A offrir récemment à ma belle-mère : des flûtes à bec en bois, pas jeunes, mais jouables, et un ensemble de partitions. J’ai pris une flûte soprano et un alto, puis j’ai retrouvé des duos joués il y a longtemps avec ma sœur et mes cousins. Oui, dans la chaumière de mon enfance, sans télé et sans pré-internet, on pourrait passer une bonne heure à jouer de la flûte, après avoir glissé dans la neige.
J’ai donc emporté le butin au chalet… et j’ai rejoué des duos de flûte avec ma sœur. On s’est dit un peu (quelques doigtés avaient disparu de nos souvenirs), on a ri, et on a même trouvé ça beau par moments.
Je vous sens perplexe : « Avoir du plaisir à jouer de la flûte à bec, l’instrument de torture de notre enfance ? » Pour moi, l’instrument de torture était le volley-ball. Dans les deux cas, il y a un tournant où la torture se transforme en jeu. Rien de sadomasochiste : simplement un niveau minimum de maîtrise à développer afin d’explorer la suite avec plaisir, sans être un expert.
Vincent Lauzer, l’un des grands virtuoses de la flûte à bec, directeur de deux festivals de musique baroque et membre de la Flûte là ! quatuor! constate que les - ont changé : « On apprend moins la flûte à bec à l’école. Le ukulélé et les percussions sont à la mode ; quand ils ne sont pas bien maîtrisés, elle produit des sons moins stridents que la flûte ! »
Bonne nouvelle, il est encore très présent dans les écoles de musique. Selon Vincent, l’école FACE de Montréal réalise de beaux projets autour de la flûte à bec, tout comme l’école Alpha de Rosemère. Mais des talents émergent partout :
« Il y a beaucoup de professeurs passionnés qui nous amènent en ateliers : avec le quatuor, nous avons joué 200 fois notre spectacle Athlètes enregistreurs. »
Vincent s’efforce de sortir la flûte à bec du casier polyvalent où beaucoup l’ont oublié, avec des concepts de concerts audacieux, de grands succès arrangés pour la flûte et des collaborations avec des musiciens pop.
“J’ai joué sur la chanson Pour Élise par Klo Pelgag ; J’ai adoré sa curiosité, l’exploration faite en studio. »
Mais il aime aussi la tradition très anglo-saxonne des jeux de flûtes de toutes tailles, joués par les amateurs et collectionneurs d’instruments.
« Je suis chargé de cours à l’Université McGill, et je fais beaucoup de coaching d’ensembles privés, entre autres avec un groupe de l’Outaouais, où je vais une fois par mois : ils sont près d’une vingtaine, de 40 à 70 ans, véritables flûtes à bec. passionnés. »
Je parierais qu’ils y jouent même… à la cabane.
La playlist des fêtes de nos flûtistes
Vincent Lauzer proposes the Concert pastoral, de Pez, qu’il a joué lors d’un concert de Noël avec les Violons du Roy, pendant la pandémie.
Matthias Maute, flûtiste, est chef d’orchestre de l’Ensemble Caprice et Choral Art. Il dirigera ces deux ensembles dans le Messie de Haendel le 22 décembre, à la Maison symphonique. Matthias propose un Noël mexicain recadré dans l’hiver québécois. On l’entend ici avec sa compagne Sophie Larivière, qui a enseigné à Vincent Lauzer. «Notre meilleure professeure de l’instrument, elle m’a poussé très jeune», raconte-t-il.
Francis Colpron, propose un Noël provençal joué par son ensemble Les Boréades : « Ce Noël nourri d’une envie de réjouissance est écrit pour l’orgue, mais comme le dit si bien Michel Corrette, « il peut être facilement transposé aux différents instruments utilisés »… comme la flûte. bec! »
Femke Bergsma, que l’on entend avec les Boréades et plusieurs autres groupes : « En tant que personne sans tradition religieuse, je me suis surprise à développer un attachement au répertoire médiéval de Noël. Ce sont des pièces émouvantes, transparentes et intimistes, aux sonorités inhabituelles pour les oreilles modernes. Cela crée un sentiment de continuité et d’appartenance. »
Caroline Tremblay, du quatuor Flûte aussi! propose un vieux Noël anglais, Lully, Lulla : « Cette version introspective m’a stupéfait de beauté la première fois que je l’ai écoutée, il y a 20 ans ! La flûte à bec de Francis Colpron se démarque en proposant un couplet instrumental à la fois virtuose et expressif. »
Marie-Laurence Primeau, de la Flûte là! quatuor, propose une série de variations d’un maître hollandais du XVIIe sièclee siècle, Jacob van Eyck : « Cet arrangement éveille en moi le sentiment enveloppant qui naît devant les lumières la nuit, sous les flocons de neige, en allant à la messe et au réveillon du Nouvel An. »
Alexa Raine-Wright complète alors le quatuor de flûtes ! Elle propose un extrait du Messe de minuit pour Noël de Marc-Antoine Charpentier, où l’on découvre que les Noëls traditionnels au Québec ont des origines très françaises.