Nous sommes en 2024 et « jusqu’à présent, rien n’a changé ». Ou si peu. Alors, sur le tas, Mathieu Kassovitz a soumis son travail. Pas dans Déteste 2au cinéma, non, mais dans un spectacle total, qui mêle musique, danse, image et jeu d’acteur. S’il n’est pas parfaitement adéquat, le terme « comédie musicale » est sans doute ce qui décrit le mieux cette version revisitée, modernisée et quelque peu adoucie de son film coup de poing.
Intergénérationnel
Dans les allées de La Seine Musicale, le soir de la première, on croise tout le monde : des parents avec leurs enfants, des jeunes, des personnes âgées, des noirs, des blancs, des arabes. Les rappeurs aussi, dont Youssoupha, qui a écrit deux chansons pour le livret, La haine d’un frère et La haine d’un flic. Même Valérie Trierweiller a fait le déplacement. Mathieu Kassovitz, l’air heureux mais fatigué, déambule, « immense » à droite et à gauche. Il est concentré, il sait qu’il joue gros. La production du spectacle est énorme (beaucoup de monde sur scène, beaucoup d’effets spéciaux, images en réalité augmentée) et le film de 1995 (meilleure réalisation à Cannes et César du meilleur film en 1996) reste gravé dans toutes les mémoires.
Lorsque la nuit tombe dans la salle, la voix du réalisateur retentit pour demander, comme c’est désormais l’usage, au public d’éteindre son téléphone portable. Et Kassovitz ajoute «Et surtout n’oubliez pas, baisez le maire avec sa mère. phrase culte de 1995. Les fans rient, le ton est donné. L’heure s’affiche à l’écran. Il est 10h38. Le compte à rebours est lancé.
“Les salles de cinéma ne sont absolument pas indispensables” selon Mathieu Kassovitz
Au fil des quinze scènes qui se succèdent pendant une heure et demie de spectacle (plus 20 minutes d’entracte), Mathieu Kassovitz et Serge Denoncourt (qui a notamment travaillé pour le Cirque du Soleil) multiplient les découvertes scéniques, jouent avec les réglages et jouer avec la gravité. La superposition des images – celles projetées sur l’écran, celles vivantes des acteurs et danseurs et celles qui se dessinent sur un voile transparent -, invitation à se laisser happer par l’histoire et la musique, fonctionne à la perfection et le les instants suspendus se succèdent.
Mathieu Kassovitz n’oublie cependant pas d’apporter un peu de légèreté dans la noirceur de son sujet. Comme dans le film, les escarmouches verbales entre les trois protagonistes sont souvent savoureuses et remises au goût du jour. “Moi, si Bardella passe, je m’en sortirai »dit Saïd. Et plus tard, “Pensez-vous que vous êtes un mélange de Tupac et de Mélenchon ?. Il n’oublie pas non plus de donner un plus grand rôle aux filles, plutôt effacées dans le film, notamment dans une scène de confrontation entre Vinz et son amant. Le dilemme (signé Doria et Sofiane Pamart) est sans doute l’un des plus beaux titres du spectacle et l’un des moments les plus poétiques en terme de mise en scène.
Kassovitz : « Je baise le cinéma français »
De Piaf à Youssoupha
Sous la direction musicale de Proof, « Kasso » a réuni des artistes aussi différents que -M-, Oxmo Puccino, Akhenaton, Chico et les Gipsies, Angélique Kidjo et Youssoupha. Il convoque à nouveau Edith Piaf et elle Non, je ne regrette rien et Le chant des partisansen version électro et presque sans paroles, autre gros moment fort de Haine.
Dans une scène finale d’une grande pureté, autour du trio principal, l’ensemble du casting se rassemble petit à petit. Alivor/Hubert rappe 4MOURun titre de Médine, qui gagne en puissance en même temps que les mots grandissent sur l’écran derrière eux. “On vit des films d’horreur quand on les regarde en gros plan, en zoomant, on adore les films… » “Nous devons briser le récit, chacun doit reprendre conscience que lorsque la presse déshumanise, c’est l’espèce qu’elle déshumanise. Et que le chef de la police est sûrement un chef de famille. Et que le petit de la rue n’a certainement pas choisi d’habiter là. Que l’oubli d’un crime est un crime, de Beltrame à Oussekine. Nous allons tous finir par nous entretuer, alors je n’ai qu’une chose à dire : l’amour.
De Détester a 4MOURMathieu Kassovitz a réussi son pari. Haut la main.
- Détester. Jusqu’à présent, rien n’a changéà Forest National les 23 et 24 mai 2025.