Tué dans la rue
Le 29 septembre 2020, Frank Goes, 54 ans, quitte ses bureaux de Jette. Cet homme d’affaires influent, actif dans le BTP et l’immobilier et président de la Fédération des entrepreneurs généraux de construction (Faba), a été agressé peu après 18h30 en pleine rue par un inconnu. Atteint de plusieurs coups de couteau, dont un au cœur, il est décédé sur le coup.
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L’examen des images des caméras, couplé aux analyses téléphoniques, conduit à une Renault Clio louée en région liégeoise par l’un des prévenus, Ismaël Diallo. Egalement entendue par les enquêteurs, sa compagne a expliqué qu’il lui avait raconté qu’un de ses amis avait tué quelqu’un.
Face à ces déclarations, Ismaël Diallo cite Dylan Duby, ancien footballeur professionnel ayant brièvement évolué en deuxième division allemande. Duby lui a expliqué que l’objectif n’était pas de tuer cette personne mais de la mettre en incapacité de travail de longue durée.
En janvier 2021, Dylan Duby faisait des aveux. Il affirme avoir été approché par un certain « Yassin » – qui a ensuite été identifié comme étant Yaser Abau, un autre accusé. Ce dernier, dit-il, lui a proposé trois contrats afin de mettre des personnes en incapacité de travail. Il reçoit les deux premiers noms, Frank Goes et un architecte, Nicolas Lesens. Il voulait attaquer ce dernier mais il était sur ses gardes. Dylan Duby ne peut donner qu’une vague indication pour le troisième : un « juif » actif dans le BTP, qui habite près d’une ambassade.
L’architecte a dévoilé les rumeurs de petits arrangements dans le secteur : les syndics recevraient des pourcentages s’ils réussissaient à transmettre l’entreprise de leur choix aux copropriétaires.
Dylan Duby, qui indique avoir reçu 8 500 euros pour la seule affaire Frank Goes dans laquelle il s’est rendu avec Gradi Kato Irenge, un autre accusé, ajoute que « Yassin » lui avait dit qu’à cause de ces trois personnes, le sponsor avait perdu beaucoup d’argent .
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Les secrets de l’architecte
Nicolas Lesens est un architecte spécialisé dans la rénovation de bâtiments. Il travaille pour des copropriétés et ses clients sont des syndics. Lorsqu’on lui demande s’il a des problèmes avec certaines personnes, il cite l’entreprise de façade City. Il révèle les rumeurs de petits arrangements dans le secteur : les administrateurs recevraient des pourcentages s’ils réussissaient à faire aboutir l’entreprise de leur choix. City Façade, dont il n’apprécie pas et déconseille le travail, remporterait ainsi des contrats.
Nicolas Lesens explique que, s’il est dans l’incapacité de travailler et de se déplacer, City Façade pourrait renouer avec la course aux contrats. Grâce à M. Lesens, les enquêteurs identifient le « Juif », qui est le patron d’une entreprise de rénovation de façades, premier en termes de chiffre d’affaires à Bruxelles, juste devant City Façade.
Yaser Abau, qui sera identifié grâce au téléphone, et Youssef Allali, le patron de City façade, soupçonné d’en être le sponsor, sont mis sur écoute. Le 1er février 2021, ils ont été arrêtés. Il n’est pas question d’aveux devant les enquêteurs ou le juge. Mais des éléments intriguent, comme le fait que, tout comme Dylan Duby, ils ont changé de téléphone au lendemain de la mort de Frank Goes.
Yaser Abau et Youssef Allali ne sont pas des amis proches. Le premier, qui était agent de sécurité, vendait du matériel électronique au second.
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Un intermédiaire trop bavard
Yaser Abau se confesse cependant à l’un des policiers qui le transfère du palais de justice de Bruxelles à la prison de Namur. Il lui révèle qu’il a servi d’intermédiaire pour le compte d’un patron qui souhaitait qu’un autre patron soit mis en invalidité de longue durée mais que ce dernier en était décédé. En entendant à nouveau, Yaser Abau pâlit et dit : «inventé une histoire sur le chemin de la prison ». Youssef Allali l’a toujours nié.
À l’époque des faits, aucun des accusés n’avait de casier judiciaire. Dylan Duby a cependant continué à faire parler de lui. En juillet dernier, il avait été condamné à cinq ans de prison avec arrestation immédiate pour trafic d’êtres humains, proxénétisme et menaces. Il est en appel.