L’environnement culturel est propice aux violences faites aux femmes – plus d’une femme sur deux a vécu des épisodes de harcèlement sexuel ou psychologique –, et une lutte concertée de tous les protagonistes du secteur est essentielle pour éradiquer ce fléau. , rapporte un rapport sur les violences sexuelles dans la culture au Québec, dévoilé mardi.
Au total, 56 % des femmes de toutes les professions de l’industrie culturelle québécoise estiment avoir subi du harcèlement sexuel dans leur milieu de travail, selon une recherche 2022 de Joëlle Bissonnette, professeure de gestion à l’Université du Québec. Québec à Montréal (UQAM).
Un chiffre accablant avancé par le rapport « 3, 2, 1… Action ! Une approche concertée pour lutter contre les violences sexuelles dans la culture au Québec », publié mardi. Un chiffre parmi tant d’autres tout aussi marquants, qui ne sont pourtant pas les seuls à retenir de ce rapport, selon Vanessa Blais-Tremblay, professeure au département de musique de l’UQAM et co-auteure du document. avec Mmoi Bissonnette.
« Nous citons des données d’études, mais je voudrais surtout qu’il ressorte du rapport que si nous parlons entre les environnements, entre les personnes qui subissent, commettent et sont témoins de violences sexuelles, entre individus, nous pouvons aborder la violence sexuelle. [VACS] de manière globale et globale. »
C’est là le nœud du problème, selon ce violoniste professionnel qui constate depuis trop longtemps le profond sentiment d’impuissance de la filière face aux VACS et à leurs conséquences.
Le rapport du duo de chercheurs fait état de statistiques, mais découle également des discussions tenues lors du Sommet sur la violence et le harcèlement sexuels en culture, organisé en partenariat avec l’Association québécoise de l’industrie du record (ADISQ) et l’Association des professionnels de l’industrie de l’humour. (APIH) et auquel une cinquantaine d’organisations professionnelles ont participé en septembre dernier.
On apprend ainsi, grâce aux données récoltées, que certains secteurs, comme la télévision et le cinéma, le théâtre ou la musique, sont surreprésentés dans les cas de violences et de harcèlement traités par L’Aparté (un organisme qui offre des services juridiques gratuits à toute personne qui a été victime de harcèlement dans la culture québécoise). La nature des mandats reçus par l’organisation concerne le plus souvent les VACS à caractère psychologique (35%), suivi du harcèlement sexuel (14%).
Les témoignages des participants au Sommet révèlent que la peur de ne plus être embauché pousse certains travailleurs de terrain à tolérer ou à ne pas dénoncer les violences sexuelles.
Ou que la sous-représentation des femmes aux postes de décision dans certains secteurs culturels accroît les dangers, alors que 79,5 % des demandes reçues par L’Aparté proviennent de femmes, selon l’étude. Ou encore que plusieurs acteurs de terrain estiment que la violence est trop souvent banalisée, parmi bien d’autres constats.
Briser le sentiment d’être seul
Les ennemis de la lutte contre le VACS sont les sentiments d’impuissance, d’isolement et d’incompréhension, note Vanessa Blais-Tremblay.
« Les gens de l’industrie n’ont pas vraiment l’impression d’être encadrés », décrit le chercheur. Et ils ont parfois l’impression que le fait qu’il s’agisse ou non de violences sexuelles dépend du fait qu’ils aient ou non fixé une limite. Est-ce que la gifle me dérange vraiment ? Comme si cela dépendait de leur réaction. Cela en dit long sur la compréhension de ce qu’est cette violence, mais aussi sur le fait que les gens sentent que nous devons lutter individuellement contre le VACS. »
Et il n’est pas seulement important que les victimes conceptualisent de manière adéquate ce qui constitue la violence. «C’est aussi pour les gens qui l’engagent, pour les témoins, pour les organismes et les écosystèmes», ajoute Vanessa Blais-Tremblay.
Certaines particularités de l’environnement culturel rendent les relations et les lieux plus vulnérables à la violence, soutient le rapport « 3, 2, 1… Action ! « . Les études scientifiques et les discussions lors du Sommet sur la violence sexuelle et le harcèlement dans la culture convergent vers cette idée.
La frontière entre le personnel et le professionnel est parfois floue, ce qui ouvre la porte aux VACS, tout comme le contexte festif, le fait qu’il y ait souvent une consommation d’alcool ou de drogue. La précarité des artistes est également accrue, ce qui conduit parfois à accepter des comportements afin de conserver leur métier.
Chercheuse Vanessa Blais-Tremblay
« C’est cette accumulation de facteurs de vulnérabilité que nous suggérons aux organisations du secteur de considérer. Pour une meilleure sensibilisation», décrit Vanessa Blais-Tremblay.
Sept solutions concrètes (prendre position, prévenir, accompagner, prendre la parole, intervenir, mémoriser, mais aussi développer, évaluer et partager les connaissances), déclinées en une centaine d’actions à mettre en œuvre, sont décrites dans le rapport que la communauté a désormais entre ses mains la possibilité de continuer à se battre. « Les partages lors du Sommet ont allumé une étincelle », raconte Vanessa Blais-Tremblay. Il y a une volonté évidente d’agir de la part d’organisations de toutes sortes, nous avons ressenti une grande impatience d’avoir enfin le rapport. Cela ne répond pas à toutes les questions, mais c’est un portrait assez complet. »
Le professeur estime également que la culture a le pouvoir distinctif de donner vie à des œuvres capables de véhiculer un message en faveur de la lutte. « Ce caractère unique pourrait faire de l’environnement un porte-drapeau », note-t-elle avec espoir.
Des liens vers des initiatives déjà en place sont également fournis dans le rapport, à titre de ressources et de sources d’inspiration. La conversation s’engage plus que jamais. La communauté culturelle dispose désormais d’un outil de plus pour se réparer.