Ismaïl Kadaré, le grand écrivain albanais, est décédé à 88 ans

Traduit dans plus de 45 langues et lauréat des plus grands prix littéraires (Man Booker, Prince des Asturies, Prix de Jérusalem), l’écrivain Ismaïl Kadaré, le 6 octobre 2006 à Francfort. JOHN MACDOUGALL / AFP

C’est son premier roman, Le général de l’armée morte – publié en 1963 en Albanie et sept ans plus tard en France chez Albin Michel – qui lui valut une renommée, faisant de lui instantanément l’un des rares écrivains albanais connus internationalement. Traduit dans plus de 45 langues et lauréat des plus grands prix littéraires (Man Booker, Prince des Asturies, Prix de Jérusalem), l’écrivain Ismaïl Kadaré est décédé lundi 1est Juillet, à l’âge de 88 ans.

Il est né le 28 janvier 1936 à Gjirokastër, ville située à 200 kilomètres de Tirana, dans le sud montagneux de l’Albanie. Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO – elle était connue sous l’Empire byzantin sous le nom d’Argyropolis, la « ville d’argent » –, cette ville historique joue un rôle important dans son œuvre. Kadaré le décrit notamment dans Chronique de la Cité de Pierre (Hachette, 1973) ou dans son magnifique récit autobiographique La poupée (Fayard, 2015). Dans sa vie comme dans ses récits, Kadaré revient toujours à Gjirokastër, « la ville la plus penchée d’Europe », le seul où nous pourrions « Accroche ton chapeau au sommet d’un minaret ».

Lire aussi (2015) : Article réservé à nos abonnés « La Poupée » : Ismail Kadaré dans son pays natal

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D’éternels soupçons d’ambiguïté

Mais Gjirokastër est aussi le lieu de naissance du dictateur albanais Enver Hodja (1908-1985). Ce n’était bien sûr qu’une coïncidence, mais Kadaré se sentait un peu trop souvent ramené là-bas – au Hodja, à la dictature, à l’histoire politique de son pays. Qu’il était appelé à expliquer comment il avait pu déjouer ou transiger avec le régime – un communisme dont il avait connu presque toutes les versions, russe, chinoise puis complètement autarcique. Rencontré par Le monde En 2001, il ne cachait pas sa lassitude de devoir toujours repousser les éternels soupçons d’ambiguïté le concernant lorsqu’on lui parlait de l’Albanie. « Cela me dégoûte de consacrer autant d’énergie à parler de ça. En gros, ce que les gens me demandent, c’est pourquoi suis-je sorti vivant du système ? Mais tu pourrais être abattu pour de petites choses, pourquoi devrais-je me sacrifier ? Les conférenciers me disent : « Vous n’étiez pas sincère avec les dictateurs. » Mais faut-il être sincère avec les bandits et les bêtes sauvages ? »

Sa sincérité, disait-il, s’exerçait à l’égard de son art. La littérature l’accompagne en effet dès son plus jeune âge. A 9 ans, lorsque le communisme s’installait dans son pays, il était déjà « obsédé par l’idée de démêler le sens des mots. » A 12 ans, il écrit ses premiers vers. Après des études à l’Université des Lettres de Tirana, il est envoyé à Moscou, à l’Institut Maxime Gorki – qu’il mentionne dans Le Crépuscule des Dieux des Steppes (Fayard, 1981) –, institution spécialisée dans la création littéraire où, à l’époque, étaient envoyés tous les jeunes de leur calibre, ceux qui faisaient partie de la « troupes d’élite du réalisme socialiste ».

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