Avec ses pieds plats, il n’était pas forcément destiné à faire long feu à l’Opéra de Paris. Guillaume Diop a déjoué tous les pronostics en obtenant le titre suprême de star, le 11 mars 2023, après une performance de Gisèle à Séoul (Corée du Sud). Une première pour un danseur noir dans l’histoire du ballet.
A 23 ans, le Franco-Sénégalais devient alors, malgré lui, un ambassadeur de la diversité dans le monde artistique. Un rôle qui n’est pas toujours confortable. Comment vivons-nous notre différence de couleur de peau dans des institutions culturelles renommées ? Et comment ces institutions parviennent-elles, ou non, à s’adapter à l’évolution des artistes et des publics ?
C’est ce qu’a cherché à découvrir Virginie Plaut avec ses deux co-auteurs Youcef Khemane et Isabelle Boni-Claverie, dans le documentaire Être noir à l’Opéradiffusé ce lundi 23 décembre sur jusqu’à . « En 2014-2015, j’ai réalisé un premier documentaire sur l’Opéra de Paris dans lequel le directeur de la danse de l’époque, Benjamin Millepied, critiquait la maison pour son manque de diversité. Face au tollé que sa déclaration avait suscité dans la presse et au sein de la compagnie, j’avais envisagé de faire un reportage sur les discriminations dans le monde de la danse mais personne ne voulait en entendre parler. »
“Certains artistes ont été traités de singes”
La publication en 2020 d’un manifeste contre les discriminations raciales à l’Opéra de Paris a relancé le projet. « Certains artistes signataires ont été traités de singes. D’autres ont été critiqués pour ne pas être assez noirs. » De quoi accélérer la prise de conscience au sein de l’institution. « Mes producteurs ont alors renouvelé la demande, et à ma grande surprise, la direction a accepté de nous ouvrir les portes. »
Restait à convaincre les principaux témoins. « Quand nous avons rencontré Guillaume Diop en 2021, il était encore en bas de la hiérarchie, dit Virginie Plaute. Il avait envie d’aborder le sujet et en même temps il craignait que cela nuise à sa carrière. Après quelques temps de réflexion, il a finalement décidé de participer. » Le contrebassiste Sulivan Loiseau n’a pas ressenti la même pression. « En danse classique, c’est le corps qu’on regarde alors qu’en Musique, on joue dans la fosse, analyse le réalisateur. Nous sommes donc beaucoup moins visibles. »
« Être noir à l’Opéra » : un documentaire intimiste
Le musicien avoue toutefois avoir eu quelques réticences au début. « Je préfère m’intéresser à ma musique plutôt qu’à mon apparence physique. Mais en discutant avec ma famille et mes amis, j’ai réalisé qu’il était important que nos voix soient représentées. Quand j’ai été admise au Conservatoire National de Musique et de Danse, certains ont prétendu que c’était parce que j’étais une femme et que j’étais noire même si j’avais travaillé très dur pour cela. J’espère que le documentaire facilitera le dialogue sur les questions d’identité et de différence. »
Intime, le documentaire met en lumière le parcours du combattant des artistes de couleur pour se faire une place dans ce monde très homogène. Il souligne également les efforts déployés par l’institution pour briser les stéréotypes en adaptant notamment certaines œuvres du répertoire. Cependant, nous pouvons voir jusqu’où il nous reste encore du chemin à parcourir pour parvenir à une véritable diversité.
jusqu’à23h05.