l’essentiel
Créé en 1987, Croc Vinyl est le plus ancien disquaire de Toulouse. Son patron Eugène Corona-Pineda a pris sa retraite après avoir connu les gloires et les vicissitudes du marché du disque. Ses locaux, rue des Lois, abriteront prochainement un magasin de vêtements.
Le 29 décembre prochain, Croc Vinyl fermera définitivement ses portes. Pour les amateurs de vinyles, c’est tout un pan de la culture musicale des dernières décennies qui est en train de disparaître à Toulouse. Car la boutique, située en haut de la rue des Lois, n’était pas qu’une boutique. C’était un lieu de rencontre pour les amateurs de disques, qui discutaient de leur passion. C’était aussi le plus ancien disquaire de Toulouse, puisque la création de Croc Vinyl remonte à 1987, avec un premier établissement rue Pargaminières.
A 67 ans, Eugène Corona-Pineda avait envie de partir et de faire un voyage avec son épouse, au volant d’un camion. Incapable de trouver un acheteur dans l’industrie pour racheter son entreprise et son incroyable collection de LP, il va céder la place à une marque de vêtements en début d’année. En attendant, il liquide ses stocks avec des réductions de -50%, et sa boutique est toujours pleine. “Je suis très partagé, je suis content de partir et en même - je ressens un énorme pincement au cœur” confie-t-il derrière son bureau “J’ai fait un super travail, j’ai rencontré des gens fantastiques comme moi” Je ne l’ai jamais fait. J’ai hésité à me lever le matin pour aller au travail. Un disquaire, c’est comme une librairie, c’est important dans une ville.
« Le travail du découvreur »
Eugène aimait son « travail de découvreur », à la recherche de ces collections qu’il redécouvrait chez les particuliers, de ces rencontres et de ces héritages de petits trésors alimentés uniquement par le bouche à oreille. En plein baccalauréat, il rencontre Etienne Daho, Pascal Comelade, Laurent Voulzy, Renaud, Pierre Arditi et Jules-Edouard Moustic. Elle s’étend sur quatre décennies, durant lesquelles le vinyle connaît un âge d’or, un effondrement et une renaissance.
Au milieu des années 80, il commence à mettre la main sur les brocantes du Capitole et de Saint-Sernin. Condamné pour vente d’albums piratés, lui et un associé ont ouvert une boutique spécialisée dans les disques d’occasion rue Pargaminières pour payer l’amende. « Cela a tellement bien fonctionné qu’on en a ouvert d’autres, une seconde dans la rue, puis la rue des Lois, en 1990, et la rue de la Colombette, en 1993 », se souvient Eugène.
L’entreprise florissante Croc Vinyl embauche jusqu’à dix employés. Mais il connaîtra aussi « tous les ennuis ». « Quand le marché du disque a commencé à s’effondrer, il a fallu licencier, puis fermer les magasins… » Eugène se sépare de sa compagne, se retrouve avec un seul employé et fait face à la grande tendance du téléchargement et de la concurrence d’Internet. Il est approché par une « petite plateforme » en cours de lancement, PriceMinister. Le web devient un partenaire qui la sauve de l’échec et la maintient à flot, en hébergeant son catalogue. Durant cette traversée du désert il resta seul à bord, dans sa boutique de la rue des Lois.
Lorsque le disque revient à la mode en 2010, il décide de s’attaquer au nouveau marché. « Une nouvelle clientèle arrivait, on ne pouvait pas l’ignorer, mais ce qui nous a sauvés, c’est que nous n’avons jamais abandonné cette opportunité », poursuit-il. Il a déménagé du 12 au 7 rue des Lois, juste en face. Les locaux plus grands lui permettent de développer une clientèle plus large et d’asseoir définitivement son aura. C’est ici que viennent se dire au revoir ses clients les plus fidèles. Habitudes qui fait désormais référence à ses confrères toulousains, le Laboratoire, Vicious Circle et Bullit.