Le conte de fée d’un chef québécois

(New York) Son nom est Dominique Roy, il vient de Gatineau, et il est le chef de cuisine d’un des plus grands restaurants de New York.


Publié à 11h00



Mieux : depuis un an, il en est effectivement le partenaire. Pas mal pour un tout jeune homme, venu il n’y a pas si longtemps en car du Canada, venu littéralement frapper à la porte d’Eleven Madison Park, un restaurant chic triplement étoilé, situé en face du non moins chic Madison Square Park.

« C’est un peu fou ! », raconte humblement le principal intéressé, que nous avons rencontré plus tôt cette année pour nous raconter son conte de fées. « Je suis arrivé à New York sans rien, sans visa, en touriste ! », se souvient-il en riant, avec son accent « franco-ontarien » de Franco-Ontarien qui ne parle plus très souvent français.

Il ne peut clairement pas y croire. Il prévoyait de rester un mois. Il n’est presque jamais reparti. Il avait 25 ans. Cela fera 10 ans l’année prochaine.

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE

L’entrée du restaurant est impressionnante.

Eleven Madison ne vous dit peut-être rien, mais en 2017, le restaurant est arrivé premier au prestigieux prix Les 50 meilleurs restaurants du monde, un classement qui a couronné au fil du temps les El Bulli, Noma et autres Mirazur de ce monde. Cette année, c’est une table barcelonaise, Disfrutar, qui a remporté le titre, décerné par un jury de 1000 experts indépendants. Ce n’est pas tout : depuis 2021, Eleven Madison Park propose un menu exclusivement végétal, ce qui en fait, selon le site Eater, le seul restaurant végétalien trois étoiles Michelin au monde.

ARCHIVES PHOTOS REUTERS

Daniel Humm dans les cuisines du Eleven Madison Park

En tout cas, Dominique Roy connaît depuis longtemps la cuisine de Daniel Humm, le chef et propriétaire (et accessoirement partenaire de Demi Moore). Il faut dire que dans l’industrie, comme l’a déjà résumé le New York TimesEleven Madison, c’est un peu le Harvard des jeunes chefs ambitieux. Cela vous donne une idée du calibre. Du perfectionnisme impliqué. Bref, le talent se trouve ici au mètre carré.

On comprendra que pour un jeune chef, travailler dans les cuisines de cette adresse presque mythique relève du rêve, mais pas de loin. Et Dominique Roy, qui demandait des livres de cuisine au Père Noël lorsqu’il était enfant, en rêvait depuis longtemps.

Une quête de perfection

Pour mémoire, il faut savoir qu’après avoir travaillé avec Jérôme Ferrer à Montréal puis avec George Blanc en France, Dominique Roy débarque au Château Montebello. Prestigieux, certes. Sauf que ce qui passionne le jeune chef a toujours été autre chose : les concours. Il faisait partie de l’équipe canadienne pour la Coupe culinaire du monde ainsi que pour les Jeux olympiques culinaires. « Et en compétition, ça a cliqué », explique-t-il. J’ai vu à quel point on pouvait pousser sa carrière à un niveau que je ne connaissais pas… »

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE

Dominique Roy

A ce niveau de cuisine, on devient un peu intello. C’est tellement structuré, presque militaire, très intense.

Dominique Roy, chef de cuisine at Eleven Madison Park

Et c’est ce haut niveau, alliant structure et compétition, sans oublier une « adrénaline » débridée, qu’il recherche, une quête qui finit par l’amener ici, donc, dans cette grande cuisine new-yorkaise.

À l’époque, il a tenté le tout pour le tout. Il vend sa maison, quitte famille et amis, et part avec seulement son sac à dos. En arrivant à Big Apple, il a acheté un vélo. Un couteau. Et une veste de cuisine, qu’il lave tous les soirs en rentrant à la maison, pour la porter le lendemain. « J’ai frappé ici », dit-il, « j’ai demandé à parler au patron [Christ Flint à l’époque]. Il m’a dit : « OK, viens passer une journée. » »

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE

Un aperçu des cuisines d’Eleven Madison Park où les chefs sont à pied d’œuvre.

Ce dernier appréciait l’audace, sans doute aussi le culot, ne dit pas l’histoire, mais il le mit surtout à l’épreuve : au jour fixé, il lui accorda une heure et lui demanda de cuisiner un plat. Dominique Roy s’en souvient encore : « J’ai fait un morceau de poisson, un bar. Il fallait que je montre que j’étais bien organisé, rapide, capable de faire une bonne sauce, avec une bonne garniture. Je l’ai présenté au chef et il m’a dit : « Wow, c’est délicieux ! […] Et puis il m’a fait une offre. »

” C’était fou ! il s’émerveille toujours. Je n’avais rien. J’ai dû imprimer mon CV dans un magasin ! »

Quelques allers-retours au Canada pour obtenir le bon visa plus tard, et notre homme a réalisé son rêve. Il a commencé au bas de l’échelle, mais a rapidement gravi les échelons. Pour preuve, l’année suivante, lors d’une compétition amicale entre cuisiniers (il y en a plusieurs dizaines ici), il remporte la première place, et son plat (une variation sur le thème du brocoli au fromage) se retrouve au menu du restaurant. Mais il ne s’en vante pas. « J’ai un côté très créatif, j’ai toujours la tête dans les nuages ​​», affirme-t-il plutôt modestement. Cela tombe bien, car en quelques années, de sous-chef, Dominique Roy est nommé responsable de la recherche et du développement. « Et maintenant, à temps plein, je travaille à créer de nouveaux plats pour le menu ! »

La gastronomie, comme un sport

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE

Caviar soleil ça n’en est pas : ces petites graines sont en fait du tonburi.

Le trentenaire, qui venait de terminer le marathon de Boston lorsque nous nous sommes rencontrés, fait plusieurs parallèles entre sport et gastronomie. « Cela demande de la formation et de la rigueur. Et pour apprendre à être à l’aise dans l’inconfort, résume-t-il. C’est beaucoup de travail et de discipline. » Son mantra : « Courez le mile que vous êtes en train de parcourir », qui donne une idée de sa détermination, sur le bitume comme en cuisine. Désormais chef en cuisine, il ne prend clairement rien pour acquis. « Il faut vraiment se concentrer sur ce qu’on fait », résume-t-il.

Ce qui ne l’empêche pas d’être étrangement reconnaissant.

Je suis très chanceuse et très heureuse de ma relation avec Daniel [Humm]. Nous sommes partenaires depuis l’année dernière, nous avons beaucoup d’idées, beaucoup de projets. Et maintenant, nous voulons vraiment repousser les limites de ce que nous pouvons faire avec un menu à base de plantes.

Dominique Roy, chef de cuisine au Eleven Madison Park

PHOTO SILVIA GALIPEAU, LA PRESSE

En 2021, le restaurant s’est mis au vert, comme en témoigne ce réfrigérateur.

A ce sujet, quand on sait qu’ils ont banni du jour au lendemain en 2021 le bouillon de poulet, la sauce de poisson, voire le beurre de leurs cuisines, éliminé tous leurs plats signatures de la carte, pour littéralement repartir de zéro, on comprend de quoi il fait référence. Ils repoussent les limites, certes, pour le meilleur… mais pas pour le moins cher !

Une partie des frais de ce voyage a été prise en charge par l’Office du Tourisme de New York, qui n’avait pas le droit de revoir le contenu de ce rapport.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV à pied ou à vélo – .
NEXT Puy-l’Évêque. Summer activities in Virebent – .