Nous étions une famille nombreuse et heureuse. Huit frères et sœurs nés en onze ans, entre 1947 et 1958. Bonheur pour les parents, bonheur pour les enfants. Comme partout, nous avons eu notre part de bisbilles, mais la bonne entente régnait dans notre groupe égocentrique et peu ouvert aux « autres ». Je n’avais pas d’amis à l’école et quand les gens me demandaient pourquoi, je répondais : « J’ai mes sœurs, j’ai mes frères. » Le clan suscitait l’admiration de beaucoup, la jalousie des autres.
J’étais le troisième et l’aîné des garçons. A ce titre, mes parents, catholiques traditionnels, plutôt de gauche, m’ont confié un rôle important, et je l’ai assumé sans toujours me rendre compte de ce que cela représentait pour les autres membres de la fratrie. Nous vivions dans une grande maison en banlieue parisienne. Quand ma dernière sœur est née, en 1958, les parents ont dit que l’idéal serait d’avoir un lieu de vacances avec suffisamment d’espace pour les cinq filles et les trois garçons.
Un jour de Pâques, ils m’emmènent en voiture, un long voyage loin des circuits touristiques. Nous partons dans le Var, région d’origine des ancêtres de ma mère. J’ai 8 ans, et je découvre le Grand Jas avec eux. C’est la maison de leurs rêves. House en dit long. Le propriétaire, qui nous a fait visiter, nous a proposé de nous vendre le terrain et de nous offrir le « tas de pierres » qui s’y trouve. Le Grand Jas est une vaste bergerie délabrée, avec des chambres partout et des escaliers dans tous les sens. Les murs sont lavés par les pluies et fouettés par le mistral. La moitié du toit s’est effondrée, entraînant l’étage de l’étage jusqu’au plafond voûté du rez-de-chaussée. Il n’y a ni eau courante ni électricité. C’est inhabitable.
Pourtant, très vite, ce lieu devient notre terrain d’aventure. Les garçons traversent la route pour aller, équipés de grandes pichets, puiser l’eau à la Source. Tout le monde se lave dans la cour, là où le blé était autrefois battu. Nous nous éclairons avec des bougies que nous accrochons au bord de notre lit. Sur nos livres pour enfants, encore aujourd’hui, les pages sont brûlées ou collées par de la cire. C’est un miracle que rien n’ait pris feu !
De merveilleux souvenirs
Nous y allons deux fois par an : une fois à Pâques, une fois en été. Pour traverser la France sur les routes nationales, mon père a acheté une Citroën Traction familiale, celle à trois fenêtres de chaque côté, équipée d’une rangée de sièges supplémentaire – une banquette en bois bricolée par mon grand-père. père – et un hamac pour bébé suspendu de chaque côté. Nous installons nos vingt pieds partout où nous trouvons de la place. Nous partons à 3 heures du matin et arrivons au coucher du soleil, pause repas, pannes et crevaisons comprises.
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