, car une fois sorti de l’école, il faut faire son chemin. Le talent ne suffit pas toujours, constate Florence Lockheart, rédactrice en chef du magazine Musique classique. Elle voit de plus en plus de jeunes musiciens s’appuyer sur les réseaux sociaux « pour se faire remarquer, même des personnes importantes dans le monde classique ». Cette pression s’ajoute à celle inévitable de réussir une audition. Une épreuve toujours « dure sur les nerfs », reconnaît Marion Portelance.
Sa confiance était au plus bas lorsqu’elle a auditionné pour le London Philharmonic Orchestra (LPO). «Ça a marché», se réjouit-elle à l’autre bout du fil. Le premier tour était à l’aveugle, donc je pouvais vraiment me dire que tout ce qui comptait, c’était la façon dont je jouais. » Elle a eu moins de chance avec le London Symphony Orchestra : le stress a pris le dessus au deuxième tour et elle n’a pas été à la hauteur de son talent.
Son test par la LPO constitue une étape importante, selon Melissa Phelps, qui ajoute que son ancienne élève en est encore à ses débuts. L’enjeu est néanmoins de taille : un poste à vie au sein de ce groupe prestigieux. «J’ai confiance en la vie et je m’estime chanceuse», confie Marion Portelance, qui a joué pour la première fois avec la LPO mi-décembre. Je suis prêt à aller partout où j’ai des opportunités. C’est un peu la vie d’un musicien : on va là où la vie nous mène. »
Marion Portelance se produira à Montréal le 23 avril 2025 en duo avec le pianiste Emmanuel Laforest dans le cadre des Mélodînes.
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Qui est Marion Portelance ?
Identifiée parmi les talents des moins de 30 ans par CBC/- en 2023, Marion Portelance est la fille de l’acteur Roger Léger et de l’agent artistique Mona Portelance. Elle a notamment été invitée à se produire lors du couronnement du roi Charles III en mai 2023.